Les tribulations d’un (ex) astronome

La trace

jeudi 4 mars 2010 par Guillaume Blanc

Fil d’Ariane dans la vaste montagne hivernale, simple rail dans une neige vivante, éphémère, véritable tranchée dans une neige légère et profonde, ou simple repère effleuré dans une neige dure, balisage discret, la trace nous balade au gré de ses caprices sur le manteau neigeux. Parfois on la fait, parfois on la suit, paisiblement ou transpirant. Tracer, c’est tout un art : choisir la bonne pente, la bonne place, la bonne croupe, le bon vallon... Engager une conversion ici, ou plutôt là, pour viser là-bas, plus haut. Neige poudreuse. Soulever un ski, l’avancer, tasser la neige, soulever l’autre ski, parallèlement, tasser la neige, un peu plus loin, d’une demi-spatule, et recommencer. Entamer la neige, vierge, auparavant. Tracer, quoi...

Ici une conversion, virage en épingle à cheveux pour gravir la pente sereinement. Soulever et rentrer le ski amont, lui faire faire un demi-tour, le reposer, venir prendre appui dessus, ramener ensuite le ski aval à ses côtés. Qui devient amont. Poursuivre ainsi. Zigzags.

Parfois la trace est déjà là. Alors, surtout quand c’est particulièrement profond, il est permis d’en profiter. On peut râler (un peu) sur trop raide, pas assez, trop de virages, pas assez, trop étroite, trop droite, trop courbée, trop... N’empêche, on est content qu’elle soit déjà là, la trace.

Quand on trace, c’est le plaisir de la découverte : découverte de la neige sous les spatules et de son petit bruit feutré : « scritch, scritch... », découverte de la pente vierge enneigée, découverte du paysage qui se découvre petit à petit derrière le col ou la crête... Sens en alerte, l’esprit est vif. Quand on suit la trace toute faite, on peut parfois se laisser aller à quelques rêveries. Marcher, un ski après l’autre. Le rail imprime la direction.

Une trace de skis, c’est beau. Petite tranchée proprette, ornée de trous à droite et à gauche, elle serpente dans le fond du vallon, zigzague dans la pente. Oui, une trace de ski, dans le manteau immaculé, c’est beau. Beau comme deux parallèles parfaites qui se baladent vers un courbe lointain. C’est beau comme le domaine des possibles au-delà de son horizon.

On dit « la trace » parce qu’il ne peut y en avoir qu’une. La trace de montée est unique comme les traces de descentes sont multiples. La trace de montée, c’est nécessairement à la queue-leu-leu : il ne pourrait en être autrement. La trace de descente, c’est chacun pour soi. La trace de montée, la rectitude même (presque), la trace de descente, la courbure est de mise. La transition est le plus souvent sommitale : après la montée, la descente. À l’unicité succède alors la multiplicité. Une trace pour chacun, puis chacun sa trace. Gare aux recoupements !


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