Les tribulations d’un (ex) astronome

Astronome, la fin d’un mythe ?

mercredi 1er juin 2005 par Guillaume Blanc

Une étoile nouvelle est apparue dans les cieux, il y a quelques jours. Invisible à l’œil nu, elle n’en reste pas moins relativement « proche » et « brillante ». Suffisamment en tout cas pour agiter notre petite communauté. Et la belle de se voir observer sous toutes les coutures. Elle s’appelle SN 2005cf. Les astronomes, de nos jours, ne passent plus leurs nuits l’œil vissé à l’oculaire de leur télescope, dans le froid de la nuit, et la solitude de la coupole. Non. Ça, c’étaient les temps héroïques. Désormais, observer, cela signifie passer la nuit (certes, on observe toujours de nuit) dans une salle de contrôle chauffée et éclairée, bardée d’écrans de contrôle avec des petites lumières clignotantes de toutes les couleurs et autres écrans d’ordinateurs. En général un technicien s’occupe de faire bouger le télescope. Et l’astronome de définir l’objet à observer, la configuration instrumentale, et le temps de pause. Parfois, c’est aussi l’astronome qui fait bouger le télescope. Ça dépend de son expérience avec la bête, en fait.

Le télescope de 3.6 mètres de diamètre qui se trouve à l’observatoire du Mauna Kea, à plus de 4000 mètres d’altitude, à Hawaï.

On n’observe plus avec nos petits yeux, ni même avec des plaques photos (équivalentes aux films photographiques que vous mettez en pellicules dans vos vieux appareils photos « argentiques », mais en beaucoup plus grand), mais avec des caméras CCD. Un capteur numérique, dont le principe est le même que pour les appareils photos numériques. Sauf que pour nous, les images sont en noir et blanc (la couleur, nous, ça ne intéresse pas : c’est juste pour faire beau dans les livres ou les conférences !), et résultent de pauses de plusieurs minutes à plusieurs heures, tout dépend de la faiblesse de l’astre observé.

L’observatoire d’Hawaï, au sommet du volcan Mauna Kea.

L’astronome n’a plus qu’à attendre patiemment que sa pause soit terminée, avant d’en relancer une nouvelle. Il manipule des images numériques, ce qui est relativement aisé avec les ordinateurs ! Une nuit d’observation consiste ainsi à attendre, attendre et attendre. On en profite pour travailler, commencer à analyser les images déjà engrangées. Attendre, mais rester attentif aux souffles de la machine qui travaille, là, dans le froid et la nuit de la coupole, juste de l’autre côté du mur.

L’observatoire de La Silla, dans le désert d’Atacama, au Chili.

Parfois on va faire un tour à l’extérieur. Moi surtout. La plupart de mes collègues n’en ont cure, mais j’aime aller voir les étoiles avec mes petits yeux, comme ça, sans machine interposée. Voir ces petits points qui percent la voûte céleste et scintillent de mille feux, ça reste toujours un grand moment. On se sens tout petit. Heureusement, on peu pratiquer ce sport à peu près de partout - nul besoin d’être dans un observatoire -, sauf depuis la ville, où ces petites lucioles tremblotantes ne font plus le poids avec l’éclairage urbain. Pollution lumineuse, bien souvent inutile. Mais qui peut comprendre à part un astronome, qu’il soit professionnel ou amateur ? Se battre contre la pollution lumineuse revient à se battre contre des chimères... Pourtant, le problème se fait chaque jour un peu plus aigu. Bref. Je n’ai donc de cesse de lever mon regard vers les cieux. J’apprécie particulièrement le ciel des montagnes (d’ailleurs la plupart des observatoires sont situés en altitude, en montagne), que ce soit celui d’une nuit passée à la belle étoile, celui à l’extérieur de la tente ou du refuge, celui qui abrite la maison familiale...

Coucher de Soleil sur l’observatoire d’Hawaï : le travail commence...

Lever les yeux vers le ciel, profiter de la beauté du firmament. Se dire combien toutes ces étoiles sont bien loin. Poser le regard, peut-être, sur une planète, Mars, Jupiter ou Saturne. Autre point brillant parmi les points brillants. Suivre des yeux la magnifique Voie Lactée qui traverse le ciel de part en part de sa trainée blanchâtre.

Les astronomes observent, la Terre tourne. Étoiles à La Silla.

Et maintenant, de plus en plus, les astronomes ne vont même plus observer. On observe pour eux. Des astronomes sont payés pour passer la nuit à observer. Plus besoin d’aller à l’autre bout du monde, il suffit d’envoyer un message électronique, pour leur dire de pointer le télescope dans telle ou telle direction, dans telle ou telle configuration. C’est que je viens de faire pour cette étoile nouvelle : envoyer un message au Chili, pour dire aux astronomes qui sont là-bas d’observer cet objet. Tandis que moi je reste tranquillement dans mon bureau. Alors, fin d’un mythe ? Je ne sais pas. Il y a toujours moyen d’observer, si on le souhaite, sur les télescopes de taille plus modeste. Mais j’avoue que de ne pas avoir besoin de traverser la moitié de la planète pour deux nuits d’observation, ce qui est très éprouvant, et coûte, finalement, assez cher, et bien, je préfère. La poésie, quant à elle, sera toujours là : je lèverai toujours mon nez vers le ciel ! Le stress, la fatigue, le coût, eux seront moindres... Quid des beaux pays visités à l’occasion d’observations ? Ça, c’est une autre histoire : ils seront toujours là, eux, observations, ou pas !


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