Les tribulations d’un (ex) astronome

Retour aux sources

lundi 3 janvier 2011 par Guillaume Blanc

Superbe semaine de vacances entre neige et ciel bleu. Entre ski au soleil et glace à l’ombre. La glace est un peu une première, une envie qui trottait depuis quelques temps d’aller nous frotter à cette autre dimension. L’occasion rêvée d’essayer mes nouvelles chaussures d’alpinisme que j’ai acheté pour notre expé népalaise du printemps. Des chaussures pour ne pas avoir froid aux pieds.

Nous avons commencé par aller titiller la cascade de Razis au fin fond de la vallée de la Chalp, avec une approche un peu longue que nous avons faite à skis. Une fois sur la cascade, que nous avons trouvé particulièrement raide, nous n’avons pas fait de folies, le but était de se familiariser avec le matériau. Si les piolets techniques se sont révélés fantastiques, en revanche, je me suis aperçu que tenter le cramponnage en glace raide avec des crampons classiques, aux pointes avants quelques peu rabotées et de surcroît peu proéminentes, était une gageure : je me suis de fait retrouvé trop souvent pendu sur mes pioches avec les deux pieds pédalant dans le vide ! Donc pas d’exploit ce jour-là, mais du tâter de terrain : un peu de grimpe en tête, brochage pendu sur un bras, rappel sur lunule.

Le lendemain, ce fut ski...

Et puis l’envie d’aller explorer un peu plus la montagne hivernale autrement qu’avec des skis, de pas partir trop loin, et le fait d’avoir vu dans le topo de cascade du coin le torrent du Riou Sec, alpinisme facile, à deux pas de la maison familiale, nous ont fait partir de là à pieds. Les quelques centimètres de neige n’étaient pas un obstacle, trop peu pour se permettre de prendre les skis. Nous sommes partis ainsi à travers champs, le sac chargé à craquer sur le dos. Pour aller voir ce que c’est.

Ce torrent, j’y jouais quand j’étais gamin, on y cherchait des cristaux de quartz avec les copains. On avait bien essayé de le remonter, rapidement bloqué par de petites cascades en rocher gluant et humide. Cette fois-ci il est glacial, dans la neige, délicatement engoncé dans une coque de glace. Glace qui laisse parfois apparaître l’eau, bordée de sculptures translucides somptueuses.

Sobriété des formes

Nous quittons le chemin du plateau de Bouffard pour nous enfiler dans le lit du torrent. Au pied d’un premier petit ressaut, nous laissons nos bâtons de marche, puis nous enfilons le baudrier, les crampons et sortons la corde. La glace et ses voluptueuses arabesques craque sous les pointes d’acier. Les piolets s’ancrent pour nous hisser un peu plus haut. Deuxième ressaut, un peu plus long, pas très dur, mais un peu quand même.

Marche à l’ombre

Pour les suivants, on fera les choses dans les règles de l’art, en posant des protections et en s’assurant comme il faut. Du coup, j’aurais le baudrier chargé de matos. Beaucoup trop pour l’entreprise de petite taille que nous étions en train de faire. Au total, seules deux-trois broches, plutôt courtes car la roche n’est jamais très loin, et quelques sangles nous auront servi. Chaque ressaut est séparé d’une bonne distance de marche dans le torrent.

Les pieds dans le décor

Canyon encaissé, certes la vue n’est pas mirobolante. Mais l’ambiance est fantastique. Sauvage, un peu loin de tout, nous sommes seuls ici. Le torrent est superbement mis en valeur par cette glace finement ciselée, qui nous jette ses reflets bleutés.

Les petits murs que nous gravirons auront moins belle mine après notre passage destructeur, un peu comme un éléphant maladroit dans un magasin de porcelaine. Pourtant je sais qu’il suffira de quelques jours tout au plus à la nature pour tout reconstruire. Inlassablement. Notre passage sera alors devenu totalement invisible. Et la quiétude du lieu, rétablie.

Nous franchissons ainsi quatre murets de glace. Des arbres sont là pour faire des relais au sommet de chacun. Dans le haut, un énorme dépôt d’avalanche empli le torrent. Probablement une conséquence du gros redoux qui a eu lieu à la mi-décembre. Nous remontons tant bien que mal dans cette neige difficile, imbroglio de boules très dures plus ou moins grosses. Dans un virage du canyon, l’avalanche a laissé un mur de neige tout lisse de quatre ou cinq mètres de haut. Neige durcie par le froid, nous nous amusons à gravir ce bout de verticalité. Puis, un peu plus haut, nous butons sur le dernier ressaut, celui que le topo annonçait comme de grade V. De fait. Une partie finale bien raide et peu épaisse me font dire que ce sera pour une prochaine fois, quand nous aurons plus d’expérience avec la glace. Et puis pourquoi pas en sortant au sommet du Mont Orel, quelques 700 mètres plus haut, et en emportant les skis pour la descente ?

Glace et voluptés

En attendant de grandir, nous redescendons par là où nous sommes montés, sans avoir débouché sur un quelconque sommet ou dans un quelconque quelque part, mais pourtant contents de notre petite escapade. Les ressauts sont descendus en rappels. Rappels posés sur des arbres, quand il y en avait, autour d’un gros rocher — celui-ci s’est coincé, il a fallu remonter pour récupérer la corde — ou encore sur une lunule — petite hésitation avant de se pendre dessus : ça tient ?

Cache-cache

Au retour, le soleil rasant de cette fin d’après-midi hivernal nous cueille au détour du chemin. Le plateau de Bouffard en est tout illuminé. Les cristaux de givre brillent de mille feux. Quel spectacle éblouissant ! Retour tranquille au bercail avec un peu de bûcheronnage dans la forêt, normal, quoi...

Reflets ensoleillés

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