Les tribulations d’un (ex) astronome

La ballade de Lila K

mardi 11 décembre 2012 par Guillaume Blanc

Par les temps qui courent, je lis plus vite que je n’écris. Vous n’aurez donc pas droit à « Solaire » de Ian McEwan, ni à « Homo Erectus » de Tonino Benacquista, deux romans que j’ai pourtant dévorés (et adorés), ni même au dernier Indridasson, « La rivière noire, » un très chouette polar à la sauce islandaise, comme d’hab’. Et puis j’en oublie (déjà) forcément d’autres. C’est que deux heures de RER par jour, quand je n’ai pas de copies à corriger ou de programme python à fignoler, ça laisse le temps, finalement, de s’abandonner dans quelque bonne tranche de littérature.

Donc, pour en venir au fait, je vais vous parler du petit dernier que j’ai lu, «  La ballade de Lila K » de Blandine Le Callet. Lui, je l’ai proprement avalé. Superbe. C’est un roman exponentiel. L’univers dans lequel il se déroule, que découvre le lecteur petit à petit, s’enrichit au fil des pages, grandit avec la protagoniste et narratrice. Elle est d’abord enfant, persécutée, même si le point de vue — le sien — est subjectif, parquée dans un « Centre, » on ne sait pas très bien pourquoi, si ce n’est que sa mère semble avoir été arrêtée et destituée de ses prérogatives de « mère. » Doucement on entre ainsi dans un univers de science fiction, dans un Paris futuriste où les livres n’ont plus le droit de citer (dangereux, ce papier d’un autre temps, vecteur de maladies...) où tout le monde est surveillé (oups, pardon protégé) jusque dans sa plus stricte intimité par des caméras dans tous les domaines de longueur d’onde adéquats. On rejoint alors le « 1984 » de Georges Orwell avec un soupçon de « Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury. Sans parler d’autres variations sur le même comme le « Globalia » de Jean-Christophe Rufin ou bien encore « SOS Bonheur » la BD de Griffo et Van Hamme.

Comme dans ces diverses œuvres sur le sujet, on retrouve quelques âmes égarées qui font fi des règles, l’espace d’un temps, un sursaut d’humanité, pour finalement se faire engloutir par les-dites règles et surtout les humains qui les font et les manipulent, ces maudites règles. Où s’arrête l’entrave, où commence la liberté ? Lila K a sa façon toute personnelle de finalement parvenir vivre sa vie dans ce monde de contraintes (subjectives ?) dans lequel elle se retrouve plongée.

« J’ai soudain vu le livre s’ouvrir entre ses mains, éclater en feuillets, minces, souples et mobiles. C’était comme une fleur brutalement éclose, un oiseau qui déploie ses ailes.  »

Mais finalement, le pire dans cette histoire, n’est-il cet autodafé symbolique post-moderne contre les livres de papier ? Le livre est interdit, sous prétexte que cela nuit à la santé. « La censure qui se drape dans le principe de précaution. » Certes, celui-ci a été remplacé par le livre numérique, le grammabook, mais c’est sans compter une censure d’une part qui soustrait certaines parties des numérisations en cours des vastes collections de la bibliothèque nationale, et d’autre part les modifications du texte à l’insu du propriétaire : « Là réside tout l’intérêt : avec le livre tu possèdes le texte. Tu le possèdes vraiment. Il reste avec toi, sans que personne ne puisse le modifier à ton insu. »

En marge de cette histoire, de cette quête obnubilante de la narratrice pour cet être cher arraché à un moment précieux, finalement c’est un cri d’alarme que l’on retrouve : gare au tout numérique, gare au principe de précaution. Un peu ça va, au-delà, on risque d’y perdre notre âme... Et gare à la déshumanisation des humains. Et que vivent encore longuement les livres... de papier !


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