Tour Noir
Vendredi soir. 22 juin. Je rallie Denfert-Rochereau avec un peu moins de barda qu’habituellement : le sac était certes bien plein — trop, peut-être, je n’arrivais même pas à le fermer ! —, mais pas de skis à trimbaler cette fois-ci. Nous partons pour Chamonix, avec au menu de l’escalade pour les uns, de la randonnée pour les autres et de l’alpinisme pour nous. Je ne connais pas du tout le massif du Mont Blanc, c’est la deuxième fois que j’y mets les pieds. Alors pour trouver des idées de course, pas facile. Thibaut m’a parlé du Tour Noir. J’ai fauché « Les 100 plus belles » de Gaston Rébuffat à la perma’ du GUMS, j’y ai trouvé « la traversée du Tour Noir ». L’idée me séduit. Je creuse la chose. Ça semble être dans mes maigres capacités. En revanche le topo trouvé sur Camp2Camp m’inquiète un peu : il parle de vires disparues, de rappels de 50 mètres, en contradiction avec l’ouvrage de Rébuffat. Un autre topo, plus laconique, de quelqu’un ayant fait cette course l’année dernière, jour pour jour, penchait plus du côté Rébuffat. Ce qui m’a rassuré. Je me suis quand même offert quelque chose de relativement récent, « Sommets du Mont Blanc » par Jean-Louis Laroche et Florence Lelong... La descente par l’arête sud est décrite à chaque fois différemment : ici, on parle de vires Javelles commodes, là qu’elles ont disparu, rappelées par la gravité il y a 35 ans. Ou 10 ans. Bref. Une clarté nébulaire. Je prends le tout, on verra bien une fois sur place !
Pour le premier jour, le samedi, comme nous arriverons de toute façon trop tard pour envisager une course, je propose à mes compagnons de cordée de monter à pieds plutôt que par le téléphérique. Et puis tant qu’à faire, de porter la tente et d’aller bivouaquer sur le glacier d’Argentière plutôt que d’aller s’entasser au refuge d’Argentière. Le projet retient toute l’approbation de Paule et Wojtek.
Le car couchette du GUMS est à moitié rempli de jeunes filles en fleur, ce qui contraste singulièrement avec les cars hivernaux habituels : le stage initiation à l’escalade débarque à la montagne ! Et l’escalade attire tout particulièrement les jeunes demoiselles. Allez comprendre... Toujours est-il que cette jeunesse teintée de parité retrouvée conféra une atmosphère plus joyeuse, en contraste avec l’austérité habituelle, quelque chose qui faisait colonie de vacances. La relève ?
Je dors plutôt bien, en dépit d’une barre au beau milieu du dos qui me réveilla à point d’heure la colonne en vrille. Nous débarquons à Argentière vers 7h00. Avec nous un groupe du CIHM. Ils prendront le téléphérique et iront au refuge d’Argentière ; en attendant nous petit-déjeunons de concert dans le seul troquet du patelin ouvert à cette heure indue. Un thé minimaliste, deux petits croissant et nous attaquons la montée, nos énormes sacs sur les épaules. Le mien fait ses vingt kilos — ça c’était avant que je ne remplisse ma pipette de trois litres ! — bien tassés. Trop bien tassé. Je n’arrive pas à le fermer : le capuchons pendouille stupidement sur le côté.
Le sentier part de la gare du téléphérique, et montre droit dans la pente sur la piste (de ski ?), raide (donc !) et caillouteuse à souhait. Encore, là, ça va, c’est le départ, nous sommes frais comme des gardons ! Mais au retour...
Plus haut, un sentier s’enfuit en catimini dans la verdure, nous l’empruntons avec délices, fuyant cette montagne ravagée par ses pistes. Il nous amène directement au refuge de Lognan, fermé. Un peu plus haut, joli point de vue surplombant sur les séracs du glacier d’Argentière ; séracs d’une centaine de mètres de haut, tout branlant, semblant n’attendre que le souffle du battement de l’aile d’un papillon pour basculer dans le vide et aller fabriquer de la glace pilée en contre-bas. Capharnaüm sublime. Le sentier poursuit son bonhomme de chemin sur la moraine, rive gauche, au milieu des rochers, pour finalement rejoindre la surface glacée, plus haut, au-delà de la rupture de pente, quand le fleuve de glace se trouve être plus sage et plus tranquille.
