Adieu, Ratelle...
Nous y avions cru, l’espace d’un instant. Oui, le projet de nouveau téléski de la station de Crévoux semblait avoir sombré aux oubliettes, malgré l’accord préfectoral. Pour finalement renaître de ses cendres en 2010, malgré une date dépassée [1]. Téléski construit pendant l’été, ça y est, il fonctionne.
Quelques photos laissaient penser qu’il s’était retrouvé suffisamment décalé vers l’ouest par rapport au projet initial pour ne pas troubler la quiétude des randonneurs à skis. Nous avons profité du dernier jour des vacances pour aller y voir par nous-mêmes.
Départ de la Chalp, en même temps que quelques rares fondeurs, dans l’air assez vif du matin. Le coin est connu, d’autres randonneurs se dirigent vers la même crête de la Ratelle. La trace de montée est franche et bien tassée, preuve que bon nombre de skieurs sont passés par là depuis dimanche, date de la dernière chute de neige. Tant que nous n’avions pas franchi la limite de la forêt, je me disais que c’était tout bon. J’étais gonflé de confiance dans le fait que oui, notre Ratelle était toujours là, identique à elle-même.
Et puis, nous sommes sortis des arbres, avons passé la tête par-delà la butte qui cache la crête. Et nous avons vu. Et su que non, la Ratelle c’était terminé. La belle montagne toute de vallonnements était sauvagement striée de milliers de traces des skieurs hors-piste qui se déversent depuis le nouveau téléski du Pré de l’Étoile.
Nous avons continué notre petit bonhomme de chemin malgré tout, tandis que les quelques free-riders de ce dernier jour de vacances nous passaient devant et derrière dans des gerbes de poudre. J’avais l’impression d’errer dans un autre monde, comme si j’étais à la place d’un sauvage déporté malgré lui dans une autre dimension, trop moderne. Vénus Hottentote. Surréaliste.
Impression de remonter une piste à peaux de phoque. Pathétique.
En fait le téléski fautif abouti à quelques encablures du sommet de la crête que nous avions l’habitude de faire. Pour la peine nous nous sommes un peu déporté de l’autre côté pour aboutir sur une autre bosse de la crête de la Ratelle. Ça reste la même crête. Une autre fois, il faudrait aller encore plus loin pour trouver encore un peu de neige vierge de traces. Mais rien à faire, la wilderness n’est plus.
C’est dommage, car le coin est superbe. De surcroît la neige — entre les traces — était superbement poudreuse.
Plus bas, le filet censé prémunir les tétras-lyre [2] nichant dans la forêt des hordes de skieurs est allégrement traversé, futile rempart, s’il en est.
Du haut de notre promontoire, nous avions vu sur une autre menace dans le secteur, la station de Vars, que l’on voit dépasser sur les crêtes en face rêve de déborder dans le vallon sauvage de l’Eyssina, de pourrir ce coin avec force remontées mécaniques... Station de Vars, qui fait actuellement la part belle aux vols touristiques en hélicoptère, pour aller voir les chamois, entre autre. Chamois, qui effrayés, se retrouvent parfois à sauter les barres rocheuses. L’autre jour, tandis que nous grimpions tranquillement sur la cascade de glace de Razis, un hélico est effectivement venu nous voir. Bêtes sauvages que nous étions étions. Saloperie ! Dire que TF1 fait de la pub pour l’héliski dans son journal de 20h, alors que la pratique est interdite par la loi...
Bref, l’année 2011 commence un peu tristement, mais nous ne nous laisserons pas faire par ces hordes de capitalistes qui ne rêvent qu’à transformer nos belles et sauvages montagnes en paquets de pognon !
[1] Un coup à la « Sarkozy » paraît-il, qui a accordé une année de plus pour ce genre de projet, en réponse à la crise...
[2] Le rapport du projet UTN dit, à ce sujet : « Afin de protéger ce secteur, qui sera interdit à la pratique du ski hors piste par arrêté municipal, des filets de protection seront installés sur un linéaire de 1200 m environ. Leur maintenance fera l’objet d’un soin particulier : démontage en fin de saison, remontage en début de saison, ajustement en fonction de la hauteur de neige et réparations en cas de dégradation feront l’objet d’un cahier des charges précis. » À voir le nombre de traces de skieurs qui passent outre ce filet rouge, j’ai un peu peur pour la survie des tétras lyres...
Guillaume Blanc
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