Brèche de l’Homme Étroit - Recul glaciaire
La course G11 du toponeige « Écrins Sud » promettait à la fois un peu de solitude au fond du vallon de la Navette, dans le Valgaudemar, et un peu de ski-alpinisme puisqu’il s’agissait de remonter un couloir court mais raide (50° sur 100 m) jusqu’à la brèche de l’Homme Étroit. Pour le redescendre ensuite à skis !
Avec un groupe du GUMS, nous avons posé notre camp de base à proximité de la cascade de Buchardet, à la limite de l’enneigement, sur une pelouse de crocus. Le premier jour, nous sommes allés sur la Tête Virante, versant nord. Le lendemain, l’objectif était dans le fond de la vallée, vers la « fameuse » brèche de l’Homme Étroit.
Brèche qui se trouve tout juste dans l’axe de la vallée de la Navette. Elle arrive rapidement en vue quand on progresse vers le fond. J’ai attendu d’avancer un peu plus pour avoir une meilleure visibilité, mais celle-ci ne fera que confirmer ma première impression. Il a bien fallu que je finisse par me rende à l’évidence : la brèche était sèche et inaccessible. Du moins en skis. Le couloir de neige du topo a fait place à une sombre barre rocheuse... Nous nous sommes repliés sur le col de Mal-Cros, juste à côté. Du ski, mais sans la particule « alpinisme » accolée.
Alors quid ? Déficit de neige en altitude qui manqua de combler ce petit couloir ? Peut-être était-ce trop tôt en saison : de grosses chutes de neige en avril/mai allaient en rajouter une bonne couche en altitude, permettant d’effectuer au mois de juin des courses à skis rarement en conditions. Ou bien retrait glaciaire suite au réchauffement climatique ? Car sur la carte IGN, le glacier de l’Aup s’étale jusque dans le couloir qui grimpe sous la brèche !
De retour au bercail, j’expose mes photos sur le web. Un gumiste me renvoie alors une image du coin, prise lors d’une course en juillet 1974. Le contraste est saisissant ! Le couloir menant à la brèche, envahi de glace, avait alors un aspect relativement débonnaire...
En trente ans, la glace a bien fondu !
Et peut-être même qu’elle a bien fondu en seulement quelques années, puisque Lionel Tassan a effectué cette course en ski au printemps 2001 pour les besoins de son topo. Même si l’année 2001 fut particulièrement bien enneigée dans la région, il est possible que les années chaudes qui ont suivi, en particulier l’été caniculaire de 2003, aient fait perdre au petit glacier de l’Aup une bonne partie de sa carapace, mettant ainsi à nu le couloir sous la brèche de l’Homme Étroit.
Effectivement, les bilans de masse des glaciers alpins à ces altitudes inférieures à 3000 m — la brèche est à 3057 m — sont déficitaires depuis plusieurs décennies : la ligne d’équilibre, entre la zone d’accumulation et la zone d’ablation est remontée au-delà de ces altitudes...
Le glacier de l’Aup est tout simplement condamné, d’ici quelques décennies, à se réduire comme peau de chagrin, pour finalement disparaître du paysage. Il est probable que le couloir de la brèche de l’Homme Étroit ne sera plus jamais en condition pour être skiable ! Snif...
Guillaume Blanc
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