Les tribulations d’un (ex) astronome

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S.O.S. Bonheur

lundi 6 juin 2005 par Guillaume Blanc

J’ai acheté cette BD, ou plutôt ce recueil de trois volumes, avec Jean Van Hamme au scénario et Griffo au dessin, à la librairie internationale de Padoue peu de temps après mon arrivée ici. Pour une raison que j’ignore il était moins cher que dans les librairies françaises. J’avais déjà eu l’occasion de feuilleter la chose ci et là. Sans jamais franchir le pas. J’ai donc saisi l’opportunité au vol. Depuis, je relis régulièrement ces quelques 170 pages...

Les deux premiers tomes racontent six histoires. Six histoires dans une société ultra-sociale, très nationaliste, où l’ensemble prime sur l’individu. Une société qui fait tout pour le bien théorique de tous. Une boîte qui vous embauche pour faire un boulot, mais dès que vous avez la curiosité de savoir ce que fait la boîte en question, ça dégénère... Une assurance-maladie pour tous, avec interdiction de tomber malade pour maintenir le système en équilibre (et donc interdiction de manger un steak-frites : ben oui, c’est pas bon pour la santé, ça, c’est bien connu). Des vacances pour tous, organisées par le gouvernement (« Vacances Nationales »), où tout le monde part ensemble, en autobus, pour se retrouver dans un camp (de concentration ?) de vacances, au bord de la mer (ce sont des vacances !), sous la pluie d’avril (tout le monde n’a pas les moyens de se payer la mer au mois d’août), où des gentils organisateurs (ça ne vous rappelle rien ?), vont vous mettre du baume au cœur, malgré la pluie battante. La carte magnétique unique regroupant carte d’identité, permis de conduire, dossier médical, carte de paiement, tout, quoi. Oui mais, un bug dans l’ordinateur central, et hop, c’est le boxon... La limitation des naissances avec leur lot d’Illegs (enfants nés illégalement). Les artistes sous l’égide du gouvernement, pour pouvoir « créer » en paix et en l’absence de contraintes matérielles. Mais quand même, faut pas écrire n’importe quoi, hein ! Enfin, le troisième tome, un seul épisode, donne la clef de l’ensemble. Une clef surréaliste à la Matrix !

Ces historiettes, écrites au début des années 80, font figure de science-fiction. Encore aujourd’hui. Mais c’était bien entendu plus flagrant il y a plus de vingt ans. Le coup de la carte universelle n’est pas encore là, mais comme le souligne Jean Van Hamme dans sa postface, nous payons quotidiennement nos dépences à l’aide d’une carte magnétique, nous existons grâce à un numéro enregistré dans le registre national, la limitation des naissances n’a pas de réalité chez nous (ce serait même plutôt le contraire !), mais en a en Asie, par exemple. Les Vacances Nationales ne sont pas loin, avec les fleurissants « clubs-de-vacances-tout-compris-où-on-doit-s’amuser »... En revanche, l’assurance maladie universelle, c’est pas encore au point !

Chacune des histoires raconte le destin d’un individu aux prises avec un système d’une rigidité inflexible. Un système où seules les brebis du troupeau peuvent (sur)vivre, mais où la moindre envie de liberté singularise de manière dramatique l’individu par rapport au groupe. L’individu assoiffé de liberté est alors condamné à disparaître. Bref, une société ou le concept de liberté n’existe plus. Un système qui ne peut de fait, que s’effondrer sur lui-même. Le troisième volume, autour d’un vieux commissaire proche de la retraite, nous offre une belle leçon de politique sociale sur fond de révolution... À lire. À relire.

À regarder aussi. Après tout, c’est une BD, c’est donc plein de dessins qui sont signés Griffo. Très réaliste, le coup de crayon, peut-être un peu hésitant dans les deux premiers tomes, mais prenant toute sa force dans le dernier. Avec ce commissaire qui me fait penser à Lino Ventura et sa gueule éternellement imperturbable... Ça se laisse contempler !

Ça fait pas mal cogiter, finalement. Le système décrit est un peu caricatural, mais en est-on si loin que ça ? Encore un peu, quand même. Pourtant quand on compare la société des années 80 et celle d’aujourd’hui, et bien on a plus tendance à tendre vers ce système du « bonheur et de la sécurité pour tous ». Surtout peut-être au Japon, d’après ce qu’en dit Jean Van Hamme dans sa postface. En France cela me semble moins vrai. Il reste des espaces de liberté individuelle. Même si au nom de la sécurité de tous, ils se réduisent comme peau de chagrin... Par exemple, en Italie, le hors-piste est interdit dans les stations de ski... Normal, c’est trop dangereux, les stations ne veulent plus prendre ce genre de responsabilités. D’ici qu’il soit interdit d’aller en montagne parce que la montagne tue... Mais je vois mal la police surveiller chaque crête, paroi, ou sommet. On a encore un peu de liberté devant nous !


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