Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?
La science est en crise. Bien que fortement basée sur la technologie (qui dérive de la science), notre société du XXIe siècle ne fait plus vraiment confiance à la science. Le métier de chercheur qui avait toutes ses lettres de noblesse encore il y a peu a perdu de sa prestance en particulier auprès des plus jeunes. Le sacerdoce des études longues et difficiles (même si passionnantes, mais ce critère passe de plus en plus au second plan), de la précarité du jeune docteur, de la faible probabilité d’obtenir un poste académique, du rejet des docteurs par la société, en particulier par les entreprises du privé et du salaire peu attractif en cas de coup de bol et de passage du côté académique font que nombre de jeunes talents préfèrent se tourner vers des carrières moins aléatoires et surtout plus rémunératrices.
De surcroît la recherche scientifique traverse également une crise politique, tout au moins en France, avec une brisure des institutions qui faisaient le fleuron du pays par les gouvernements de droite, et dans la continuité par le gouvernement de gauche actuel. Fin des financements récurrents du CNRS avec l’ANR et ses consœurs, destruction de l’université avec la LRU, mise en route de mammouths administratifs où la tête va encore un peu plus perdre le lien avec les pieds avec les fusions/rassemblements d’institutions : universités, grandes écoles, etc (Idex, PRES COMUEs, le monstre change de nom — de sigle ! — sans pour autant changer son objectif, grimper, coûte que coûte dans le décrié classement de Shanghaï). Les chercheurs trouvaient qu’ils faisaient trop de paperasse ? Qu’à cela ne tienne, on va leur en donner un peu plus. Une myriade de projets à écrire pour obtenir d’hypothétiques crédits afin de simplement pouvoir travailler... Bref, la recherche est bien malmenée en France. Même si François Hollande en avait fait une de ses priorités de campagne, il suffit de voir que le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur a disparu au profit d’un obscur secrétariat d’état pour finalement se rendre compte (trop tard ?) que les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Et malgré tout cela, au sein même de la marge de manœuvre dont les chercheurs disposent encore, la communauté arrive à se rajouter des couches administratives sans qu’on ne lui ait rien demandé.
Prenons par exemple les écoles doctorales. Quand j’ai débuté dans le domaine, en 1998, j’étais alors en DEA (équivalent du Master 2 actuel), les formations en astrophysique d’Île-de-France s’étaient regroupées en une école doctorale, dont le but était principalement de faire respecter la charte des thèses, de vérifier que tout se passait bien au cours de la formation doctorale des étudiants, avec un droit de véto sur certains sujets de thèse proposés, jugés trop fermés ou aléatoires, ou bien sur certains encadrants de thèses jugés peu à mêmes.
Dans la suite, ces écoles doctorales (ED) ont pris une importance phénoménale dont je n’ai pas suivi les tenants et les aboutissants, mais le résultat actuel est une sorte de monstre administratif qui a le pouvoir de distribuer les contrats doctoraux permettant aux étudiants de débuter une thèse. Ce pouvoir est, semble-t-il, très convoité, puisqu’une palanquée de chefs et sous-chefs se le sont répartis. Et l’aréopage ainsi constitué de faire la pluie et le beau temps. Pour un étudiant, obtenir un contrat doctoral est devenu un véritable parcours du combattant, le directoire de l’école doctorale ne faisant plus confiance aux enseignants des Masters pour « noter » et classer les étudiants, ces derniers doivent candidater en plus aux ED, avec dossier et entretien. Entretien devant un jury pouvant rassembler une quinzaine de personnes. C’est dire l’importance du truc ! Avec au final un résultat souvent défiant toute logique que l’on justifiera par d’obscures « décisions politiques » — elle a bon dos, la politique ! —. C’est ainsi que l’on se retrouve avec une étudiante brillante mise au pied du mur, et une autre, bien moins brillante, acceptée, dont l’encadrant de thèse se mord les doigts quelques temps plus tard. Mais de l’autre côté du miroir, le monstre est tout aussi insaisissable, pour avoir un étudiant en thèse dans une équipe, c’est devenu très difficile. Probablement pas dans toutes les équipes, le copinage a lui aussi bon dos (c’est politique !).
