Pakistan - Baltoro trek - Genèse
Départ dans une semaine. Mais revenons un peu en arrière...
Tout a commencé au mois de janvier de cette année. Dani dont je venais à peine de faire connaissance, parle autour d’elle de son désir de faire LE trek du Baltoro, ce glacier qui mène au camp de base du K2, deuxième sommet de la planète, dans l’ouest himalayien, au Pakistan, donc. Son désir d’aller faire un tour là-bas n’est pas sorti de terre comme ça. Ce morceau d’Himalaya est teinté d’histoire italienne, puisque à l’époque où atteindre un sommet vierge de plus de 8000 mètres s’apparentait assez à une victoire militaire nationale, les Italiens ont conquis le K2, 8611 mètres. C’était en 1954. Cinquante ans plus tard, pour célébrer l’anniversaire, ils y sont retournés. Accompagnant les expéditions d’alpinistes, nombre de treks se sont joins à l’aventure. Dont nombre d’italiens. Dont pas mal de padovanais. Dont plusieurs amis montagnards de Dani. J’avais déjà entendu parlé du tour des Annapurnas, des amis l’ayant fait. Je me suis posé la question, tant qu’à partir en Himalaya faire un trek, pourquoi ici plutôt que là ? Mais Dani est focalisée, impossible de la détourner de son chemin. Ce sera là, point barre. Renseignements pris, ça me va : c’est un trek en montagne. La dimension humaine et culturelle sera, certes, réduite à sa plus simple expression, mais alors quelles montagnes ! Quatre huit mille mètres se cotoient dans les parages : le K2, le Broad Peak, les Gasherbrum I et II. Une belle palette de sept mille, et autres « collines » de six mille. D’ailleurs il fût décidé à l’unanimité que nous irions tenter un « petit » sommet : le Pastore Peak, 6200 mètres, avec, nous a-t-on promis, une belle vue sur le K2... Que ne ferait-on pas pour avoir une belle vue sur le K2 ! Enfin, ça c’est s’il fait beau. Parce que dans le brouillard, Pastore Peak ou colline d’en face, ce sera du pareil au même.
J’ai assisté à la soirée du CAI où Francesco Cappellari présentait ses photos du trek de l’année dernière. Ça donne envie d’aller balader son appareil photo par là... J’ai donc saisi l’opportunité au bond. J’ai quand même hésité, un pareil truc me faisait un peu peur : jamais fait de trek, peur de l’altitude, jamais été dans ce genre de pays, peur des maladies qu’on peut se choper par là, peur du manque d’hygiène, peur de ci, peur de ça. Pour y voir plus clair, rien de tel que d’aller jeter un œil sur place, pour voir ce qu’il en retourne. Après tout, les gens en reviennent vivants, en bonne santé, avec des images plein les yeux, et surtout, surtout, avec une expérience vécue hors du commun. Alors, pourquoi hésiter ? Ben, ça coûte quand même un peu cher (2500 euros, plus pas mal de matos à acheter). Mais j’ai quelques sous, un peu. Tant pis, la baraque et la niche pour le chien ce sera pour plus tard. Ça prend du temps (un mois), mais en ne prenant que ça comme vacances dans l’année, ça le fait. En plus on part en août, donc mon absence paraîtra complétement inaperçue, le labo fonctionnant au ralenti pendant cette période. Bref, l’envie d’en découdre avec mes démons fût plus forte. Après tout, on ne vit qu’une fois, autant en profiter ! C’est ainsi que je me suis accroché au projet. J’avoue que l’enthousiame de Dani y fût pour beaucoup !
Il y eu quelques hauts et bas... D’abord Carlo avait envie de venir. Mais côté fric, il ne pouvait pas. On était sûr que le sympathique Mariano en était. Mais quadragénaire en instance de divorce, il n’était pas au mieux de sa forme. Et c’est à cause de moi qu’il a rencontré Anne, lors d’une soirée crêpes à laquelle je les avais convié tous les deux. Elle partait faire un tour en Mongolie cet été. Il a décidé d’aller là-bas avec elle, plutôt. Ah ! Les femmes... Que ne ferait-on pas pour elles ! Hop, plus de Mariano au Pakistan. Restait le jeune Francesco, étudiant en aéronautique, fils unique, famille probablement bourgeoise (d’où sort-il tout ce pognon ?)... Dommage, j’aurais préféré Mariano ou Carlo à Francesco, mais bon. Je n’aurais qu’à faire comme Dani : en chercher les bons côtés ! Finalement Francesco Cappellari, expert de la région du Karakoram où nous allons (il a déjà fait ce trek trois fois) et alpiniste chevronné, nous accompagne aussi, en tant que guide. Nous allons être entre de bonnes mains, comme ça. Et puis il y a deux-trois mois, Dani a trouvé du boulot. Incertitude : pourrait-elle prendre un mois de congés à peine arrivée dans la boîte ? Le doute plana sur nos têtes quelques semaines. Et puis elle osa. Elle osa demander à son patron ces congés dont elle rêvait tant... Il accepta. L’enthousiame renaissait !
