Les tribulations d’un (ex) astronome

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Petite randonnée entre amis

samedi 7 novembre 2009 par Guillaume Blanc

Une sympathique balade était organisée du côté de Millau, autour des Causses. Particulièrement réputée, pour y participer il a fallu que je m’inscrive des mois à l’avance. Il m’en a coûté une trentaine d’euros. Probablement pour l’organisation.

Le jour J est finalement arrivé, après avoir roulé environ six heures depuis Palaiseau, une petite pause chez ma sœur vendredi soir, et puis il a fallu aller à Nant samedi dans la matinée. Ils voulaient me donner un dossard. Ventral. Avec un numéro. Pourtant je leur ai bien dit que je n’étais pas un numéro. Rien à faire, ils m’ont attribué le 401. Peut-être était-ce pour s’y retrouver, car j’ai également appris que huit cent quatre-vingt dix-neuf autres gugusses s’étaient également inscrits pour la balade sur le plateau des Causses. Ça fait quand même beaucoup de monde, quand on y pense. Beaucoup d’amis que je ne connaissais pas le moins du monde pour aller randonner avec moi. Moi qui n’aime pas trop la foule, je me demandais ce qui m’avait pris de vouloir faire cette randonnée avec ces huit cent quatre-vingt dix-neuf personnes. Je préfère habituellement aller me balader en petit comité avec de vrais amis, que je connais, l’appareil photo autour du cou. Cette fois-ci, on m’a dit que je devrais laisser l’appareil photo au vestiaire, que je n’aurais pas le temps de fixer les couleurs de l’automne pour la postérité. On m’a dit aussi que je n’avais pas besoin de prendre la carte de la balade, que le chemin serait bien tracé. Par contre, il fallait que je prenne de l’eau, une couverture de survie (comme si j’avais l’habitude de faire une sieste en balade !), une lampe frontale et puis de quoi manger de temps en temps. Pas le pique-nique habituel : pain, fromage et saucisson n’étaient pas vraiment recommandés, allez comprendre, plutôt des trucs dégueulasses qui donnent de l’énergie, paraît-il. Bon. J’ai quand même mis une petite veste dans mon petit sac : sait-on jamais, si le vent se lève en cours de route, elle pourrait m’être utile.

Contrairement aux balades, même organisées, auxquelles j’avais déjà participé, ils ont tenu là nous faire partir tous en même temps, à un instant précis. 13h15. Et en musique, s’il vous plaît ! J’ai suivi le cortège, long long ruban humain qui s’étiolait sur la petite route, avant de bifurquer dans un chemin. Il y avait du monde partout, devant derrière, sur les côtés. Moi qui aime la solitude, j’étais servi. Quant à marcher à mon rythme, il fallait oublier : la cadence était dictée par mon prédécesseur, et tous ceux qui étaient devant lui. Je craignais de lui marcher sur les talons, mais impossible de doubler, le chemin était trop étroit. Suivre, rien d’autre à faire.

Pas moyen de se perdre dans ces conditions. De toute façon, le sentier était balisé avec des bouts de plastiques qui pendaient des arbres, et avec des points et des flèches de peinture orange (à base de pomme de terre, qu’ils disaient, comme si la pomme de terre était orange !) : la carte était effectivement inutile pour trouver son chemin, mais qui sait, pour savoir j’étais, peut-être que... ? Pas le temps. Nous avons ainsi serpenté dans la forêt pendant un certain moment, j’étais bien entouré, mais nous ne parlions pas : je ne connaissais absolument personne (et j’avais le souffle court, il faut bien dire). Quand ça descendait, ils se mettaient tous à courir. Je faisais pareil, même si rapidement, je me suis offert un méchant point de côté, qui m’a gentiment accompagné tout le long, s’accrochant comme une bernique à ma poitrine dès que le rythme s’accélérait un tant soit peu. Dans les montées, ils marchaient, parfois trop doucement. J’aurais bien été un peu plus vite, mais c’était impossible, trop de monde, trop étroit. Seulement, au bout d’un certain temps, j’ai eu peur d’être éliminé de ce jeu grandeur nature. J’avais fait tellement de chemin pour y participer que je n’avais pas vraiment envie de finir comme ça bêtement. Alors j’ai décidé d’accélérer un peu. Doubler, à droite ou à gauche, hors sentier. Avancer un peu plus vite. Parce qu’en haut de la colline, si on y arrivait trop tard, on repartait en minibus. Allez comprendre, se faire éliminer d’une sympathique randonnée organisée. Je suis sûr qu’ils ne remboursaient alors même pas les frais d’inscription !

Bon, je suis passé dans les temps. J’avais ainsi gagné le droit de continuer. Finalement je préférais les montées, parce que sur le plat ou dans les descentes, quand il fallait courir, ma poitrine, qui n’était plus qu’un immense point de tous les côtés, me faisait mal quand j’inspirais. J’allais doucement. Mais alors plein de copains de la rando que je ne connaissais pas en profitaient pour me doubler. Et moi, dans les montées, je ne pouvais pas les redoubler, parce qu’il n’y avait pas la place ! Mais après tout, ce n’était pas très grave, nous étions aussi là pour profiter du magnifique paysage automnal, arbres aux couleurs flamboyantes, falaises de calcaire qui soutenaient la bordure du plateau. C’était beau. Belle vue sur la forêt multicolore.

