Petit train magnétique
Cet article date de 2015, mais il comprenait un raisonnement qui s’est avéré faux. Le voici mis à jour, avec l’explication, a priori, juste.
À l’automne 2015, un collègue m’envoyait une petite vidéo sur youtube :
Comme je sortais de trois mois d’enseignements d’électromagnétisme, cela m’a interpelé. Je me suis demandé si je pouvais arriver à faire un truc pareil moi aussi.
J’ai donc commandé un rouleau de 50 m de fil de cuivre de 0,8 mm de diamètre sur Amazon, ainsi que des petits aimants de néodyme de 10 mm de diamètre et d’un millimètre d’épaisseur. Le tout est reçu pendant les vacances de Noël.
Je fabrique le tunnel en enroulant le fil sur un bout de bois cylindrique de 13 mm de diamètre. J’essaye avec une pile AAA de 1,5 V. Déconfiture : il ne se passe absolument rien. Mais une pile AAA a un diamètre de 10 mm, donc les aimants que je me suis procuré ayant le même diamètre, ils ne dépassent pas. Je subodore alors que le contact électrique entre les aimants et le fil de cuivre n’est pas bon.
Mais où trouver des aimants avec le diamètre adéquat ?
En furetant sur google, j’ai rapidement trouvé un site spécialisé dans la vente d’aimants, magnet-shop.com. Là j’achète une série de petits aimants de 12 mm de diamètre, de 4 mm d’épaisseur, des aimants au néodyme N40 nickelés.
Ces aimants sont très puissants, il faut faire attention en les manipulant de ne pas se faire pincer. Ils sont par ailleurs assez fragiles : à force de s’entrechoquer en s’attirant mutuellement, ils finissent par se briser...
Je reprends mon petit tunnel en fil de cuivre, et après avoir mis deux aimants l’un sur l’autre de chaque côté de la pile, et dans le bon sens de surcroît, Ô miracle de la physique, ça fonctionne ! Ma pile encapuchonnée de ses aimants est proprement avalée par le tunnel !
Avalée, certes, mais pas avec la puissance que l’on peut voir dans la vidéo. Dans la foulée, j’ai voulu faire un tunnel plus long afin de le rabouter pour en faire un cercle, mais ma locomotive est trop freinée, elle a du mal a foncer toute seule. Je me disais alors que mon tunnel était trop étroit, les frottements trop intenses. J’ai voulu essayer de fabriquer un tunnel de diamètre plus grand, en utilisant un tube de métal que j’avais sous le coude ou un manche de balais, mais je n’y suis pas arrivé. Le fil de cuivre que j’avais n’arrivait pas à rester en place, les spires ainsi formées se détendaient au fur et à mesure tout en refusant de rester jointives, comme si ce plus grand diamètre (plus grand rayon de courbure) faisait passer ce matériau dans le régime élastique (retour à un état proche de l’état initial après déformation selon une hystérésis), alors que le plus petit diamètre permettait d’arriver directement dans le régime plastique (pliage). Mais les expériences en la matière sont difficilement reproductibles ; un bout de fil déjà utilisé ne se comporte pas de la même façon qu’un bout de fil « neuf. »
J’ai trouvé un site en ligne qui vend des rouleaux de fil de cuivre de tout diamètre. Ce n’est pas donné, mais je vais, je crois, investir dans un rouleau de fil de diamètre plus important (1 mm typiquement), pour voir si je peux l’enrouler sur un tourillon de bois lisse de diamètre 20 mm...
Un essai avec du fil de cuivre de 1 mm de section sur un tourillon de bois de 14 mm de diamètre donne de biens meilleurs résultats que du fil de 0,8 mm de section : les spires du tunnel restent plus jointives, le fil est moins « élastique. »
Pour revenir à notre petit train magnétique, comment fonctionne-t-il exactement ?
Les aimants en néodyme sont conducteurs de l’électricité, ils permettent donc de faire circuler un courant électrique I dans la portion de fil de cuivre qui se trouve entre les deux pôles de la pile, en contacts avec les aimants. Ce courant circulant dans le tunnel en fil de cuivre — un solénoïde ! —, créé un champ magnétique dans la partie du solénoïde parcouru par le courant. ce champ est à peu près uniforme à l’intérieur du tunnel, dirigé dans le sens de circulation du courant, c’est-à-dire du pôle + vers le pôle - de la pile. Ce champ magnétique est approximativement donné par l’expression : , où est l’intensité du courant électrique, est le nombre de spires par unité de longueur et est la perméabilité du vide ou constante magnétique.