Bref, la voie autrefois royale pour obtenir un financement de thèse est devenu un truc immonde dans lequel grenouillent une kyrielle de chefs et de sous-chefs qui se gargarisent d’avoir le pouvoir, oui monsieur, le pouvoir, donc, de distribuer les quelques financements — contrats doctoraux — ministériels. Pour court-circuiter cette hydre malfaisante, il reste des pistes, mais plus chronophages car il faut répondre à des appels d’offre, monter des projets, etc (région, labex, ANR...).
L’ANR... Agence Nationale de la Recherche. Suite aux États Généraux de la Recherche en 2004, le financement récurrent des laboratoires via le CNRS s’est tarit comme une flaque d’eau sous la canicule. Désormais le financement de la recherche se fera pour l’essentiel sur projets via une agence gouvernementale, l’ANR. L’erreur des chercheurs a été de mettre le premier doigt dans l’engrenage. Depuis, ils se sont fait bouffer. Charpie de chercheurs. ANR, labex, idex, ERC, et j’en passe : les agences ou entités qui sont susceptibles de distribuer ce nerf de la guerre, le pognon, se sont multipliées. Mais la possibilité d’avoir un financement ne s’est pas multipliée, loin s’en faut. Par contre le temps passé à rédiger des projets, lui, s’est largement démultiplié. Pour une probabilité de gain minimale.
Prenons l’ANR. Désormais, une demande de financement se fait en deux phases. Un premier écrémage sur un document relativement court. Une première barrière déjà difficile à passer. Puis une deuxième phase, pour les chanceux du premier tour. Il apparaît que le copinage fonctionne à fond : sans connaître untel dans le comité qui sélectionne, aucune chance. C’est un critère comme un autre. On peut faire l’hypothèse que tous les projets qui passent le premier tour sont suffisamment bons (excellent pour employer un terme à la mode dans le milieu) pour mériter quelques tunes [1]. Évidemment, il n’y en aura pas pour tout le monde, sinon ce serait trop facile. D’où le deuxième round. Mais comment définir les critères qui définiront les classements finaux ? À ce niveau on atteint forcément des sommets de subjectivité. Alors le copinage, pourquoi pas, finalement, c’est une manière de départager pas plus idiote que de considérer la couleur des cheveux. Encore que le tirage aléatoire serait infiniment moins chronophage et Ô combien plus juste !
Les chercheurs ne produisent pas de capitaux, mais des articles. Enfin, à la base ils produisent de la connaissance, qu’ils relatent dans des articles, qui sont publiés (ou pas) dans des revues savantes ultra-spécialisées. Mais surtout, avant d’être publiés, ces articles sont revus par des pairs qui jugent ainsi de la pertinence de la nouvelle connaissance soumise à publication. Ce système fonctionnait plutôt pas mal, pour autant que j’en sache, jusqu’à il y a peu. Et c’est là une crise que traverse la recherche au niveau international. Pour résumer le problème, les chercheurs écrivent eux-mêmes leurs articles qu’ils soumettent à une revue pour publication. Mais pour cela, dans nombre de disciplines, la publication dans les revues est payante (pas partout, en astrophysique la plupart des revues sont gratuites pour y publier). Cher. Le travail de revue des pairs auxquels l’éditeur de la revue fait appel selon leur compétence — les « referees » — est quant à lui gratuit, non valorisé, mais très bien accepté par la communauté. Et pour accéder aux articles ainsi publiés, les universités et laboratoires de recherche doivent payer un abonnement. Vous voyez la subtilité ? En gros les chercheurs payent pour accéder à leur travail (et celui de leurs collègues, évidemment), alors qu’ils n’ont pas été rémunérés par la revue, eux, pour lui donner de la matière... Les éditeurs ont trouvé là de braves couillons sur le dos desquels s’engraisser ! La solution est pourtant relativement simple, les chercheurs ont inventé l’internet, ils font déjà eux-mêmes tout le boulot d’édition (mise en page, correction, revue par les pairs, etc) : ils pourraient très facilement se passer des éditeurs carnassiers. Et de publier eux-mêmes en ligne le résultat de leurs travaux.
