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Blitz
Je me suis fait avoir. Ou pas. J’ai le souvenir d’avoir lu une critique sympathique d’un roman de science-fiction de Connie Willis je ne sais plus où, peut-être dans le Monde Diplomatique. Il s’agissait de « Black Out. » Que j’ai lu, donc. 769 pages en format poche. L’histoire d’historiens d’Oxford qui voyagent dans le temps depuis leur époque, 2060, pour étudier en détail des périodes particulières ; le « rêve » de tout historien, je suppose ! Là, il s’agit de la seconde guerre mondiale. Et plus précisément de l’évacuation de Dunkerque, du Blitz, le bombardement systématique de l’Angleterre et surtout de Londres par la Luftwaffe, du bombardement par les V1 et V2, le tout vécu de l’intérieur. On passe également par Bletchley Park, où l’on croise Alan Turing.
Et parvenu à la dernière page du pavé, je me suis rendu compte qu’il y avait une suite. Disons que c’était plutôt la première moitié du roman. J’ai donc lu la suite. « All Clear. » 934 pages de plus toujours en format poche. Notre brochette d’historiens du futur toujours coincé dans le passé, et quel passé ! celui où l’on risque de mourir à chaque instant sous une bombe, sous des décombres, dans un incendie... Avec en plus la peur de faire des choses comme sauver des gens, entraver une histoire, qui pourraient avoir une action décisive sur le continuum espace-temps. Et si l’une de ces actions — certes infime, mais dans une histoire chaotique, tout n’est-il pas possible ? — avait fait que les Alliés avaient perdu la guerre ? Angoissante question.
Un trio d’historiens, dont deux historiennes — la science du futur serait-elle plus paritaire ? — perdus chacun dans son coin dans une Angleterre en guerre, mais néanmoins à la même période, 1940, finissent par se rejoindre à Londres, à défaut de pouvoir rejoindre leur époque. L’union fait la force. La force de survivre dans cet environnement hostile, la force d’essayer de comprendre pourquoi, la force de surmonter l’idée qui s’immisce que les événements pourraient avoir été modifiés par leur présence. Et la guerre avait été perdue ? Et si... Et si c’était l’inverse, qu’ils avaient toujours été là ? Et si ?
Même si la description de la recherche en histoire en 2060 semble organisée de manière peu crédible, avec un unique personnage, prof d’histoire vieillissant mais omnipotent, qui décide seul de qui part dans le passé, où et quand. Alors qu’on imagine qu’un tel « pouvoir » dans un tel futur serait plutôt organisé de manière collégiale, avec un groupe d’experts examinant des demandes de voyage temporel exposées et argumentées, les classant et les organisant en fonction des contraintes relatives, en les rejetant, si les critères ne sont pas adéquats. Tout comme l’utilisation de grands instruments de recherche est actuellement faite. En astronomie, pour utiliser un télescope, on écrit un projet d’observation, qui sera retenu ou pas par un comité d’astronomes. Quand on veut utiliser le synchrotron Soleil, on remplit une demande de temps « de faisceau » en décrivant le projet de recherche, et c’est un panel de spécialistes qui décidera qui pourra accéder à la machine. La recherche n’est certainement pas organisée de manière patriarcale, il est donc peu plausible que l’utilisation d’hypothétiques voyages temporels, dans un futur pas si éloigné, fonctionne de manière si différente.
Ceci étant dit, le récit est prenant, et finalement, c’est surtout un roman historique où le lecteur entre de plein pied dans la vie quotidienne des londoniens pendant cette terrifiante campagne de bombardement systématique entre 1940 et 1941 par les bombardiers allemands, puis entre 1944 et 1945 par les fusées V1 et V2. La science-fiction n’est qu’un prétexte. Je ne sais pas si la description historique est fidèle à la réalité, toujours est-il qu’elle semble l’être. Terrifiante. L’intrigue est très bien ficelée et déroule son fil sur les quelques 1700 pages du bouquin. Elle se dénoue dans les dernières centaines de pages. Il faut néanmoins jongler avec les différents personnages, à différentes périodes, d’autant qu’il s’agit souvent des mêmes protagonistes à des époques différentes sous des patronymes différents.
Guillaume Blanc
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