Les soliloques de Mariette

Mariette, c’est la « bonne » de Madame Ariane. Madame Ariane, c’est la « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen. La pièce se jouait à deux pas de chez nous, pour une fois que nous n’avions pas besoin d’aller à Paris pour « aller au spectacle. » Malheureusement, c’était un peu trop près, alors on est arrivé bien à la bourre.

Mariette, c’est Anne Danais, seule sur scène avec son tablier et son accoutrement de ménagère, au milieu des meubles de la cuisine. Elle parle toute seule, Mariette, ou bien elle nous parle à nous, nous le public, on ne sait pas trop. Elle raconte son histoire, qui est aussi un peu celle de « Madame Ariane. » Une dame de la « haute » très belle, marié à un mari, Adrien, qui ne la mérite pas vraiment, d’après Mariette. Et puis Ariane se retrouve dans les bras d’un collègue de son mari, un amour destructeur, un amour un peu curieux, dénué de sens, « quand même, c’est pas ça l’amour. » Une Mariette alors délaissée, même elle a faut sauter Madame Ariane sur ses genoux. La Belle n’en a que pour son amant, aux yeux duquel elle ne peut paraître que sous son meilleur jour. Une Mariette qui n’est ainsi plus dans la confidence. Une Mariette qui en vient à se dire, quand même, pauvre Adrien.

La comédienne est superbe, la mise en scène impeccable. On écoute avec ravissement pendant une heure et demi ces monologues. Une très chouette pièce.

Qui reprend donc certains passages du fantastique roman d’amour-fleuve d’Albert Cohen. Un amour comme on ne peut que rêver que cela ne nous arrive jamais. Destructeur, exclusif. J’ai lu Belle du Seigneur il y a une bonne quinzaine d’années, un pavé auquel je m’étais agrippé des semaines durant pour en venir à bout, finalement. J’avais adoré, et la trame est restée gravée dans ma mémoire, si les détails furent toutefois plus volatils. De voir cette magnifique pièce me donne envie de relire le chef-d’œuvre !