Nous sommes seuls. Je prends le temps de contempler à loisir cette carapace de glace, parcourue de crevasses qui donnent un aperçu des profondeurs aux reflets bleutées qu’il nous faut enjamber, et d’insolites champignons, aux chapeaux de pierre, aux pieds de glace. De l’eau glougloute, ici et là, en surface et en profondeur. Nouvelle rupture de pente. Nous allions nous encorder pour tenter de trouver un passage dans un dense champ de crevasses, quand un coup d’œil sur la carte nous informe que le sentier s’échappe de là pour aller crapahuter sur des échelles ancrées dans le roc latéral. Nous empruntons la voie ainsi ferrée, pour voir, d’en haut, que le passage sur le glacier eut
été particulièrement difficile ! Après ce court intermède rocheux, nous reprenons pieds sur le glacier, dans le vaste cirque d’Argentière, immense bassin d’accumulation dont l’horizontalité n’a de borne que la verticalité des murailles aussi impressionnantes que célèbres qui le bordent. Devant nous, l’Aiguille Verte, puis les Droites et les Courtes pour clore l’inventaire de cette succession de grandes faces nord qui ont écrit un large pan de l’histoire de l’alpinisme et dont les noms résonnent dans ma tête pour les avoir tant de fois lu dans la littérature alpine, mais qui, jusque-là, ne faisaient écho à aucune image concrète ; c’est la première fois que je mets les pieds ici. Au fond l’Aiguille de Triolet et le Mont Dolent, belle face pyramidale dont la cîme se situe tout juste à la frontière entre France, Italie et Suisse. À gauche, l’Aiguille d’Argentière qui nous cache encore le Tour Noir, notre objectif du week-end.
Un peu plus loin, la sente qui descend du col des Grands Montets, l’arrivée du téléphérique, et qui rejoint le refuge sur la rive opposé du glacier, un kilomètre plus loin. Nous nous encordons. Au passage, petit crochet vers le pied de la face nord de l’Aiguille Verte pour avoir une vue dégagée sur le Tour Noir. Pique-nique et petite pause au Soleil sur un bloc de granit posé par quelque géant de passage. Petite sieste. Et repartir n’est pas si facile. Et ce foutu glacier qui n’en finit pas dans son éternel platitude.
Nous remontons rive droite, le refuge, où nous n’allons pas, est là-haut, perché comme tous les refuges, comme pour pouvoir échapper à quelque improbable crue du fleuve qu’il surplombe. Nous dépassons l’édifice : pas question de bivouaquer sous son balcon !
Si le bruit de la vallée s’est rapidement estompé tandis que nous progressions vers le haut, si nous étions seuls sur le chemin de montée, si le téléphérique a même réussi le tour de force de se faire discret, presque invisible, en revanche, le ballet des hélicos et autres avions de tourisme n’avait de cesse de nous rappeler que la civilisation n’était finalement pas si loin. Si toutefois on peut appeler ça « civilisation ». Le show aérien restait néanmoins lointain. Jusque là. Jusqu’à ce qu’un hélico nous survole en vrombissant, et puis s’en ailler tournicoter autour des grandes faces et sommets du coin, sans pour autant réussir à faire oublier le bruit de ses turbines qui résonnaient à mes oreilles comme autant d’agressions à toute la sueur que j’avais dû verser pour profiter moi aussi du paysage somptueux. Car ce n’était pas le PGHM, non, un simple hélico faisant du tourisme d’altitude. Comme nous, en somme. Mais il me semblait que nous étions plus discret dans notre démarche. Il a tournoyé entre le Dolent, les Courtes, les Droites, la « Verte ». Il a virevolté en grondant. Je le maudissais intérieurement. De quel droit venait-il troubler ma sudation ? Et je me suis rappelé que nous étions dans le massif du Mont Blanc. Pauvres montagnes...
Finalement, l’inopportun s’en est allé, et nous trouvâmes un coin parfait pour planter la tente : à côté des cailloux d’un bout de moraine centrale, sur la neige, entre deux crevasses, à la confluence entre le glacier des Améthystes et le glacier d’Argentière. L’eau courante est à une cinquantaine de mètres, flot clair qui dévale la pente de glace dans une petite gargouille en gazouillant gaiement. Paule, en habituée des bivouacs dans le Grand Nord, nous creuse un trou sous l’auvent — piège à froid — pour mettre les sacs, les chaussures, et accessoirement faire la popote à l’abri !
