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La vague
Ben Ross est professeur d’histoire au lycée Gordon. Sa classe étudie la Seconde Guerre Mondiale. À l’occasion d’un documentaire sur les atrocités nazies dans les camps de concentration, il se rend compte qu’il n’est pas capable de répondre à une question de ses élèves : pourquoi la population allemande, qui n’appartenait pas toute au parti nazi, loin de là, n’a rien fait pour tenter d’arrêter les nazis dans leurs assassinats ? Comment une majorité s’est laissé berner et gouverner par une minorité ? Devant ce constat, Ben Ross imagine un mouvement autoritaire pour discipliner sa classe et essayer de leur faire toucher du doigt ce qu’a pu être le nazisme. Il appelle ce mouvement « La Vague », lui donne un slogan, « la Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l’Action, » un salut, un symbole, une carte d’adhérent... Les élèves prennent immédiatement le pli. Le cours avance plus vite, les élèves travaillent pour pouvoir répondre au professeur-apprenti dictateur. Mais, les réponses aux questions sont moins profondes qu’avant, il n’y a plus de questions, les élèves se contentant de faire ce qu’on leur demande sans réfléchir plus avant. Tous se retrouvent sur un pied d’égalité, il n’y pas plus de concurrence pour être le premier de la classe comme avant, ce qui provoque l’enthousiasme général pour ce mouvement, sous son apparence démocratique. Qui finit par déborder des limites de la classe d’Histoire.
Et puis, comme certains et certaines commencent à se poser des questions sur le bien-fondé du mouvement, des menaces sont proférées contre eux par les membres : tout le monde DOIT faire parti de la Vague. Parce que c’est une BONNE chose, égalité de tous, etc.
C’est ainsi que la quasi-totalité des élèves d’un lycée a perdu son libre arbitre pour suivre aveuglément un leader. L’expérience de Ben Ross a largement dépassé non seulement ses espérances, mais surtout le cadre de sa classe. Il s’agit ensuite de terminer la leçon commencée sans faire de vagues, justement. Même l’apprenti-dictateur s’est avoué avoir eu du plaisir dans le rôle : le plaisir de voir ses élèves obéir au quart de tour. Quel professeur n’en rêve-t-il pas ? Mais l’esprit critique n’est-il finalement pas le plus important : il permet de ne pas obéir aveuglément à des ordres défiant son libre arbitre !
Un chouette roman de Todd Strasser, relatant une expérience réelle ayant eu lieu en en 1967 dans un lycée californien, la « troisième vague. » L’histoire de Todd Strasser est certes romancée, mais le réalisme est prégnant.
La manipulation des foules est un thème fascinant, comment l’individu peut perdre son esprit critique pour adhérer à un collectif ou obéir à une autorité (expérience de Milgram). J’imagine que tout cela est étudié en long en large et en travers par les sociologues dans le cadre de la religion et du sectarisme. Mais l’actualité récente montre que l’Histoire ne fait pas forcément œuvre préventive. Elle a parfois tendance à (trop) se répéter.
Sinon, pour toucher du doigt le nazisme, pourquoi la population allemande n’a pas bougé, n’a rien fait, rien dit, on peut lire « Les Bienveillantes » fantastique roman de Jonathan Littell, qui raconte la mise en place de la « solution finale » vue par un officier nazi... Ainsi que le roman de Hans Fallada, « Seuls dans Berlin, » qui raconte la vie des berlinois pendant la guerre, entre tentative de résistance, et toutes les intimidations dont la population était alors victime.
Guillaume Blanc
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