Les aimants de part et d’autre de la pile, génèrent un champ magnétique dipolaire, avec un moment dipolaire magnétique . Les deux moments dipolaires magnétiques des deux aimants de part et d’autre de la pile doivent être opposés pour que la pile se meuve. L’expression de ce moment est donné approximativement par : , où est la surface de l’aimant, et sa longueur.
La force qui pousse la pile — le train ! — à se mouvoir dans le tunnel est dû au gradient — c’est-à-dire la variation par rapport à la distance — du champ magnétique du solénoïde. Dans un champ extérieur non uniforme () un dipôle magnétique subit une force :
On peut prédire théoriquement l’ordre de grandeur de cette force.
Avec mon multimètre basique j’ai mesuré un courant d’intensité environ 2 A ; avec un teslamètre de compétition emprunté aux salles de TP de l’université, j’ai mesuré une composante longitudinale du champ magnétique de 0,4 T au centre de deux aimants accolés. Le nombre de spires entre les extrémités de la pile est d’environ 20. Cette longueur (incluant les aimants) vaut 6,4 cm, ce qui fait spires par cm. Ainsi, le champ magnétique dans le solénoïde vaut environ : . On peut supposer que ce champ varie de 0 à sa valeur nominale sur une longueur correspondant à une spire, soit 3,2 mm. Donc le gradient de champ magnétique vaut environ : .
Le diamètre des aimants vaut 12 mm et leur longueur 4 mm, soit 8 mm pour deux aimants accolés. Donc le moment dipolaire magnétique d’un double aimant vaut : .
Ce qui finalement donne une force d’intensité approximative : .
La pile pèse environ 12 g, son poids est donc de 120 mN, environ (et 25 g soit 250 mN avec deux aimants de chaque côté). On obtient donc une force longitudinale de l’ordre de grandeur du poids de la pile, donc largement susceptible de lui permettre de se déplacer.
D’ailleurs, on peut estimer expérimentalement l’ordre de grandeur de la force « magnétique. » En plaçant le tunnel de cuivre sur un plan incliné d’un angle par rapport à l’horizontale, on peut regarder jusqu’à quelle inclinaison la pile « remonte » dans le tunnel. On note l’angle correspondant, .
Sur la vidéo suivante, on constate que la pile (relativement neuve) remonte très bien le tunnel pour des angles inférieurs à 30°. Et pour 40°, elle commence à sérieusement patiner. La chose n’est pas d’une grande précision, mais donne un ordre de grandeur. Ainsi, avec , la composante du poids parallèle à la pente est , soit ici, avec une masse et l’accélération de la pesanteur, , on obtient 0,16 N. L’ordre de grandeur est donc cohérent avec la valeur calculée plus haut...
Dans cette histoire, la pile étant (quasiment) en court-circuit, elle chauffe rapidement, et se décharge également très vite... Ce n’est probablement pas le moyen de déplacement le plus efficace et donc le plus économe en énergie !
Guillaume Blanc
Articles de cet auteur
Mots-clés
forum
-
Loi de Newton25 janvier 2018, par Anthony S
Bonjour, je travaille sur ce train magnétique pour un exposé et j’ai une petite question,j’ai du mal à comprendre comment la pile se deplace-t-elle sachant que les composantes ont une action sur le solenoïde. Donc cela devrait être le fil qui doit se déplacer, mais vu que la bobine est plus lourde que la pile ainsi c’est la pile qui se déplace. Ne serait-ce pas a cause de la troisièlme Loi de Newton (action/reactions) ? Le fait que pile aplique une force sur le fil, donc le fil applique cette même force mais a l’opposer ?
-
EXPERIENCE TRAIN MAGNETIQUE28 décembre 2016, par Pierre-yves
bonjour, j’ai lu votre article et regarder votre expérience. Tout est très lucide pour moi d’autant plus que j’étais déja bien documenter sur le sujet. J’effectue actuellement un TPE sur les trains électromagnétique et nous voulions lors de notre oral effectuer cette expérience. J’ai donc acheter tout le matériel, cependant impossible de reproduire l’expérience ! je ne comprend pas. J’aurai besoins de votre aide au plus vite.
ps : Notre TPE suivit de l’expérience donne lieu à des notes pour le bac. Nous sommes donc en « grande détresse »
cordialement.
pierre-yves
-
Petit train magnétique31 janvier 2016, par fa
Bonjour, comment sont orientés vos aimants ? S’ils sont orientés de sorte qu’il y ait deux pôles nord ou deux pôles sud aux extrémités alors il me semble que les lignes de champ ne sont pas comme celles que vous avez dessinées.