D’autant plus que ces revues exercent par la suite une véritable pression, puisque il faut publier dans des revues excellentes, revues qui attendent un retour sur investissement (des abonnements à go-go) pour que leurs actionnaires se fassent encore plus de pognon, et donc ne veulent pas publier des recherches qu’elles estiment trop aléatoires ou des noms trop inconnus. La continuité étant vue comme gage de sécurité (financière).
Il y a une nouvelle science née dans les années 1960, à la suite de l’informatisation des bases de données de citations, permettant d’effectuer tout travail de bibliographie nécessaire à chaque recherche (qu’est-ce qui a déjà été fait sur le sujet ?) de manière moins fastidieuse, la bibliométrie, qui s’amuse à quantifier statistiquement le travail des chercheurs à partir de leurs publications. Le problème est que les outils dérivant de cette science sont progressivement utilisés à des fins évaluatives à partir des années 1980 (évaluation des laboratoires, des universités, des pays…) pour aboutir à l’évaluation individuelle des chercheurs au début des années 2000. On en sort du chapeau un « facteur » censé quantifier par un seul nombre la productivité d’un chercheur, le fameux facteur h du nom du physicien (sic !) qui l’a inventé. Il s’agit du nombre d’articles N publiés par un chercheur ayant obtenus au moins N citations. Comme si le travail d’une vie pouvait se résumer en un nombre. Biaisé de surcroît, car non content de faire fi des spécificités disciplinaires : certains domaines ont plus de « visibilité » que d’autres, ce n’est pas pour autant que les chercheurs y sont meilleurs ou moins bons, ils sont également « dangereux. » Comme le qualifie Yves Gingras, dans « Les dérives de l’évaluation de la recherche » : « un exemple simple suffit à le démontrer. Comparons deux cas de figure : un jeune chercheur a publié seulement trois articles, mais ceux-ci sont cités 60 fois chacun (pour une période de temps donnée) ; un second chercheur, du même âge, est plus prolifique et possède 10 articles, cités 11 fois chacun. Ce second chercheur a donc un indice h de 10, alors que le premier a un indice h de 3. Peut-on en conclure que le second est trois « meilleur » que le premier et devrait donc être embauché ou promu ? Bien sûr que non… » (p. 64). Et puis il y a les facteurs d’impact des revues dans lesquelles les chercheurs publient, et puis les classements des universités, le tout avec des critères biaisés et subjectifs. Jusqu’à quand nous soumettrons-nous à cette dictature numérologique ?
Le « publish or perish » qui en découle : publier, publier, publier à n’importe quel prix engendre évidemment des effets pervers, outre le fait que la quantité n’est pas synonyme de qualité, loin s’en faut. Mais cette course effrénée dans une spirale capitalistique infernale provoque des fraudes, tentation de rectifier une image un peu trop imparfaite, de virer un point de mesure qui s’écarte trop de sa « trajectoire, » de bâcler une expérience, de publier des résultats incertains, etc… Les chercheurs sont des humains comme les autres, corruptibles pour parvenir à leurs fins. On voit ainsi des stars prises sur le fait. Le CNRS prend le problème très au sérieux, mais en aval.
Si on revenait à un système de recherche qui prend son temps ? Qui prend le temps de chercher, de trouver, de produire de la science de qualité et non plus seulement de la quantité à la saveur fade ? La recherche embraye le pas au capitalisme débridé. L’individualisme reprend le pas sur le collectif, tout le monde veut être chef — volonté de reconnaissance oblige — d’où la multiplication des structures administratives paralysantes et pas seulement imposées par nos gouvernements, nous sommes aussi capables d’en créer ex-nihilo de nous-mêmes !
