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Richesse
Tout benêt que je suis, la chose ne m’avait pas le moins du monde traversé l’esprit, si un jour on ne me l’avait pas fait remarquer. Mais si cela sonnait juste, en revanche, l’impression de passer pour pédant devant le vaste monde me faisait hésiter à l’employer.
Quelques recherches grammaticales sur la Toile plus loin, et me voilà en mesure d’affirmer haut et fort que oui il faut faire la liaison, en français, quand on parle d’euros.
Ainsi en est-il de vingt-t-euros, de huit-t-euros ou encore de cent-t-euros selon la richesse du propos. Mais également de quatre-vingt-z-euros, deux cents-z-euros... Il suffit de remplacer « euros » par « an » pour s’en souvenir : vingt-t-ans, huit-t-ans, quatre-vingt-z-ans !
Le passage du franc à l’euro ne s’est ainsi pas fait sans heurts : l’usage tend à conserver ce que l’on pratiquait en toute légitimité avec le franc, puisque celui-ci commence par une consonne, ce qui n’est pas le cas de son successeur, d’où quelques confusions, ici et là, quand ça parle de sous. Or la langue française est claire sur ce point : « la liaison est obligatoire entre le nom et l’adjectif qui le précède. » Mais un abysse sépare parfois le monde de la parole de celui des règles édictées au cours des âges. Règles, qui en matière d’orthographe et de grammaire, tendent parfois par se plier à l’usage.
Autre curiosité liée à l’euro, en italien, cette fois : « euro » est invariable en italien, ainsi écrit-on (et dit-on) cento euro et non cento euri. L’Accademia della Crusca, équivalent de notre Académie Française, a statué sur le sort du pluriel du mot : « una parola dotata di una sua particolare fisionomia, portatrice di una semantica che quasi la isola nel contesto morfosintattico... la prima parola di una lingua europea non nazionale » (un mot doté de sa propre physionomie, porteur d’une sémantique qui l’isole quasiment dans le contexte morphosyntaxique... le premier mot d’une langue européenne non nationale.)
En français, le pluriel suit la règle standard, on rajoute un « -s » quand il y en a plusieurs. Peut-être parce que le « national » prime sur l’« européen » de ce côté-ci des Alpes. Car sur les billets, pas de « -s » ; en effet ceux-ci circulent dans tous les pays de la zone euro ayant chacun leurs propres règles grammaticales, donc le nom « euro » est considéré comme invariable par la Banque Centrale Européenne tout comme par les italiens (entre autre).
Pour relativiser un peu toute cette droiture de règles et donc d’absence de libertés, ajoutons que c’est tout cela qui fait la richesse de la langue française, aussi compliquée soit-elle. D’ailleurs, on (j’) en apprend tous les jours à son sujet, puisque au hasard de mes pérégrinations sur la Toile, j’ai découvert que l’espace entre les mots était un nom féminin, contrairement à l’usage que j’en faisais jusque là : une espace faisant référence non pas au vaste espace (masculin) intersidéral qui se trouve entre deux mots, mais plutôt à la petite lame de métal qui est utilisée physiquement en imprimerie pour créer cet espace [1]...
De même qu’il y a espace et espace, il y a solde et solde. La solde désignant le salaire versé à un militaire, tandis que le solde désigne la différence, en comptabilité, entre le débit d’un compte et son crédit, mais également l’excédent de marchandise qui sont vendues au rabais... Les magasins proposent de beaux soldes, c’est de saison !
Mais je suis bien loin de tout savoir, comme en témoignent les articles de ce blog ponctuées de fautes plus ou moins « d’étourderies », celles que je vois — parfois la lecture d’anciens articles me fait grincer — et celles que je ne vois pas, parce que je ne sais pas ! Pourtant les règles, j’ai bien dû les apprendre un jour, tout au moins quelques unes, mais épris de libertés, il n’en reste parfois pas grand-chose. Alors j’essaye de combler, petit à petit, mes lacunes abyssales en la matière. Et c’est sans compter les inévitables exceptions aux diverses règles...
[1] Il semblerait que sur ce sujet, wikipédia ne soit pas d’accord avec le TLF... Le premier : « L’emploi d’un féminin pour ce mot résulte d’un archaïsme. » Tandis que le deuxième : « ESPACE, subst. fém. Domaine de la typogr. Petite lame de métal qu’on emploie pour séparer les mots. P. méton. Blanc qui résulte de l’emploi de cette lame. »
Guillaume Blanc
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