Les tribulations d’un (ex) astronome

L’astragale

dimanche 19 septembre 2010 par Guillaume Blanc

Un petit livre d’Albertine Sarrazin. Pour moi, jusqu’à l’année dernière, l’astragale était une fleur que l’on ne trouve que dans les Alpes du sud, de manière abondante mais très localisée. L’astragale queue-de-renard est une grande plante, dont les fleurs, jaune citron, forment d’imposantes grappes. Comme j’ai grandi juste à proximité de là où en trouve, dans mon esprit, l’astragale était une fleur, assurément, et de surcroît pas spécialement rare.

Et puis, il y a un an, petit coup de fil de la copine d’Anne-Soisig, avec qui elle était partie grimper sur les hautes parois de granite de l’ouest des États-Unis, qui me dit gaiement que la donzelle a fait une mauvaise chute dans la deuxième longueur du Nose. Un pied en vrac. Expectative. Le lendemain — un dimanche — opération d’urgence. Fracture du talus. Ou astragale. Outre une fleur, l’astragale est donc aussi un os. Visserie à la clef. Plâtre, attente, rapatriement. Plâtre, etc. Un an plus tard, elle recommence tout juste à courir...

Dans le roman d’Albertine Sarrazin c’est Anne qui se casse l’astragale. Mauvaise chute en se faisant la malle de la Centrale. Prison. À peine sortie de l’adolescence, encore mineure, Anne cavale — enfin, « cavale » est un bien grand mot, rampe serait peut-être plus adéquat —, traînant son pied en morceaux. Elle croise ainsi Julien par hasard. Julien qui va l’aider, la planquer, la faire soigner, la bichonner. L’aimer. Entre deux « coups. » Julien qui la soutient financièrement. Qui se fait prendre. Prison. Anne survit alors grâce à son corps. Se prostitue. Cahin-caha, malgré la vie bancale, l’amour survit, se répand et se fortifie, pour ne jamais se diluer.

Roman autobiographique sur l’amour de sa trop courte vie, Julien, Albertine Sarrazin raconte son année de cavale, de planque en planque, avec son pied cassé, opéré, réparé. Plus ou moins bien. Sa rencontre inattendue avec Julien. Elle raconte tout ça (et bien plus), avec style, ça se lit très bien, c’est joliment bien écrit.

J’ai lu ce petit livre trouvé chez un bouquiniste sur l’internet. Il semblait faire partie de la culture populaire, alors, ce fut l’occasion. J’ai adoré le style, la façon d’écrire. C’est beau. Ce n’est qu’après en avoir terminé la lecture que je suis allé voir sur wikipédia qui était Albertine Sarrazin. En fait, Albertine est Anne. Ou Anne, Albertine. Une demoiselle née dans les années trente, qui a eu la vie courte, morte à trente ans, lors d’une opération des suites d’une anesthésie un peu folklorique. Courte vie en quadrature avec la société, entre prostitution et délinquance, dont quasiment un tiers fut passé en prison. Courte vie pendant laquelle elle a quand même réussi à devenir une écrivain reconnue, racontant dans ses romans sa vie de délinquante, de prisonnière... Pas une paumée, peut-être une éprise de liberté ? Je crois que je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin, et poursuivre la lecture de son œuvre : « La cavale », « La traversière »...


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