Le Soleil est encore haut dans le ciel, une nappe de nuages menace du nord, mais cela ne m’inquiète pas plus que ça. Je suis confiant dans les prévisions météo. « cumulus de décoration l’après-midi » prévoyait le bulletin. De là à dire qu’ils décorent joliment le paysage ces nuages, il y a un pas que je ne saurais franchir. Toujours est-il qu’ils nous protègent efficacement du torride Soleil estival.
Petit goûter sous forme de tisane. Puis nous attaquons bientôt la soupe.
Puis la purée aux rillettes et fromage, hachis parmentier du montagnard. J’ai pensé à tout niveau matos. Mais si j’ai même pensé envoyé un courriel à mes deux compagnons de cordée leur rappelant de ne pas oublier un bol et une cuillère, voilà ce que moi, j’ai oublié ! Heureusement Wojtek est suréquipé, je peux lui emprunter le couvercle de sa popote avec une fourchette.
C’est ainsi que nous dînons, vers 18h00, assis sur une pierre, seuls au beau milieu d’un paysage extraordinaire. Festin que terminons par une tisane... pour nettoyer les bols !
19h30. L’heure de s’installer dans la tente, têtes bêches pour que ça rentre, dans la douce chaleur de nos duvets. Pas facile de dormir avec une telle clarté à l’extérieur : le Soleil brille encore ! Mais bon, on dort quand même un peu. On se repose.
21h00. Envie de pisser. Je m’extirpe de mon sarcophage, enfile mes grolles pieds nus et en petite tenue, et m’extrais de la tente. Le spectacle est stupéfiant !
Le Soleil est sur le point de se coucher juste dans l’axe de la vallée. Les nuages décorateurs se sont tout bonnement évaporés. La lueur du couchant éclaire la montagne. Je reste sans voix devant le paysage, pieds nus dans mes grosses chaussures, en slip, perché sur mon rocher à 2700 mètres d’altitude, au beau milieu du gigantesque glacier d’Argentière. Je prends quelques photos pour tenter de fixer vaguement cet instant sublime.
Le disque solaire disparaît derrière les Aiguilles Rouges. Je reviens à la réalité, « ma réalité », et d’un coup le froid se fait mordant. Je retourne me blottir dans mon sac de plumes. Le reste de la nuit passe vite. Faut dire qu’avec un réveil à 2h00, ça aide à guérir les insomnies. 2h00 pour partir à 3h00. Comme ça nous arriverons au pied du couloir au petit jour. Et avec un peu de chance nous serons les premiers.
2h00. Le réveil sonne. Il fait nuit. On s’est couché, il faisait grand Soleil, on se réveille, il fait nuit. Bon. Depuis mon sac de couchage, je mets de l’eau à chauffer. Petit déjeuner au lit. Thé et cake au menu. On prend notre temps. On s’imagine qu’on l’a, le temps. Mais non. Là-bas, au loin, des petites lumières s’agitent déjà près du refuge : les premières cordées décollent. Flûte, on ne sera pas les premiers...
Le petit déjeuner avalé, on s’équipe. Baudrier avec sa quincaillerie qui tintinabulle, guêtres, crampons, et puis on s’encorde. Pour la peine, le sac est quasiment vide ! Quel régal ! Je remplis ma pipette au passage. Et nous entamons la remontée du glacier des Améthystes par sa rive droite.
Le ciel est superbe, tout constellé d’étoiles. La neige porte bien, la frontale éclaire le chemin. Devant nous, plus haut, de petite loupiotes s’agitent. Une cordée est déjà à la base du couloir en Y de l’Aiguille d’Argentière. Deux ou trois autres suivent. J’ai déjà fait une croix sur l’idée d’être les premiers au Tour Noir.
Nous progressons dans le silence des seuls scratch scratch des crampons qui mordent dans la neige durcie par la nuit. Tranquillement, les étoiles s’estompent. Le ciel s’éclaire. Les cordées qui nous précèdent s’engagent toutes dans le couloir en Y ! Je n’ose y croire : le Tour Noir est à nous ! Le jour se lève tandis que nous traversons le glacier pour rejoindre le pied du couloir désormais bien visible. J’étais ma frontale devenue inutile.
Petite pause pour enfiler le casque, manger une barre, pisser un coup, et sortir le reste de la quincaillerie du sac. Je me lance dans la pente.
Cône parsemé de reste d’avalanches se terminant par une étroiture « étroite » et raide, juste après une rimaye relativement bien bouchée par les coulées de purge. Même si l’un de mes pieds ne rencontra pas la résistance escomptée ; dessous béait un abîme noir. Je me fis tout léger pour faire le pas suivant, et je tendis la corde de mes compagnons. Au cas où. Tout se passa très bien. Le couloir fut avalé en trois-quart d’heure ; neige dure, mais pas trop, portante.