Refuser la dictature des éditeurs de revues scientifiques, refuser la dictature des écoles doctorales, refuser la dictature des agences de financement qui veulent piloter la recherche par copinage, refuser le « publish or perish, » venir ou revenir à une recherche qui prend le temps de trouver. Qui mise sur la qualité plutôt que la quantité.
Bref, la politique gouvernementale française en matière d’enseignement supérieur et de recherche est pitoyable, il faut lutter fermement contre cette destruction en règle ne serait-ce que pour préserver l’avenir du pays [2] ; mais les chercheurs eux-mêmes, tout masochistes qu’ils sont, s’infligent encore plus de coups de bâtons qu’on ne leur en donne ! C’est tout à fait paradoxal ! On pourrait aussi s’ingénier à se simplifier la vie dans l’espace de liberté qui nous est royalement encore malgré tout accordé, plutôt que de s’en rajouter une couche !
[1] Encore que : ayant soumis récemment un projet qui s’est heurté au mur du premier tour, le rapport que l’on m’a fait parvenir était pathétique : cinq « pairs » avaient lu et évalué notre prose, selon trois critères. Au regard de l’écart entre les notes obtenues pour chacun des critères (allant grosso modo de 0 — c’est nul — à 5/5 — c’est génial —), je me demande quelle objectivité on peut en tirer ? La conclusion évidente est que j’aurais bien aimé connaître la discipline de mes « juges » soi-disant experts !
[2] D’ailleurs, malgré le travail de Sciences en Marche sur la niche fiscale du Crédit Impôt Recherche, pourtant largement médiatisé, le gouvernement a tout simplement enterré le sujet avec le rapport. Le collectif s’apprête donc à de nouvelles manifestation dès cet été. Je tenterai ainsi avec quelques scientifiques alpinistes d’aller planter le drapeau Sciences en Marche au sommet du Mont Blanc, fin août, si la chose vous tente, contactez-moi !
Guillaume Blanc
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?20 juillet 2015, par Mike
En tant que doctorant en seconde année de thèse, j’aimerais juste ajouter un avis un peu en désaccord avec le votre sur le sujet de l’école doctorale. J’ai passé le concours pour obtenir une bourse ministérielle et notamment l’épreuve de présentation orale + rapport. Bien qu’il s’agisse d’un des exercices les plus difficiles auquel j’ai été confronté, il a été particulièrement enrichissant dans mon cas. Je ne peux guère discuter des copinages présents dans mon ED, cependant j’aurais tendance à penser qu’ils ne sont pas si présents que ça dans la mienne (c’est peut être faux cependant). Dans l’absolu je trouve l’idée du concours bonne, ne serait-ce car il permet de pouvoir comparer les étudiants sur leurs connaissances d’un sujet et leur motivation, ce qu’un relevé de note de master ne saurait guère refléter. Un exemple simple est une thésarde actuelle dans mon laboratoire dont les notes n’étaient pas exceptionnelles mais qui figure maintenant comme une (presque plus) étudiante à la pointe de son milieu, et dont les capacités ne sont franchement plus à démontrer. Bien évidemment cela ne discrédite pas l’aspect nuisible des copinages que vous décrivez, cependant il serait dommage de voir cet aspect (le concours, pas le copinage) comme uniquement négatif.
Pour le reste je ne peux pas vraiment en discuter, je manque encore d’expérience. Le système des journaux est bien connu depuis des lustres et le cercle vicieux entretenu par les éditeurs ne peut être aboli, à mon avis, que par une coordination internationale. Reste à voir si une telle condition peut être obtenue. Cet aspect monolithique est cependant un peu secoué dans différents journaux (exemple), surtout en période de crise comme à l’heure actuelle.
