Le paradoxe des dates d’anniversaire
Notre esprit est peu à même d’estimer la probabilité d’occurences d’événements. Il est le siège d’un certain nombre de biais dits « cognitifs », des erreurs de raisonnement, qui faussent notre jugement. Notre raisonnement intuitif (le système 1 selon Daniel Kahneman [1]) fait un certain nombre de raccourcis pour interpréter le monde en permanence, des « heuristiques », opérations mentales automatiques qui fonctionnent dans la quasi-totalité des cas, mais qui nous amènent à tomber dans un certain nombre de pièges dans certains cas, quand le cerveau (système 2) du raisonnement réfléchi ne prend pas le relais suffisamment rapidement. L’estimation des probabilités fait parti de ces écarts. Ainsi des événements peuvent nous paraître très improbables alors qu’en réalité ils sont suffisamment probable pour avoir lieu. Cela donne lieu à des interprétations fantaisistes faisant appel à l’extraordinaire, alors qu’en fait, un (plus ou moins) simple calcul de probabilité permet de faire la lumière. Ainsi en est-il du paradoxe des anniversaires.
Ne nous paraît-il ainsi pas très improbable que dans un groupe de taille raisonnable, comme un groupe de travaux dirigés à l’université composé typiquement d’une vingtaine d’étudiants, on trouve deux personnes dont l’anniversaire tombe le même jour ?
Je fais l’expérience depuis deux ans avec un groupe d’environ vingt-cinq étudiants (plus moi), et ça fonctionne à tous les coups !
Calculons donc la probabilité pour que deux personnes au moins, dans un groupe de N personnes, aient leur anniversaire le même jour. Pour cela, il faudrait calculer la probabilité que 2 personnes seulement parmi les N du groupe aient leur anniversaire le même jour, que l’on ajoute à la probabilité que 3 personnes seulement aient leur anniversaire le même jour, que l’on ajoute à la même probabilité que 4 personnes, sans oublier les couples qui peuvent avoir leur anniversaire le même jour, les triplets, les quadruplets, etc. Il est plus simple de considérer le cas complémentaire : la probabilité qu’au moins 2 personnes dans un groupe de N personnes aient leur anniversaire le même jour plus la probabilité qu’aucune personne dans un groupe de N n’ait son anniversaire le même jour doit être égal à un : on considère toutes les occurrences possibles, la probabilité résultante est donc de un, certaine. On peut ainsi, pour résoudre notre problème, calculer plutôt cette probabilité complémentaire, à savoir celle qu’aucune personne dans un groupe de N n’ait son anniversaire le même jour.
Considérons la première personne du groupe, elle a 365 possibilités pour son anniversaire. Comme on veut qu’aucune personne du groupe n’ait la même date, la deuxième personne a donc 364 possibilités. La Nème personne n’a donc plus que possibilités. Le nombre de possibilités pour l’ensemble du groupe est donc :
Comme l’ordre dans lequel chaque personne « choisit » sa date anniversaire importe peu, il faut diviser ce nombre de possibilités par le nombre total de possibilités, et pas seulement celles concernant les dates différentes. Comme au total chaque personne a 365 choix, pour N personnes, cela fait donc possibilités.
Donc la probabilité que personne n’ait son anniversaire le même jour est :
soit :
Donc la probabilité cherchée, à savoir celle que deux personnes au moins aient leur anniversaire le même jour est :
Le tableau suivant donne quelques valeurs de cette probabilité :
Et le graphique suivant montre la courbe correspondante en fonction du nombre N de personnes dans le groupe.
On constate ainsi qu’il n’est pas du tout improbable que deux personnes (au moins) aient leur anniversaire le même dans un groupe de vingt ou trente personnes. Il faut donc se méfier de nos intuitions surtout en matière de probabilités !
Le document suivant reprend ce calcul et propose d’aller plus loin :
[1] « Système 1, système 2 : les deux vitesses de la pensée, » Daniel Kahneman, 2011.
Guillaume Blanc
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