Le sentier était un peu gras, la petite pluie de la nuit avait rendu le terrain un peu glissant. Ça patinait. Vers la moitié, je commençais à peiner, à force de faire comme tout le monde, courir, courir, courir. Je me suis retrouvé à côté d’un gars, Philippe, qui m’a gentiment demandé si ça allait. Un vieux de la vieille, Philippe, il en est à son douzième marathon. Et moi ? Le premier ! Et si j’ai déjà fait d’autres courses avant, genre un semi, par exemple ? Ben non, j’attaque directement par celui-là. « T’es culotté, toi !  » qu’il m’a dit. « Et tu t’es entraîné ? » « Oui, quand même, je ne suis pas venu les mains dans les poches !  » (même si mon entraînement n’était pas très scientifique et rigoureux, mais j’ai une coache formidable). Bref, entre deux expi(r)ations fastidieuses, on a papoté. La randonnée prenait tournure plus humaine, car si dans les premiers instants, la foule devant, la foule derrière faisait que je ne cessais de me dire que l’on ne m’y reprendrais plus : le coude à coude en rando, ce n’est pas vraiment mon truc, par la suite, quand j’ai eu un peu d’air devant et un peu d’air derrière, quelque espace devant pour voir où je mettais les pieds, je me suis dit que le jeu en valait peut-être la chandelle.

Et puis finalement, j’ai trouvé ça plutôt rigolo, des montées en marchant vite, des descentes parfois techniques, où il fallait regarder attentivement où on mettait les pieds, et parfois donner un coup de main à la fille derrière et lui éviter de débarouler tout en bas. Une grande descente bien raide comme je les aime. Dans le bas, lové dans le creux entre deux collines, un village perché sur une falaise. Nous l’avons contourné avant d’aborder la dernière côté de la balade. Et puis dans un recoin du parcours, d’un coup j’ai entendu des gens crier mon nom avec des encouragements, Ô sympathique surprise : le « fan club » était là, je fus bien content de les voir, si vigoureux, ces amis que je connaissais ! Cela me fit chaud au cœur et me permit d’aborder les dernières centaines de mètres de dénivelé avec plus d’entrain. Philippe était toujours là, fidèle au poste, juste devant, il regardait fréquemment sa montre, qui lui donnait sa fréquence cardiaque (et peut-être l’heure aussi). Peut-être avait-il quelque problème cardiaque et que cet instrument lui permettait d’éviter l’infarctus ? Moi je regardais l’altimètre (et l’heure) tout en guettant le sommet de l’ultime colline. Mais je redoutais surtout la longue descente qui allait s’ensuivre : c’est qu’il allait falloir courir pour éviter d’arriver trop tard.

Quelque part sur la parcours, le fan club était là (Photo : A. Mourgues)

Le soleil était déjà couché. La lampe frontale allait bientôt servir. Dernière ligne droite à travers la frondaison du bord de la rivière, les balises à la pomme de terre avaient fait place à des morceaux de plastique rétro-réfléchissant qui brillaient dans le halo de ma frontale. Après plus de deux kilomètres de ce régime, les premiers signes de la fin apparurent : clameurs lointaines et halo lumineux citadin orangeâtre dépassant la canopée. L’arrivée se fit au milieu d’un couloir humain que j’ai parcouru tout seul : mes huit-cent quatre-vingt dix-neufs copains potentiels m’avaient semble-t-il purement et simplement laissés tomber (ou vice-versa...) ! Toujours est-il que le cordon humain m’encourageait chaleureusement, ce qui me permit d’arriver dignement en courant, car je n’avais pas envie de les décevoir en marchant, même si ce n’était pas l’envie qui me manquait. Et puis je suis arrivé sous une (grande) tente. Cul-de-sac. Là, on m’enleva mon dossard ventral (il paraît qu’ils y avaient collé une puce : « Big Brother » était avec moi tout au long de ma randonnée, probablement pour m’éviter de me perdre...) : la joyeuse randonnée était semble-t-il terminée. Philippe était arrivé peu avant, et mon sympathique « fan club » m’attendait, c’est chouette, après tout ça, même pas besoin de rentrer à pieds ! On me donna un tee-shirt avec marqué « finisher » en blanc sur fond noir. Finisseur ? De quoi ? De la balade ? Ben encore heureux, j’allais pas camper au beau milieu de la cambrousse quand même, sans matériel approprié de surcroît. Probablement pour me remercier d’avoir participé et donc d’avoir payé... Et puis on est reparti.

Quelques mètres avant la ligne d’arrivée (photo A. Mourgues).

J’avais les jambes un peu lourdes.


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