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?20 juillet 2015, par Guillaume Blanc
Merci pour ce témoignage.
À propos du concours des écoles doctorales, je ne peux pas en dire grand-chose à propos du contenu, puisque je ne suis pas dans ces jurys et je ne l’ai pas passé. Mais si vous dites qu’il vaut mieux juger sur des connaissances {a priori} sur un sujet non maîtrisé (comme c’est le cas avant de commencer une thèse), plutôt que sur des notes de master, pourquoi pas, mais ça me paraît tout aussi subjectif que de poser des questions de géographie pour une thèse en physique ! En revanche, oui, la motivation peut-être prise en compte lors d’un entretien, mais ça ne doit pas être la seule variable.
Le problème posé par la sélection n’est pas facile, et il n’existe pas de manière de sélectionner de manière purement objective. Effectivement, comme vous le dites, quelqu’un peut être à côté du cadre encore scolaire du master et révéler ses talents cachés dans la recherche (et vice versa, les deux extrêmes se voient). Je ne pense pas qu’un concours d’école doctorale puisse détecter ça {a priori}. Mais il y a toujours des exceptions...
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?20 juillet 2015, par Mike
Merci pour votre réponse. J’ai omis de le préciser mais l’allocation de bourses dans mon ED ne dépend pas uniquement du concours mais repose aussi sur les notes de master (avec un barème 50/50) si l’étudiant vient d’un master de l’université locale. Les étudiants provenant d’un autre cursus ou université passent l’épreuve orale, mais disposent d’un nombre restreints de bourses allouées uniquement pour eux. De plus les notes sont calibrées en fonction des résultats de l’ensemble des élèves de chaque master afin d’éviter qu’une formation « plus facile » soit privilégiée.
Dans un second temps votre commentaire est intéressant car le sujet présenté par les étudiants est à 95% une présentation de la continuation de leur stage de master. Rares sont ceux, comme vous le disiez, qui présentent un sujet sur lequel ils n’ont pas travaillé en master, et étant donné la difficulté du concours, ces étudiants sont très désavantagés par rapport aux autres. Cela reste malheureusement inévitable. Outre cet aspect là, le point le plus inégalitaire, mais que je trouve bon dans un sens, est le fait que la chance de réussir le concours dépend énormément de la préparation à ce concours, et donc aussi beaucoup de l’équipe dans laquelle on est. Je trouve ça bon dans le sens où généralement les équipes qui préparent bien leurs étudiants au concours ont tendance à continuer durant la durée de la thèse. C’est cependant malheureux car d’expérience, c’est parfois un jeu de hasard pour l’étudiant. Car même si il est souvent dit que celui-ci ne doit pas choisir son laboratoire de stage au hasard, il se révèle particulièrement difficile de connaître de manière objective la mentalité des membres d’un laboratoire, ce qui peut parfois à mauvais titres, vous rendre la tâche bien plus ardue pour le concours.
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?20 juillet 2015, par Guillaume Blanc
Il y a donc du bon dans ces concours d’ED. Mais sont-ils vraiment nécessaire ? Car il n’empêche que cela rajoute des couches administratives (chef, sous-chef, jury, personnel administratif, dossier à faire, concours à préparer, etc) dans un système qui en comporte déjà pas mal (ESR) ; mon propos dans mon article est qu’il serait bon de simplifier les choses (globalement) plutôt que de leur ajouter de l’entropie...
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?18 juillet 2015, par François
Voudrait-on sérieusement des postes académiques pour chaque docteur formé ?
Au-delà de cette boutade, même en envisageant le meilleur scénario, ce n’est pas tenable politiquement. La marge de manœuvre est même plutôt fine. On veut un meilleur budget, un meilleur marché de l’emploi pour les acteurs de la recherche, certes, c’est louable. Pourtant cela n’invalidera pas le fait que la grande majorité des docteurs formés par les Universités ne trouvera simplement pas d’emploi dans l’enseignement supérieur et la recherche. D’autant plus que des docteurs, on en a formé beaucoup ces dernières années, ce qui est paradoxal compte tenu de la précarité structurelle (et pas simplement conjoncturelle) qui les touche en France. Pourquoi, alors ?
