Les tribulations d’un (ex) astronome

Mal de Terre

mercredi 6 juillet 2005 par Guillaume Blanc

Le dernier bouquin d’Hubert Reeves, qui vient de sortir en poche. J’ai des envies écologiques ces temps-ci. Envies de comprendre le pourquoi du comment et surtout du « quoi faire » ? Je suis tombé sur cet essai. Titre évocateur : on ne va certes pas se marrer à lire ça. Hubert Reeves, j’ai lu « Patience dans l’azur » et « L’heure de s’enivrer » quand j’étais jeune, comme tout passionné d’astronomie qui se respecte (sauf que contrairement à bon nombre, je l’étais déjà, passionné, avant de me plonger dans ces livres), par la suite, je me suis enfilé « Dernières nouvelles du cosmos » et « La première seconde », déjà beaucoup plus ardus. Mais j’étais plus grand, aussi. Puis j’ai zappé la série des essais philosophiques sur la vie. Pour renouer avec le bonhomme et ses préoccupations (qui devraient être celles de tout un chacun) quant à l’avenir de la planète...

Ce livre, « Mal de Terre » se lit comme un roman. Un roman noir, certes, mais la plume est belle et fluide, on se laisse porter par le courant. Je l’ai dévoré. Pourtant, ça fait peur. On a envie de tourner la page dans l’espoir d’y découvrir un chouïa d’optimisme. De fait, il y en a. Mais si peu. L’édition en poche, chez Points, est agrémentée d’une postface qui fait le point sur la situation, dix-huit mois après la parution de la première édition. C’est pas brillant, brillant... Aller, encore un effort !

De nombreuses sonnettes d’alarme sont tirées tout au long des pages, pollutions, problèmes d’énergie, pauvreté, disparition d’espèces animales... Mais la situation la plus inquiétante semble être cet effet de serre qui a pour conséquence d’augmenter la température moyenne de la planète. Effet de serre qui est en train de s’emballer du fait des différents gaz, déchets de l’activité humaine, rejetés dans l’atmosphère toujours en quantités plus importantes. Et paradoxalement, depuis quelques années, malgré l’optimisme lié à la prise de conscience du problème, ce sont les 4x4 qui fleurissent sur nos routes, et dans nos villes. Ces monstres qui consomment sans compter et donc rejètent plus de gaz nocifs : la consommation moyenne par véhicule augmente, alors qu’il faudrait privilégier des voitures plus économes en énergie et plus propres... Or un effet de serre qui s’emballe, c’est pas bon du tout du tout...

Ce livre a également achevé de me convaincre du bienfait des énergies renouvelables, et en particulier de l’éolien. Je m’explique. Non pas que j’étais contre les éoliennes, mais en fait, si plutôt quand même : faut avouer que ça bousille pas mal le paysage. Je prenais donc le nucléaire comme un moindre mal. Un mal nécessaire, moins nocif que le thermique, principal acteur de l’effet de serre. Le problème du nucléaire ce sont les déchets, ces matières hautement nocives, empoisonnées pour des milliers d’années. Or nous n’avons pas le droit d’hypothéquer la planète et d’imposer ça à nos descendants. Les éoliennes détruisent peut-être le paysage, mais il y a par endroit des paysages déjà abîmés — autant en profiter —, l’avantage réside aussi dans le fait que cette forme d’énergie, non polluante, est totalement réversible : les éoliennes sont démontables. En quelques dizaines d’années un paysage éolien peut retrouver son aspect d’origine. Qui plus est, la solution serait de les installer en pleine mer. Solution déjà adoptée par certains pays. La France est très en retard dans le développement d’un parc éolien. Or la récupération de l’énergie du Soleil sous cette forme (le vent est créé par des différences de température dans l’atmosphère, donc grosso-modo par l’ensoleillement inégal entre l’équateur et les pôles) se révèle assez rentable et semble être la voie tracée pour le futur. Qu’attendons-nous ?

Au moment où l’on vient d’apprendre que la France abritera le futur réacteur expérimental à fusion thermonucléaire « ITER », on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle source d’énergie. Certes, sur le plan de la recherche pure, ce projet de collaboration internationale est une aubaine. Mais le contrôle des réactions de fusion n’est pas pour tout de suite. Si l’optimisme était de mise lors des premières expérimentations, il a vite fallu déchanter : de nombreux problèmes techniques barrent la route à la rentabilité. De plus la réaction étudiée est celle de la fusion du deutérium avec du tritium, deux isotopes de l’hydrogène. Le second n’existe pas à l’état naturel, il faut le fabriquer à partir du lithium, qui se trouve être en quantité presque autant limitée sur Terre que l’uranium qui alimente actuellement nos réacteurs nucléaires à fission. Quelques milliers d’années de réserves tout au plus : on est loin de la source d’énergie inépuisable ! Et ce, à condition de parvenir à nos fins, bien entendu. C’est pas gagné. Mais des chercheurs de toute nationalité vont y travailler d’arrache-pieds et de concert. Grâce à ITER. Bref, on verra bien. En attendant, plantons des éoliennes ! Et surtout, surtout, économisons l’énergie, de grâce... Achetez des voitures électriques pour rouler en ville, pas des monstres 4x4 qui se servent à rien si ce n’est démultiplier l’ego de leur propriétaire. Ça lui fera une belle jambe, son 4x4, au propriétaire, quand les étés caniculaires lui rissoleront la cervelle (quoique lui, il s’en fout : il a la clim’ dans son 4x4 - et le serpent de se mordre la queue), et succéderont aux tempêtes destructrices (de garages de 4x4 ?) et autres inondations (à quand le 4x4 amphibie ?)... En partie à cause de lui (ou elle).

Bref, chaque citoyen, chaque couche de la société devrait lire d’urgence ce livre. Du simple citoyen, possesseur d’un 4x4 ou pas, jusqu’aux politiques qui tentent (vainement) de nous gouverner. Il a l’avantage d’avoir la rigueur scientifique adéquate pour aborder un tel sujet, de doubler chaque affirmation par une démonstration quantitative, et le tout en étant d’une lecture attractive. Sans oublier quelques petites notes d’optimisme dans la noirceur du paysage dépeint : après tout, après la prise de conscience de l’existence d’un trou dans la couche d’ozone, gouvernants, industriels et scientifiques ont réussi à agir de concert pour limiter les dégâts. Ce qui fût possible une fois, il n’y pas de raison que l’on ne puisse pas le reproduire. Le maître mot étant prise de conscience. La pression des populations seule pourra faire fléchir les gouvernants dans leurs décisions. En clair, engagez-vous, car comme le dit Hubert Reeves, « il est de toute urgence de développer une mondialisation de l’écologie capable de s’opposer efficacement aux méfaits et aux pollutions provoqués par la nouvelle mondialisation de l’économie »...


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