Nous avons essayé de récupérer d’autres amateurs pour venir avec nous : plus on est de fous, moins ça coûte cher. Mais entre ceux qui ne peuvent pas financièrement, et ceux qui ne peuvent pas avoir des congés aussi longs au mois d’août, ben il ne restait que nous... Nous allons faire la majeure partie de la balade avec un autre groupe qui ira faire un tour au camp de base du Gasherbrum pendant que nous tenterons notre sommet. Un couple d’alpinistes amateurs de je-ne-sais-plus-où s’est join à nous pour la cîme. Au total nous serons donc onze, je crois.
Nous partons donc avec une agence italienne, Il Nodo Infinito. Contrairement au classique « tour des Annapurnas », celui-ci se fait en autonomie totale pendant une quinzaine de jours. Des porteurs et toute une logistique sur place est donc nécessaire. D’où le passage par une agence spécialisée qui s’occupe de tout ça pour nous. C’est donc une aventure, somme toute, bien contrôlée dans laquelle je m’embarque...
Après avoir payer l’accompte qui signa notre engagement, et de fait la réservation des billets d’avion pour Islamabad, la capitale du pays, il a fallu faire quelques formalités. Se mettre à jour pour les vaccins, rien d’obligatoire, mais quelques trucs conseillés... J’ai fait ça en France lors de mon passage fin juin. Envoyer le passeport à l’agence pour qu’elle le fasse viser par l’ambassade du Pakistan à Rome. Le fait que je sois français posa quelques problèmes administratifs. J’ai eu quelques sueurs froides doublées d’un agacement latent la semaine dernière. L’ambassade me demandait un certificat de résidence pour me donner le visa. Or, renseignements pris, je n’ai jamais demandé la résidence ici, donc je ne l’ai pas. Pour l’avoir il me faut ce sacro-saint permesso di soggiorno auquel j’ai réussi à échapper jusque là. Bref, j’ai essayé, mais les délais étant trop courts, soit l’ambassade arrêtait de m’emm.... pour des broutilles, soit j’irais faire un tour ailleurs au mois d’août ! Réponse lundi de l’agence : à titre exceptionnel, j’aurais mon visa, même sans justificatif de résidence ! Ouf...
Côté matériel, il a fallu faire quelques dépenses... D’abord un duvet, un vrai, pour dormir au chaud quand il fait froid. Mountain Hardwear, Banshee, 92 % de duvet, -18 degrés, acheté chez Pajer, un type qui vend du matos de montagne entassé dans sa cave, paumé dans un petit village de montagne, pour 80 euros de moins qu’au Vieux Campeur. Des chaussures. Mes pompes de randos ayant rendues l’âme en juin, un peu plus d’un an après leur achat, j’ai pu être remboursé, et j’ai acheté les Népal Top de La Sportiva chez Vertige à Gap. J’en suis à ma troisième balade avec (et je ne leur ai rien épargné : éboulis, neige, pluie, glacier...), et je suis super bien dedans, en plus, jusque-là, elles tiennent le choc. Ouf ! Enfin, une veste en Gore-Tex, la Millet, achetée au Vieux Campeur, fin juin : l’essayer avec la canicule qui régnait dehors et dedans ne fût pas une sinécure ! Après coup, j’ai craint l’avoir prise trop petite. Mais non. Elle est parfaite. Jusque-là. Enfin, de menues choses, une frontale toute légère... Un caprice : une montre-altimètre, la Vector de chez Suunto...
Côté matos photo... Pas question d’emmener mon petit numérique Canon Ixus 40 ! Je vais donc me coltiner le Nikon F70, avec un petit pied de table et deux zooms. Le tout avec trentaine de pellicules... Mais quand j’ai vu le prix d’une pelloche, je me suis dis que j’allais ramener mes exigences de qualité au niveau inférieur. D’habitude je suis plutôt Kodak... Mais là, après discussion avec différents photographes, et compte tenu des prix, je me suis dit que la Fuji Superia en 200, 36 poses ferait très bien l’affaire ! Pourquoi papier plutôt que diapo ? Et bien parce que le papier est beaucoup plus polyvalent que la diapo, qui par essence ne se prête bien qu’aux montages audiovisuels. Or, moi, j’aime aussi et surtout montrer mes photos en albums ou sur internet. Quant aux projections, ça se fera par ordinateur interposé, le scanning des négatifs étant désormais très bon (à condition de bien choisir le labo).
Bref. Je commence à être fin prêt. Reste à récupérer de petites choses... des t-shirts synthétiques, des chaussettes de rando, des stylos pour écrire mon journal, qui ne craignent pas l’altitude (j’aime bien les Pilot V Ball 05, mais même en avion ils se mettent à fuir de partout : mon pantalon rouge en garde encore les séquelles...), des trucs et des bidules... Des questions existentielles se mettent à germer : j’aurais sûrement un peu de temps pour bouquiner, ne serait-ce pas l’occase de s’ingurgiter Proust ? Mais je crois que pour bien faire, c’est au moins quatre treks successifs comme celui-là qu’il me faudrait pour venir à bout de La recherche du temps perdu...
Départ le mercredi 27 juillet à 12h00 de l’aéroport de Malpensa à Milan avec la Qatar, escale à Doha. Je n’ai pas encore trouvé où c’était. Retour le 22 août.
Guillaume Blanc
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