Sous Lionel Jospin (début des années 90), le nombre d’allocataires de recherche a doublé, la panacée pour les labos ! Se souciaient-ils de leur devenir 5,10, 20 ans plus tard ? Que nenni. Le monde académique est simplement un bateau qui vogue dans l’ici et dans le maintenant, qui a besoin de bras pour faire tourner la boutique, se souciant peu des marins qui carburent en fond de cale, et si besoin qu’on remplace à chaque accostage. Caricatural ? A peine…Curieux qu’un secteur socio-professionnel aussi véhément sur la précarité l’exploite à fond sans sourciller. Si l’expression « tout travail mérite stagiaire » devait prendre tout son sens, c’est bien dans le monde des labos. Sans compter les post-docs cumulards expatriés avec famille dans un pays étranger (pas par choix de vie personnel), demi-ATER payés systématiquement en retard avec des fonds de tiroir, les CDD répétitifs de 10 mois avec deux mois de chômage, le travail dissimulé financé par les droits du chômage, etc. Une entreprise privée se comporterait ainsi, on s’étranglerait.
Comme vous le soulignez, le discours officiel s’appuie sur ce terme de plus en présent « d’Excellence », avec ces chercheurs « formés par la recherche et à la recherche », mobiles internationalement, porteurs de projets insatiables, multi-publiants…bizarrement, ça se traduit in fine par des docteurs de plus en plus vieux toujours en CDD, par un nombre croissant de non-permanents, par des dizaines de candidats sur un seul poste. Avec parfois des situations cocasses où l’on a des candidats mieux qualifiés que les membres du jury censés les évaluer, ces mêmes jurys intransigeants sur une manque notable de publications. Et dans ce même temps, on déplore la précarité et le manque d’attractivité de la Science…on marche sur la tête !
Alors oui, je suis d’accord à 100 % : il est utile je pense de lutter contre la dictature de la publication (et des éditeurs), des travers de la recherche sur projets, de critiquer la politique gouvernementale qui n’a pas respecté son engagement. On veut tous des « pépettes pour les pipettes » car les « Post-docs en colère, y en a marre de la galère ». J’ai connu ces slogans. J’en suis un peu las, vous le devinez.
Cependant souhaite-t-on réellement embarquer des jeunes étudiants dans cette course à l’échalote du poste académique, dans cette galère monumentale pour ceux qui se réorientent professionnellement avec l’étiquette « docteur » ? Pour ces derniers, c’est une pratique courante que d’user de périphrases telles que « Chargé (e) de projet scientifique » ou « chercheur contractuel » pour remplacer le terme « docteur », catalogué « étudiant longues études surqualifié » par les RH. Un tel niveau d’indigence, que j’ai personnellement expérimenté, est affligeant. Mais c’est la réalité, loin des discours officiels et des story-telling des services de comm’.
Cette désertion des étudiants, réticents à se lancer dans une carrière de chercheurs, est logique voire une attitude saine. Le monde de la recherche académique est tellement abîmé, tellement schizophrénique et en effet tellement masochiste qu’il vaut mieux le laisser là où il est, de laisser ses acteurs continuer à s’écharper gentiment sur l’ANR/IDEX/BIDULEX, d’écrire des chartes qui n’engagent personne légalement, de ne pas se mettre à la table des débats sans fin sur « les docteurs vs. les ingénieurs » (très franco-français), sur le statut inintelligible du doctorant (à la fois étudiant et salarié), du post-doc en France ou à l’étranger, des compétences transversales largement ignorées par les RH, du docteur « qui manque d’esprit d’entreprise »…
Bref, je serai radical en conseillant avec sagesse aux étudiants –qui seraient tentés– de ne pas remplir cette armée toujours plus grande de larbins payés d’espérance dans les labos publics. Je conseille à ces étudiants de refermer très lentement la porte sur ce petit microcosme, sans la faire grincer, et de partir en courant, sous peine d’astiquer les cuivres du Titanic.
