Soldes à l’université Paris 7 Diderot : -50% sur les diplômes de M1 !
Après tout, c’est de saison, on solde, on brade, on vire les stocks. Des étudiants de première année de master (M1) de physique ont presque la moyenne ? Qu’à cela ne tienne, on fait fi des règles que l’on s’étaient imposées, et hop, plus de note plancher [1] ! Un « 3/20 » dans une matière fondamentale permet ainsi d’avoir l’année, par compensation.
D’autres, dans un cursus enseignement (M1) de préparation au CAPES, se sont retrouvés admissibles au-dit CAPES, mais avec des notes dans certaines matières du M1 inférieures à la note plancher permettant de compenser avec d’autres matières — et ne pas avoir le diplôme de M1 invalide l’admissibilité au CAPES. Pas de compensation possible, moyenne non atteinte, pas de diplôme. Sauf que ça c’est la théorie.
En pratique, la note plancher subsiste, mais tous les étudiants qui ont une note inférieure ont récolté autant de « points de jury » qu’il leur en fallait pour l’atteindre. Donc treize étudiants (sur dix-huit), à qui on a donné le M1...
Ceux d’entre eux qui sont admissibles au CAPES vont donc enseigner la physique à nos enfants dès l’année prochaine. Physique dont on peut avoir des doutes sur leur compréhension. Bref, peu importe, politique du chiffre oblige, il faut que les étudiants réussissent. Coûte que coûte. Pas forcément qu’ils apprennent quelque chose, mais qu’ils aient leur diplôme.
Deux filières de M1 en parallèle, mêmes cours, mêmes travaux dirigés, mêmes examens, pour les deux. Mais pour les uns la barrière de la note plancher saute, pour les autres, on leur met la note plancher systématiquement s’ils étaient en-dessous. Différence de traitement, injustice patente.
Ces mêmes notes planchers qui ont été supprimées de la Licence par l’arrêté du 1er août 2011 (article 16), ce qui permet désormais aux étudiants des premières années de passer dans l’année supérieure de la Licence de Physique avec des 3/20 ou des 5/20 dans les matières fondamentales de physique, compensées par des 18/20 en Unité d’Enseignement Libre (ping-pong, salsa, etc) ou autres enseignements satellites.
On brade nos diplômes. Plutôt que de réfléchir à une manière intelligente de lutter contre l’échec à l’université (pédagogie, orientation, apprentissage...), on fait comme pour le bac, on baisse le niveau. Ainsi, forcément, les taux de réussite augmentent. C’est mathématique. Mais que vaudra un diplôme de Licence ou de Master d’ici quelques années sur le marché du travail ?
Mais pour que l’université récupère des royalties, il faut que ses étudiants réussissent. Et finalement, tout le monde se fout de ce qu’il y a derrière ces notes, la preuve ci-dessus. Pourvu que le diplôme soit là, au final. Sachant que nous autres, enseignants, ne mettons pas des notes pour le plaisir de mettre des notes, mais pour tenter de quantifier un niveau de connaissances. On adorerait mettre des 20/20 à tout le monde, cela voudrait dire que tous ont parfaitement compris ce qu’on leur enseigne. Malheureusement c’est bien loin d’être le cas. Quand l’un ou l’une manifeste ne serait-ce qu’une étincelle d’intérêt pour la physique, on saute déjà de joie !
Dans la mouvance actuelle, on va bientôt pouvoir se contenter de mettre une note à la tête, ou bien au hasard [2]. Aller, tout le monde a 7/20 dès le départ. Pourquoi s’embête-t-on à faire des cours, des travaux dirigés, pondre des sujets d’examens, corriger des kilos de copies, pour qu’un jury décide en toute impartialité que les notes attribuées par les enseignants sont bidons, et « donne » arbitrairement jusqu’à près de cinq points (sur vingt !!) aux deux-tiers d’une promotion. Pour qu’ils aillent enseigner ce qu’ils n’ont manifestement pas compris — la physique — (sinon ces mêmes étudiants auraient eu de meilleures notes) à nos enfants.
Aller, venez préparer le CAPES à Paris Diderot, en plus du concours, on vous offre un master !
[1] Une note plancher est une note minimale pour permettre de compenser avec d’autres notes ; elle permet de s’assurer que le minimum vital est acquis dans certaines matières « principales. »
[2] Oui, pourquoi ne pas mettre 10/20 à tout le monde, comme ça tout le monde est content : 100% de réussite, l’université peut se gargariser ; les étudiants sont ravis, ils ont leur diplôme — peu importe sa valeur, finalement ; les profs sont contents, plus d’examens à préparer ni de fastidieuses corrections de copies...
Guillaume Blanc
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