En arrivant au col nous fûmes accueilli à peu près simultanément par un vent du nord-ouest qui s’offrait une piste d’accélération au niveau du col par effet Venturi, et par les premiers rayons d’un Soleil qui illuminait tout le versant italien. D’ailleurs, la muraille des Courtes à la Verte baignait déjà dans le Soleil.
Dans les bourrasques, face au Soleil et dos au vent, nous picotâmes quelques barres sans pour autant nous attarder. Nous attaquons tout de suite la route vers le sommet, arête de granit ensoleillée. Le départ n’est pas la partie la plus facile : quelques pas de III ou de IV sont à franchir, parfois en pataugeant dans la neige. Avec les crampons, l’adhérence n’est pas maximale, et cette gymnastique s’en trouve plus marrante. Je place un premier friend pour protéger notre ascension. Paule en queue de cordée me fait :
- Le truc, là, je le récupère ?
- Ah oui, alors ! À soixante euros pièce, t’as intérêt !
- J’y arrive pas ! Le bras trop petit !
- Tu devrais essayer sans les moufles...
Sur le fil de l’arête le granit se décline en grosses écailles. De quoi s’agripper fermement tout en posant facilement des sangles. Et puis la pente s’infléchit, j’oblique un peu à droite de l’arête pour grimper dans la neige. La progression devient plus rapide.
Derrière nous, une cordée vient d’arriver au col. Trois autres sont dans le couloir. Je me vois déjà en train d’être doublé en terrain scabreux par quelques alpinistes pressés.
Quant à nous, nous poursuivons notre bonhomme de chemin. Personne ne semble avoir pris le chemin du sommet, curieusement. Pour le moment nous sommes toujours seuls. Seuls et déjà quasiment au sommet. Plus qu’un petit bout d’arête facile, et nous y voilà.
Le Tour Noir. 3837 m. La vue est incroyable.
Je découvre le massif du Mont Blanc, puisque après avoir potassé quelques topos de la région, je localise la Dent du Géant, superbe canine jonchée à l’extrémité de l’arête de Rochefort. Plus à gauche, la massive paroi des Grandes Jorasses et son fameux éperon Walker. Au-delà des Courtes, le Dôme du Goûter et le Mont Blanc surgissent, déjà chapeautés d’un béret de nuages. Il est 8h00.
La descente se fait côté sud, je la sais longue et paumatoire. Après quelques photos de circonstance et une poignée de fruits secs, nous continuons. Le rocher est moins prisu, plus lisse. En crampons, ça devient galère. Nous les enlevons, puisque nous ne devons pas rencontrer trop de mixte dans la descente exposée au sud-est. Tout de suite ça va mieux ! Après quelques pas de désescalade un peu délicats, nous rejoignons la brèche entre les deux sommets. Ça colle avec le topo. Tout va bien.
Nous poursuivons sur des tas de cailloux branlants, tous plus en équilibre précaire les uns que les autres. Wojtek, juste derrière moi, fait partir un gros gadin qui me manque de peu. J’ai vraiment peur de me prendre une caillasse. Rien ne tient, il faut faire gaffe où on met les pieds, où on pose les mains. J’y vais doucement, comme sur des œufs, et ne cesse de répéter à mes compagnons d’en faire autant : c’est que je suis en-dessous, moi !
Contrairement à ce que je craignais, le topo est assez clair, on trouve notre chemin relativement facilement, sans se fourvoyer. De vire en vire, nous perdons de l’altitude. L’avantage, c’est que le vent n’est pas là. Nous sommes au chaud sur la bonne face.
Bientôt nous arrivons sur la vire qui nous permet de traverser pour rejoindre l’arête sud. Traversée un peu expo, glissante, avec des névés résiduels, en glace. Je place une broche, au cas où. C’est ainsi que nous arrivons sur l’arête sud. Fin des grosses difficultés. Reste un dernier couloir pas très raide à descendre dans les cailloux. Nous rejoignons une langue de neige, on rechausse les crampons, et nous atterrissons peu après sur le glacier du Tour Noir, juste sous le passage d’Argentière.