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?20 juillet 2015, par Guillaume Blanc
Merci pour votre message, même s’il est d’un noir pessimisme. Je suis d’accord que la formation de docteurs qui restent ensuite sur le carreau est plus que problématique. D’ailleurs les écoles doctorales plutôt que de rajouter des barrières à l’accès aux thèses devraient surtout se concentrer sur le devenir des docteurs. Quant a l’étroitesse de vue des RH dans le privé, il y a la position pessimiste qui consiste à dire OK, alors arrêtons d’envoyer des docteurs dans le privé, et l’attitude optimiste qui consiste à expliquer à ces RH la valeur ajoutée des docteurs. Ce dernier état d’esprit est certes plus long à atteindre mais plus efficace à terme. D’autant que le docteur est déjà valorisé comme tel dans d’autres pays (Allemagne, USA...), tout n’est donc pas perdu. Il est vrai que la France a le problème de ses Grandes Écoles et de ses ingénieurs, système à deux vitesses. Peut-être que les réformes en cours actuellement auront au moins l’avantage de réduire l’écart entre université et Grandes Écoles, d’autant que la première imite les secondes en construisant des écoles d’ingénieurs universitaires, et les secondes imitent la première en construisant des masters. Quand tout cela sera bien mélangé, il faudra secouer fort ! Reste qu’à l’heure actuelle je ne sais pas trop quoi conseiller à un jeune qui veut se lancer dans la recherche. J’ai tendance à lui dire de faire une thèse, parce que j’ai moi-même trouvé ça passionnant, même si je savais que les places académiques étaient chères. Elles le sont évidemment toujours. Mais faire une thèse reste une expérience extraordinaire du moins en sciences dures. Et je pense que les docteurs qui ne trouvent pas de postes académiques n’ont pas de trop grandes difficultés à trouver du travail ou bien à se réorienter. Certes la recherche traverse une crise actuellement, comme évoqué dans l’article, mais rien ne dit que lorsque ces jeunes auront terminé leur thèse ce sera toujours le cas, alors...
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En résumé, c’est une crise économique, financière, civilisationnelle, de capacités créatrices17 juillet 2015, par Julie Péréa
Ne faut-il pas changer tout le système au niveau international ? J’ai participé aux travaux de la conférence internationale intitulée « Rebâtir le monde à l’ère des BRICS » de l’Institut Schiller à Paris les 13-14 juin 2015. D’éminents représentants de 3 des 5 pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et de leurs alliés étaient présents. Objectif de cette conférence qui rassembla près de 500 personnes : faire souffler en France et en Europe le vent de progrès qui nous vient des BRICS et de leurs alliés, face à un ordre international qui n’a plus rien d’autre à offrir que le retour des Empires, la guerre de tous contre tous et le pillage systématique des peuples et des biens publics. Dans le collimateur de cette conférence également, le malthusianisme véhiculé par les thèses du réchauffement climatique et la COP21, ennemi juré du développement des BRICS et du reste de la planète. Le but de la science n’est-il pas de découvrir les principes physiques qui permette d’accueillir dans de meilleurs conditions les générations à naître ? Contrairement au monde transatlantique (Usa, Europe), les BRICS et leurs alliés estiment que l’avenir de l’Humanité se trouve dans la découverte de nouveaux principes physiques qui régissent notre galaxie et l’univers ; ils considèrent que la vraie richesse est la capacité créatrice de l’Humanité. (je vous conseille particulièrement le dernier panel sur la culture/science) Les BRICS (pas seulement) mettent en place les structures de financement des futurs projets quand le monde transatlantique ferme les robinets, sauf pour les secteurs qui conduisent à la dépopulation sur le long terme. Les dirigeants des pays émergents ont une culture scientifique qui fait défaut à nos classes dirigeants en Europe, sinon pourquoi ont-ils encore imposé un énième plan d’austérité à la Grèce détruisant ainsi ce qui reste de son outil de production et condamnant sa jeunesse ??!! Les problèmes évoqués dans l’article ne se résoudront pas du jour au lendemain. Ne faut-il pas s’attaquer à la cause plutôt qu’aux symptômes décrits dans l’article ? Tous les chercheurs ne se battront pas, seuls comptent ceux qui parmi vous sont déterminés à changer les choses ... pour les prochaines générations de chercheurs. La Science en Marche !!