-
Petit train magnétique31 janvier 2016, par Guillaume Blanc
Si les extrémités du « train » étaient de même « polarité » magnétique, les aimants ne tiendraient pas sur la pile, ils se repousseraient et les lignes de champs seraient effectivement plus compliquées. En pratique, les aimants sont « collés » sur la pile, c’est comme si les aimants et la pile ne formaient qu’un seul aimant. Les lignes de champs sont nécessairement comme je les ai schématisées.
-
Petit train magnétique1er février 2016, par fa
Sur votre dessin, imaginons que l’aimant de gauche soit orienté pôle nord à gauche et l’aimant de droite pole nord à droite (c’est d’après moi le « bon sens » que vous évoquez"), de sorte que les deux pôles nord soient placés aux deux extrémités. Dans ce cas, les lignes de champ partent effectivement du pole nord de l’aimant de gauche mais arrivent sur le pôle nord de l’aimant de droite. Comment est-ce possible ? Les lignes de champ naissent toujours d’un pôle nord pour mourir sur un pôle sud !
-
Petit train magnétique1er février 2016, par Guillaume Blanc
Effectivement dans une vidéo de Wayne Schmidt (https://www.youtube.com/watch?v=BWW...) l’explication donnée n’est pas la même que la mienne, et nécessite que les deux aimants aux extrémités de la pile soient opposés. Je ne suis pas convaincu, mais je vais vérifier la forme des lignes de champ dans la configuration où ça fonctionne. Je reviens vers vous ensuite.
-
Petit train magnétique2 février 2016, par Guillaume Blanc
Je crois que vous avez effectivement raison : les deux aimants de chaque côté de la pile forment des champs magnétiques indépendants et de surcroît le « train » fonctionne quand ils sont tête-bêche, c’est-à-dire quand il y a deux pôles identiques aux extrémités. Du coup mon interprétation ne fonctionne plus. Il va falloir trouver autre chose. Merci en tout cas pour vos questions et vos messages. Je mettrais cet article à jour dès que j’aurais une idée sur comment interpréter ce phénomène.
-
-
Petit train magnétique7 mai 2015, par jeje
Bonjour, Expérience très intéressante ! Néanmoins j’ai un problème sur l’interprétation. Dans votre texte, vous calculez la force de Laplace s’exerçant sur les spires plongées dans le champ B de la pile. Implicitement on se place donc dans le référentiel de la pile, est-ce bien cela ? Jusqu’ici tout va bien :) Si maintenant on se place dans le référentiel des spires, quelle est l’origine physique de la force qui fait avancer la pile ? En son sein la force de Laplace selon z est {a priori} nulle si on considère le courant orienté selon z. Bref, si on fait un bilan des forces s’exerçant sur la pile, en particulier dans le cas du plan incliné, on a le poids et ... ? Est-ce qu’on a une sorte de « réciproque » de la force de Laplace ? Merci pour vos éclaircissements, l’électromagnétisme et la mécanique ne font décidément pas bon ménage ;) PS : avez-vous tenter l’expérience en inversant le sens des aimants et/ou le sens de rotation des spires ? Qu’est-ce que cela donne ?
-
Petit train magnétique7 mai 2015, par Guillaume Blanc
En fait, que l’on place dans le référentiel de la pile ou bien dans celui du fil, le résultat est le même en vertu du principe de l’action et de la réaction (3e loi de Newton). Dans le cas de la force de Laplace, habituellement, on plonge un conducteur mobile dans un champ magnétique « fixe » dans le référentiel du laboratoire, et on observe l’effet de la force sur le conducteur qui se déplace. Si au contraire, le conducteur est fixe, et si l’aimant à la source du champ magnétique est susceptible de se déplacer, il le fera, dans le sens opposé (dans le référentiel du labo) par rapport au déplacement du fil quand c’est celui-ci qui se déplace. Si on change le sens du courant (en retournant la pile), le « train » se déplace dans l’autre sens. Même chose en changeant le sens du champ magnétique.
-
fr Science Électromagnétisme ?
Site réalisé avec SPIP + AHUNTSIC
Visiteurs connectés : 30