Sous le Soleil exactement
J’avais envie d’être décoiffé ce week-end. J’avais envie de cimes, d’air pur des hauteurs. Je n’avais pas envie de rester tout seul en région parisienne pour fêter le passage de la trentaine palindromique, comme un con... Et pourtant, pourtant, parfois on ne fait pas toujours ce que l’on veut...
Cécile n’était pas là ce week-end. Alors j’avais décidé d’en faire autant, et d’aller faire un tour à la montagne. Peu importe où et comment. À la montagne. José était partant, Padrig, le copain lyonnais, aussi. Les billets de train Massy-Lyon furent aussitôt réservés, il y a de ça quelques semaines. Départ vendredi soir, retour en début de soirée dimanche. Massy parce que c’est plus simple, pour nous autre banlieusards d’aller chopper le TGV en banlieue plutôt qu’au cœur de Paris.
J’ai potassé les topos, les cartes, et j’avais finalement jeté mon dévolu sur le massifs des Grandes Rousses, dans lequel je n’avais jamais mis les pieds. J’avais envie de solitude et de grand air, donc pas de refuge au programme, un bon duvet pour les pattes et un réchaud pour les pâtes.
Jeudi 18 octobre 2007. Grève générale des transports ferroviaires (entre autre) en Île-de-France et ailleurs aussi. Pas de problème, je n’ai jamais cours le jeudi et habituellement je bosse depuis chez moi. Sauf que cette fois-ci un collègue soutenait sa thèse à Paris, j’y aurais bien été, mais je n’y suis pas allé. Le soir, j’appelle les copains pour mettre notre petit week-end au point. La météo prévoit du beau temps mais un vent violent de secteur nord en altitude. Nous choisissons un truc plutôt au sud, pour tenter d’être à l’abri de la bise. Je suis tout excité à l’idée de partir en montagne.
Dans la soirée, petit courriel laconique de José : « je viens d’appeler le numéro vert de la sncf 08 05 90 36 35 notre train est annulé :-(((( » Je fonce sur le web pour vérifier. Rien à faire, pas moyen d’accéder au site d’information sur la circulation des trains.
Vendredi matin. J’appelle le numéro vert. Notre train est toujours annulé. Merde. Les trains au départ de la Gare de Lyon ont l’air de rouler. Seulement c’est désormais trente euros de plus. Pfff... Dans la matinée, je réserve un billet pour le premier train qui part de Massy pour Lyon samedi matin. Arrivée prévue à 11h07 à Lyon, ça le fait encore, et ce n’est pas trop cher. Je prend soin d’appeler le fameux numéro vert, pour vérifier si le TGV en question circule. José trouve que ça commence à faire cher pour pas grand chose. J’y vais quand même, je suis motivé à fond.
J’ai même réussi à aller à Paris pour assurer mon TD à l’université. Bon, mon RER habituel n’était pas là, j’ai dû user de subterfuges. Au retour, j’ai choppé un RER C après seulement vingt minutes d’attente. La grève se poursuivait, au ralenti. C’est ce que je croyais. Le ralenti allait me sauter à la gueule.
Ce matin, réveil à 6h30, petit déj’, fin des préparatifs, et je prends la voiture pour Massy. Au passage je vais réveiller José qui doit me filer le duvet de Padrig. Et direction la gare où j’arrive avec une demi-heure d’avance. En cours de route France Info annonçait un trafic des TGV redevenu normal. Chouette !
En pénétrant dans la froide enceinte de la gare TGV de Massy, un attroupement autour d’un homme en bleu, qui s’efforçait de garder le sourire et de répondre calmement et gentiment aux voyageurs perplexes me mit la puce à l’oreille. Le panneau d’affichage des départs n’annonçait pas mon train. Le doute s’immisçait. Je retire quand même mes billets. Et puis je vais tout de go poser la question au monsieur de bleu vêtu. Là, le doute s’envole ; la dure réalité s’installe. Mon train est effectivement (et définitivement) annulé. Le prochain pour Lyon est une heure et demi plus tard. Mais là ça devient carrément du n’importe quoi, ma motivation atteint ses limites. D’autant que la certitude de pouvoir rentrer le lendemain n’existe pas... J’appelle Padrig. Il était en train de faire son sac. On en rigole, parce que y’a plus que ça à faire !
Pour la peine, je m’offre une bonne demi-heure de queue pour accéder à l’unique guichet ouvert et me faire ainsi rembourser mon billet. Et puis retour chez moi, la queue entre les jambes.
Privé de montagnes par une bande d’abrutis qui usent et abusent du droit de grève, simplement parce qu’ils estiment injuste qu’on leur supprime des avantages acquis en 1909, quand l’espérance de vie d’un cheminot était d’une cinquantaine d’années ! C’est beau le progrès. C’est beau la solidarité. Dans notre pays soi-disant à la pointe du progrès social, ce système de retraites par répartitions ne créé que des distensions et des inégalités. Surtout quand une poignée de privilégiés voudraient conserver des privilèges qui n’ont plus de raison d’être : parce qu’en 1909, que les cheminots qui avaient la gueule dans le charbon à longueur de trajet aient eu quelque compensation, c’est tout à fait compréhensible. Mais en 2007 ?
Ce qui m’interpelle quelque peu, c’est qu’à part une poignet de mécontents, en gros ceux qui n’ont pas de train pour partir en week-end, et qui se contentent de râler dans leur barbe, tout le monde semble accepter ce bordel sans moufter. Les cheminots n’abusent-ils pas d’un droit fondamental pour d’injustes raisons ?
Guillaume Blanc
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