Les tribulations d’un (ex) astronome

La tempête du désert blanc

vendredi 17 août 2007 par Guillaume Blanc

En descendant de la Bérarde, nous avons opté pour un retour culturel en commençant par le musée de l’alpinisme à St Christophe en Oisans, sympathique voyage dans l’histoire des grandes parois locales. Puis, furetant dans ce village accroché sur les flancs abrupts de la vallée du Vénéon, nous sommes tombés sur « La Cordée », un petit bar-restaurant-librairie à l’atmosphère montagnarde. Là, le regard s’accroche forcément sur les piles de livres entassés sans ordre apparent. C’est parfois dans ce genre de recoins que l’on découvre des choses insoupçonnées, introuvables par ailleurs. Je suis ainsi tombé sur un petit roman de François Labande ; tout alpiniste connait ses innombrables « topos » décrivant l’ensemble des voies pour grimper sur un sommet donné, et ce de manière exhaustive pour tous les sommets d’un massif, que ce soit celui des Écrins ou du Mont Blanc. Il a également publié nombre de topos de randonnée, de ski de montagne... Bref, un inlassable arpenteur des montagnes. Il est également l’un de ses plus ardents défenseurs, par l’intermédiaire de Mountain Wilderness, dont il a contribué à créer la branche française. Un combat dont il fait part dans un essai : « Sauver la montagne ».

« La tempête du désert blanc » est le seul roman que je lui connaisse, il faut littéralement tomber dessus inopinément pour en apprendre l’existence. Le récit d’une balade en ski de rando, comme on dit, dans le Val de Conches, en Suisse, la haute vallée du Rhône. Outre la tempête de neige, fréquente en montagne ; Karim devra affronter un capitaine de l’armée suisse, venue faire des manœuvres dans le coin. La sérénité et la solitude montagnarde troublée par quelques guignols venus s’amuser à tirer en l’air.

La balade de Karim coïncide avec le lancement de l’opération « Tempête du Désert » contre l’Irak, et l’auteur s’en donne à cœur joie pour défendre ses positions anti-militaristes. Que je ne comprends que trop bien, la seule vue de l’uniforme étant habituellement suffisante pour me donner la nausée. Si je peux encore supporter ce genre de personnages en ville — plan vigipirate oblige — ou cantonnés dans leurs casernes, me retrouver nez-à-nez avec eux en montagne, de surcroit dans une situation analogue à celle de Karim, en plein champ de tir, suffirait à me mettre hors de moi. Heureusement je n’ai jamais eu à subir ce genre d’outrage. J’ai déjà du mal avec les chasseurs...

Pas d’exploit sportif à la clef de ce petit roman superbement bien écrit ; rien qu’une balade bucolique, skis aux pieds, dans une montagne apaisante, même si parfois capricieuse. Le lecteur se laisse agréablement porté par les charmes du récit. Seules les toutes dernières pages me semblent un peu tirées par les cheveux...

Une histoire qui sert ainsi de prétexte à bon nombre de réflexions, la guerre et le militarisme apparaissant en filigrane au fil des pages. Pourquoi la montagne ; havre de paix s’il en est, se retrouve-t-elle au centre de bon nombre de conflits sur cette planète ? L’homme ne peut donc pas profiter du paysage sans songer à le détruire ou à s’entretuer ?


« À l’instant même, Karim redevenait alpiniste. Instant magique où l’individu se coupe du monde matériel pour se sentir aspiré par celui de l’altitude et des sommets. Qu’allait-il chercher là-haut ? »

« Il s’était remis en marche en pensant aux lagopèdes. Une espèce protégée, interdite aux chasseurs de tout poil. Il aurait bien aimé que l’espèce humaine bénéficie du même statut, cela freinerait les dictateurs et les apprentis va-t’en-guerre en mal de combats de coq. »

« Cela faisait longtemps qu’il n’avait assisté à une chute de neige aussi pure, dans sa trajectoire, ses formes, sa densité. Une chute de neige de conte de Noël, comme l’on en voit sur les panneaux publicitaires des stations de ski. Les affiches vantant les charmes des stations à la mode s’ingéniaient à travestir la réalité. [...] Il eût été plus honnête, vraiment, de représenter des lignes de câbles, motoneiges et autres temples de la restauration rapide. Mais le touriste reste dans l’âme un rêveur d’une nature évanouie, dite authentique, qu’il contribue à détruire. Et la publicité se moque de l’honnêteté. »

« Était-il possible de vivre de tels contrastes dans un segment aussi étroit de la vie quotidienne, de passer si brusquement d’une situation dite extrême, au regard des dangers de la montagne, à cette ouate de tranquillité bourgeoise ? »


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