Les tribulations d’un (ex) astronome

Éclipse totale de Lune le 15 juin 2011

jeudi 9 juin 2011 par Guillaume Blanc

Histoire de ravir les amateurs de beautés célestes, la Lune va nous offrir un de ses ballets dont elle a le secret, mercredi 15 juin 2011 au soir.

Mais d’abord, comment ça marche une éclipse de Lune ? Ce n’est pas très compliqué, et contrairement à ce que m’a enseigné ma prof de géographie quand j’étais au collège (comme quoi il ne faut pas toujours croire tout ce que racontent les profs), ce n’est pas le Soleil qui passe devant la Lune, mais la Lune qui, par quelque magie de la mécanique céleste, passe tout juste dans le cône d’ombre de la Terre. Cône d’ombre créé par le Soleil ; c’est donc en fait la Terre qui éclipse le Soleil pour l’observateur sélénite. La Lune est alors dans sa phase pleine pour l’observateur terrien, mais son teint habituellement blafard dans ces moment-là perd de sa superbe et se retrouve légèrement cuivré ou cendré, c’est selon, lors de la phase totale. Une éclipse de Lune dure longtemps — contrairement aux éphémères éclipses de Soleil —, suffisamment pour profiter pleinement du spectacle.

Si l’orbite de la Lune était exactement dans le même plan que l’orbite de la Terre autour du Soleil, il y aurait une éclipse de Lune chaque mois — et accessoirement une éclipse de Soleil également chaque mois. Mais comme ces plans orbitaux ne sont pas confondus, mais séparés d’un petit angle (un peu plus de 5°), cela suffit pour que la plupart du temps la Pleine Lune se retrouve au-dessus ou en-dessous du cône d’ombre. Et parfois elle le frôle, et nous avons droit à une éclipse partielle, parfois elle le traverse, et c’est l’éclipse totale.

Schèma d’une éclipse de Lune

Ainsi, mercredi soir, notre satellite le traversera de part en part, passant de surcroît à proximité de son centre (à environ 5’) ce qui donnera une phase de totalité parmi les plus longues. Il entamera son entrée dans l’ombre de notre planète à 18h 22.9m TU (Temps Universel, soit 20h 22.9m en heure légale : il suffit de rajouter deux heures en été pour obtenir l’heure de nos montres !). Le début de la totalité, c’est-à-dire quand la Lune arrivera entièrement dans l’ombre de la Terre, sera à 19h 22.5 TU. Elle commencera à en sortir à 21h 02.7m TU, pour en émerger complètement à 22h 02.2m TU. La phase de totalité durera ainsi 1h 40m 14.14s, ce qui en fait une des éclipses de Lune les plus longues du XIXe siècle.

Comme ce jour-là, le Soleil se couchera à Paris à 19h 56 TU, que la Lune sortira de l’horizon est à 19h 49 TU, celle-ci se lèvera donc, pour nous autres parisiens et habitants d’une bonne moitié nord de la France, déjà éclipsée dans sa phase totale.

Nous commencerons ainsi par la cerise sur le gâteau, avant d’avoir droit au croissant lors de son émergence. Croissant qui prendra du ventre au fur et à mesure que la Lune sortira du cône d’ombre. Pour finir dans la peau d’une belle et franche Pleine Lune qui illuminera la fin de la nuit, comme si de rien n’était...

Limite de l’entrée dans la totalité sur la France métropolitaine.
I indique que l’entrée dans la totalité ne sera pas visible, V indique que l’entrée dans la totalité sera visible. À l’est de la ligne rouge, l’entrée dan la phase de totalité est visible car la Lune se lève avant ; à l’ouest de cette ligne, l’entrée dans la totalité est invisible car la Lune se lève après. Crédit : IMCCE, P. Rocher, 2011.

Pour une fois qu’il ne faudra pas se lever au beau milieu de la nuit pour admirer le spectacle céleste !

Admirer, certes, mais qu’admirer ainsi donc ?

La beauté de la chose vient essentiellement du fait qu’outre la relative rareté du phénomène — la dernière éclipse totale de Lune eu lieu le 21 décembre 2010 —, la Lune ne va pas « disparaître » complètement. Pendant la phase totale, la Terre éclipse certes la lumière du Soleil pour qui se trouve sur la Lune, mais son atmosphère joue le rôle d’une lentille convergente qui va réfracter les rayons de notre étoile pour éclairer d’une douce clarté notre satellite momentanément obscurci.

À son passage au travers de l’atmosphère terrestre, la lumière solaire va être également diffusée par les aérosols — des petites poussières ou gouttelettes — ainsi que par les molécules de gaz qui s’y trouvent. Cette diffusion dépend de la longueur d’onde de la lumière incidente, elle est surtout efficace du côté des petites longueurs d’onde — le bleu. C’est, au passage, ce qui explique le bleu du ciel. La lumière ainsi diffusée part dans toutes les directions, d’où le bleu un peu partout, seul le rouge reste sur sa trajectoire. C’est pourquoi le Soleil au couchant (et au levé) est rougeâtre : sa lumière traverse une plus grande couche d’atmosphère, provoquant plus de diffusion que lorsqu’il est à son zénith.

Et c’est pourquoi la lumière qui atteint la Lune lors d’une éclipse totale de Lune est souvent colorée dans des tons rougeâtres. Même si sa couleur effective lors d’une éclipse est impossible à prévoir car elle dépend des conditions météorologiques là où les rayons du Soleil traverseront l’atmosphère. Ainsi malgré les prévisions bien huilées d’une mécanique céleste qui tourne parfaitement elliptique, la nature réserve quand même quelques surprises...

Au passage, sachez que vu depuis la Lune, le spectacle doit être vraiment grandiose : un disque terrestre noir ceinturée d’un arc de couronne rougeâtre rayonnant au beau milieu d’une nuit d’encre.

Admirateur des choses de la nature, profitez-en. Regardez-la, photographiez-la. Quant à moi, je vais certainement sortir de la ville, m’en aller chevaucher quelques blocs dans le Soleil de fin de journée en attendant le lever de Lune pour prendre de la hauteur sur quelque colline au faîte dégagé en forêt de Fontainebleau.

Qui sait ? Avec un peu de chance le traditionnel couvert nuageux francilien nous épargnera ce soir-là !


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