Automne

Je fais pas mal de photos. Mais jamais en noir et blanc. Toujours en couleurs. Une façon, peut-être, de m’affranchir d’un fastidieux travail de laboratoire. Mon père m’a montré une fois comment développer, puis tirer, mais cela ne m’a jamais vraiment passionné. Seule la prise de vue m’intéresse. En couleur. Le noir et blanc demande une technique particulière, que je ne maîtrise pas, que je connais pas. La couleur se laisse saisir sans fioritures, et puis, le monde est si beau, en couleur, pourquoi vouloir le réduire à deux dimensions quand il est paré d’une palette si nuancée ?

La couleur, c’est aussi une manière de vivre, un état d’esprit. À contre-courant, je prends un malin plaisir à me vêtir en couleur, quand la foule est en noir et blanc. La couleur existe, pourquoi s’en affranchir ? Non, je ne me coulerais pas dans le même moule.

Pourtant, les paysages hivernaux, peu colorés par excellence sont parmi ceux que je préfère. L’immaculée blancheur de la neige transcende tout le reste quand elle est le reflet de l’azur du ciel. Et c’est sur la photo couleur qu’elle révèle toute sa richesse. Quand la verdure reparaît, au printemps, mille couleurs émergent ça et là. Une touche de bleu, une touche de jaune, une touche de magenta, avec une larme de pourpre, sans oublier tous les verts possibles... Crocus, soldanelles, pensées, gentianes, lys, asters... L’été passe sur ces fragiles joyaux. Puis l’automne offre un nouveau chatoiement de couleurs : c’est la forêt qui s’embrase. Elle se colorise, mélèzes qui se préparent dans un bouquet de couleurs à affronter les rigueurs de l’hiver, hêtres qui s’allument de milles feux sous les timides rayons d’un soleil qui fait la grasse matinée, et tous ces caduques qui arborent tant de couleurs, transformant la forêt en une palette de peintre. Couleurs éphémères, la nature est en perpétuelle transformation.