La tension retombe, la course est à peu près terminée. Paule prend la tête sur le glacier encore bien bouché. Je rêve de skis. Du bas, j’avais repéré par où passer, hier, pour éviter zones crevassées et séracs. J’ai mal aux pieds, je crève de chaud, mais j’ai la flemme de défaire mes anneaux de corde et mon harnachement pour pouvoir enlever quelques couches. Ça attendra notre arrivée à la tente.
Tente où nous parvenons, enfin, à 13h00. 9h30 de course ! La concentration retombée, la faim m’assaille d’un coup ! Mais le bain de Soleil sera pour plus tard, une longue descente nous attend. Tout de suite, après avoir manger un morceau, nous défaisons la tente, refaisons nos sacs, ce qui nous prend pas loin d’une heure. Je parviens à peine à boucler mon sac tout neuf : lanières trop courtes. C’est beau le progrès !
Nous repartons encordés pour une longue traversée du glacier d’Argentière. Éprouvant. Parvenus rive gauche, quatre skieurs nous dépassent en faisant les malins. Salauds. Deux mecs, deux nanas. Mais eux ont pris la benne hier, puisque des traces de ski descendent du col des Grands Montets. Tricheurs. Je me demande ce qu’ils ont fait ? L’Aiguille d’Argentière, probablement. De retour au bercail, en faisant le tour des nouveautés dans les blogs je tombe sur celui de Cécile Eichinger, qui revient de l’Aiguille d’Argentière... en skis... Ils sont montés par l’arête de Flèche Rousse, c’était donc eux que l’on voyait en montant au col supérieur du Tour Noir : leur arête part de l’autre côté du glacier des Améthystes, à gauche du col du Tour Noir...
Les skieurs s’engagent le long du glacier, snobant le chemin et ses échelles. Sauf que ça ne passe pas, ça se voyait bien en montant la veille, d’en haut. Quant à nous, nous nous désencordons. Envie de liberté. De m’échapper. La traversée du glacier a duré une heure. Interminable.
Nous rejoignons le sentier des échelles. Et après deux jours de solitude totale, nous retrouvons la foule. Autant hier, à la montée, nous n’avons croisé personne, que tout le monde évité jusqu’alors semble s’être donné rendez-vous sur ce sentier à cette heure-là. Les alpinistes redescendent dans la vallée. Je double. Je profite des névés pour passer devant. Au sommet des échelles, un type — guide ? — s’apprêtait à encorder ses potes — clients ? —. Je suis content de ne pas être arrivé cinq minutes plus tard, parce que je vous dis pas l’embouteillage que sa manip a dû créé ! Encore que ça passait à gauche, sur un névé, au cas où... Belle vue sur le glacier, d’ici. Comme prévu, les skieurs galèrent dans un champ de crevasses. Quand je disais que ça ne passait pas... J’arrive au pied des échelles, sur le glacier, ils en sont à poser une corde pour passer une fente large et béante. Eh, eh, eh !
Mon sac est terriblement lourd. J’ai hâte d’arriver en bas, pour le poser, enfin. Mais la route est encore longue, avant. Le glacier, puis la moraine, puis le sentier, puis les pistes, raides. Sur la moraine, plein de monde, des touristes visiblement venus là pour admirer le géant de glace de plus près. Et plus bas, plus personne !?!! Et soudain, je comprends. La gare de Lognan, premier tronçon du téléphérique, est à proximité. Ceci explique donc cela. Partisans du moindre effort. Les alpinistes préfèrent descendre jusque là plutôt que de remonter au col des Grands Montets, ces petits malins ! Et les touristes d’aller fureter à proximité. Pour la peine la fin de notre descente se fait dans une tranquillité retrouvée. Un bout de sentier sympathique sous le refuge de Lognan, et puis les trois cents derniers mètres sur les pistes, raides et caillouteuses. Un calvaire pour les jambes et les pieds.
J’arrive au terminus. Wojtek sur mes talons. Paule peu après. Le plaisir de poser le sac. Et tant pis pour le troquet, mais pas vraiment envie de marcher encore pour le simple plaisir d’aller boire un coup au centre ville d’Argentière. C’est alors que le miracle arrive : un distributeur de coca, juste là, qui fonctionne, qui plus est ! Ça c’est un morceau de chance ! Il est 17h00. Nous avons une heure d’avance. Une heure pour boire un coup, manger le sandwich de midi qui a déjà vécu, au fond du sac...
18h00. Les premières gouttes tombent. Le car arrive. Ça c’est un autre morceau de chance !
J’adore quand un plan se déroule sans accros !
Guillaume Blanc
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