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Un paysage du temps
Cet été, Ciel & Espace a publié un hors-série consacré à la science-fiction. Je me suis empressé de me plonger dedans, car je suis un amateur difficile du genre. Difficile dans le sens où l’on y trouve de tout et du n’importe quoi, répartis sous diverses étiquettes fantasy, utopie, uchronie, hard science et j’en passe, ce qui fait qu’il n’est pas évident de s’y retrouver. Je suis difficile surtout dans mes lectures. Au cinéma ou en BD, mes goûts sont plus éclectiques, je suis moins attaché au réalisme de la chose. En revanche je n’apprécie vraiment que les romans de science-fiction qui sont ancrés dans une certaine réalité scientifique. Ce que les amateurs du genre qui mettent des étiquettes un peu partout appellent la hard science. Donc si un magazine d’astronomie parle de science fiction ce serait forcément un peu biaisé vers la science-fiction « réaliste ». De fait, ça l’est, et je peux y puiser nombre de références propres à assouvir ma soif pendant quelque temps.
Je suis ainsi tombé sur un auteur américain, Gregory Benford, physicien de son état : ses écrits devraient être tout juste dans la catégorie que j’affectionne ! J’ai commencé par Un paysage du temps (Timescape). Ce roman publié en 1980 raconte comment en 1998, une catastrophe écologique est le point d’anéantir l’humanité, une étrange réaction chimique liée à la dilution de pesticides dans les océans provoque une réaction en chaîne et propage des virus à une incroyable vitesse. Bref. Ces hommes du futur décident de tenter une expérience. La science tourne au ralentit, faute de crédits, la criminalité est en hausse permanente, la crise s’étend. L’expérience en question consiste à envoyer un message dans le passé. C’est devenu théoriquement possible avec la découverte d’un certain type de particules, les tachyons, de masse imaginaire, et qui, de fait, se déplacent à des vitesses superluminiques et peuvent remonter le temps. En envoyant un faisceau de tachyons, modulé par un message aux scientifiques du passé, dans le ciel à l’endroit où se trouvait la Terre à l’époque où des expériences susceptibles de capter le message se faisaient. Cet endroit, c’est l’apex solaire, là vers où le Soleil se dirige sur la voûte céleste, dans son mouvement autour de la Voie Lactée. Cette époque, c’est 1963.
En 1963, une équipe de scientifiques fait des expériences sur la résonance nucléaire de l’indium. Et obtient un signal fortement bruité. Bruit qui se révèle cohérent et comme porteur d’un message, un message venu d’ailleurs... Le concepteur de l’expérience se heurte alors au scepticisme de la communauté scientifique de l’époque... Les scientifiques ont beau être (relativement) ouverts d’esprit, il ne faut quand même pas exagérer !
Ce livre est d’un réalisme surprenant tout au moins en ce qui concerne les relations entre physiciens et physiciens, ou entre physiciens et non-physiciens. Une communauté qui n’a pas bougé depuis 1980, car j’imagine que Gregory Benford dépeint les mœurs de son époque. Rien n’a bougé depuis 25 ans. Le physicien reste un homme comme les autres. Peut-être un peu moins macho à l’heure actuelle. J’espère. Encore que, en lisant Spin, je me permets quelques doutes sur la question...
Et si Benford s’est un peu trompé dans ses prévisions catastrophistes pour 1998, il n’était tout de même pas loin. La floraison des diatomées dans l’atlantique au large du Brésil n’est, à ma connaissance, pas encore catastrophique, en revanche, l’effet de serre, autre phénomène anthropique pourrait rapidement le devenir, catastrophique. Malheureusement, nous savons que les tachyons n’existent pas (?), donc aucun moyen de prévenir nos ancêtres de 1963 pour leur dire de consommer moins de pétrole ! Va falloir se débrouiller tout seul. Faire quelque chose. Et vite, si possible...
Un beau pavé, ce livre, superbement bien écrit, ce qui est suffisamment rare dans le genre pour être mentionné. Je l’ai littéralement dévoré. Plutôt réaliste, pour un peu que l’on accepte ces histoires de tachyons qui voyagent dans le temps. Très bien documenté, avec même quelques références existantes, comme cet article de Wheeler et Feynman, auquel je n’ai rien compris, d’ailleurs ! En filigrane, une belle réflexion sur la flèche du temps et les paradoxes qui pourraient surgir en communiquant avec le passé.
Guillaume Blanc
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