Julie Péréa, citoyenne engagée julie-perea hotmail.fr @julieperea1
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En résumé, c’est une crise économique, financière, civilisationnelle, de capacités créatrices17 juillet 2015, par Guillaume Blanc
Merci pour ce commentaire. Pour préciser, je ne crois que « les thèses du réchauffement climatique et la COP21, ennemi juré du développement des BRICS et du reste de la planète » soient justement l’ennemi juré du développement. Au contraire, il s’agit de mettre en place un développement différent du modèle qui est celui des pays occidentaux à l’heure actuelle. Et je ne pense pas que la décroissance appelée par certains y puisse quelque chose, en revanche le développement scientifique et l’innovation, oui. Quoiqu’il en soit, et que ça plaise ou pas aux BRICS, il va falloir faire quelque chose pour infléchir le réchauffement climatique. Mais je crois que des pays comme l’Inde et la Chine l’ont très bien compris, même si les effets ne sont pas encore visibles.
Et je suis d’accord que la science n’a pas le vent en poupe parmi les dirigeants occidentaux, et en particulier en France. Néanmoins l’objet de mon article était l’espace de liberté que les chercheurs ont et qu’ils s’évertuent à détruire eux-mêmes. Et redresser la barre sur les points que je mentionne, personne ne pourra le faire à leur place.
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?16 juillet 2015, par bcy
Je pense que tous les doctorants dans les sciences « molles » aimeraient être financés par un contrat doctoral ! Cependant, dans sa forme actuelle, il n’est pas adapté, puisque 3 ans est en général trop court. D’ailleurs, beaucoup de financements se règlent sur cette durée des trois ans, ce qui donne lieu au problème récurrent du financement dans la quatrième année, et aux abandons qui vont avec. Il faut aussi que l’université ait assez de personnes ayant une HDR pour diriger des thèses sans qu’il n’y ai trop d’étudiants par directeur ; or, la sélection en sciences humaines est féroce après la thèse, ce qui mécaniquement donne peu de directeurs pour beaucoup de thésards. Bref, pour faire le ménage, encore faudrait-il avoir les moyens de se procurer les ustensiles nécessaires. Les sciences humaines souffrent d’un manque de reconnaissance, ce qui n’aide pas à obtenir des financements, les fait passer en premier dans les coupes budgétaires, en dernier pour le reste. Même dans Sciences en Marche elles étaient reléguées au second plan.
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Et si les chercheurs (re)prenaient leur destin en main ?16 juillet 2015, par Guillaume Blanc
Je ne peux pas épiloguer trop longtemps sur le sujet, que je connais mal. Néanmoins, si les sciences humaines forment trop de docteurs par rapport à l’encadrement disponible, il y a aussi là des questions à se poser. Quant à la durée du contrat doctoral, si les étudiants n’ont pas besoin d’avoir un travail salarié à côté pour vivre, la thèse doit pouvoir se faire en 3 ans, non ? Pour les ustensiles nécessaires pour faire le ménage, il suffit de se les donner, avec certes, une dose de volonté. Et si les sciences humaines sont décriées n’est-ce pas à cause de toutes les casseroles qu’elles baladent ?
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