Les tribulations d’un (ex) astronome

Mets de l’huile petit homme, dans la vie il faut que ça glisse

dimanche 23 novembre 2014 par Guillaume Blanc

Article écrit il y a quelques années (octobre 2006)...

En début de semaine, j’étais à un colloque sur les supernovæ qui réunissait une quarantaine d’astrophysiciens européens dans un institut parisien. Le premier jour, j’avais mal calculé mon coup avec le RER, et je suis arrivé quelques minutes après le début. Superbe salle, propre, moderne. Tandis que les organisateurs faisaient leur laïus de bienvenue, je pénétrais dans la pièce. Et la porte vitrée, en s’ouvrant, émis un superbe grincement, qui ne rendit pas mon retard complètement inaperçu, même si l’entrée se situait en arrière de la salle : nombre de têtes dans la salle, se sont tournées vers le nouvel arrivant que j’étais. Elle se referma toute seule avec la même chanson lugubre. Pendant deux jours, au gré des entrées et sorties de chacun, la porte émettait son petit cri strident...

La porte de mon bureau, également, grince sur ses gonds. Mais elle est certainement d’un âge plus vénérable que la belle porte de la salle de séminaire de l’institut parisien. Si encore il n’y avait que la porte de mon bureau : il y a aussi mon fauteuil. Un beau fauteuil à roulettes, molletonné, réglable et comfortable... Dès que je m’assoie dessus, il couine, dès que je fais mine de bouger, il couine, comme pour me reprocher de devoir supporter mon poids et mes agitations frénétiques ! Alors, je le laisse pour les invités, ce fauteuil acariâtre, et je passe mes journées le cul sur une vulgaire chaise, sans roulettes, non réglable, non molletonné, mais qui grince moins... même si les quatre pieds font des marques dans l’immonde lino de mon bureau. Mon collègue, dans le même bureau, a le même fauteuil, et il grince aussi.

C’était au mois de juin, un autre colloque, je rentre dans la pièce où se déroulait une session parallèle, tachant de faire le moins de bruit possible, car je savais que je débarquais au beau milieu d’un exposé. Mais comme pour me reprocher ce manque d’assiduité, la porte que je poussais délicatement émis un superbe et sinistre Gniiiiiiiiiiiii, qui fit que mon entrée fut à cent lieues de la discrétion dont j’aurais aimé la pourvoir, d’autant qu’elle se faisait sur le devant de la scène ! À croire que les portes des salles de colloques s’ingénient à nous culpabiliser d’arriver ou de partir en cours de route. Quant à celles des bureaux, de portes, je ne sais quelle peut bien être leur vocation à geindre de la sorte !

Nous sommes dans une société basée sur des technologies ultra-sophistiquées, avec des machines, des instruments hyper-compliqués qui font beaucoup de choses pour nous, à notre place : on peut désormais téléphoner a à peu près n’importe qui d’à peu près n’importe où, on peut se trouver connecté quasiment instanément avec le monde entier, toutes ces choses auxquelles même les écrivains de science-fiction les plus imaginatifs n’avaient pas pensé il y a seulement deux décennies. En plus même les lave-vaisselle ne font plus de bruit, de nos jours. Vingt-unième siècle oblige. Mais un mécanisme aussi simple qu’une porte qui tourne et retourne sur ses gonds ne peut s’empêcher de lancer à la cantonnade un gémissement préhistorique ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est vrai, mettre une goutte d’huile lubrifiante, ce serait trop facile. La porte qui grince serait-elle un dommage collatéral de cette surenchère technologique ? Comme quoi, dans la vie, ça ne glisse pas toujours comme il faut !


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