Recette de la belle pente
Repérez à l’avance une grande et belle pente de neige. Si possible à l’adret. Comme par exemple le côté sud du col des Droites dans le bassin de Talèfre dans le massif du Mont Blanc.
Vous amenez nonchalamment le sujet chez vos compagnons de bordée.
C’est décidé, la belle pente est au programme du lendemain...
Pour ce faire, commencez par un réveil, ni trop tôt, ni trop tard.
Prenez le temps du petit-déjeuner : une belle pente, ça demande des ressources !
Partez tranquillement, au petit jour.
Laissez filer ceux qui vont ailleurs. En l’occurrence sur la Pointe Isabelle qui vous a d’ailleurs demandé tant d’efforts à tracer la veille : de la neige jusque sous les aisselles sur l’arête...
Petit à petit ceux qui étaient devant se retrouvent derrière. Allez savoir pourquoi... ?
Enfilez les couteaux sur les fixations : la neige est bien dure, le regel noturne fut bon. Il fait beau. Même si le Mont Blanc ne daigne se désencapuchonner. Quant aux Grandes Jorasses, elles se terrent derrière leur linceul.
Bientôt la pente se raidit d’un cran. Vous évoluez au beau milieu des boulettes de neige descendues la veille sous le Soleil, et accrochées là par la fraîcheur de la nuit.
Crampons ? Pas crampons ? Vous hésitez. Crampons... Merde, ça porte pas. Galère. Re-skis. Un lacet, deux lacets. Re-crampons, en fin de compte... Plus que 400 mètres de dénivelés, ça va le faire.
Ça le fait. Mais le ciel se couvre... Flûte, la neige va rester dure. Descente foutue ? La fin est bien raide. De 40° on est bien passé vers 45°. Pour sortir sur un peu plus...
Le col. Pas le premier en haut, mais presque. Belle vue sur le bassin d’Argentière. L’Aiguille du même nom, le Tour Noir, parcouru l’année dernière. Les glaciers sont tracés, des grappes de points noirs se mouvant lentement s’agrippent aux traces rectilignes.
Pour servir à point, attendez. Attendez les copains. Attendez que la pente réchauffe un peu. Pour bien cuisiner, il faut savoir patienter le temps adéquat.
Grignotez quelques graines. Prenez quelques photos du grandiose paysage. Regardez passer les nuages, tous plus beaux les uns que les autres. Patientez.
Et puis le miracle advient. Le voile se déchire, l’astre du jour apparaît sans pudeur. Ses rayons peuvent directement réchauffer la surface de la belle pente.
Voilà, il est temps d’y aller voir. Chaussez les skis, serrez bien les chaussures, attachez les lanières. C’est parti !
Premier virage, puis petite traversée en dérapage pour passer une étroiture rocheuse, et rejoindre les contre-pentes ensoleillées. Raides. Le premier virage coûte un peu. La neige est parfaite. À point. Légèrement ramollie sur le dessus, reposant sur un fond bien dur.
C’est raide. Mais ça tourne. Plus bas, c’est moins raide. Les virages s’enchaînent. Que du bonheur ! On se prend au rêve, on se déconcentre, une faute de carre, et plouf ! on se retrouve la tête dans la neige en contre-bas. Rien de grave. Ça rafraîchit.
Retraversez les coulées, désormais bien ramollies. La moquette devient soupe. Sauf en bas, où la moquette est restée superbement moquette.
Et voilà, c’était servi à point. Même si certains ont eu du mal à la digérer...
Guillaume Blanc
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