Les tribulations d’un (ex) astronome

Sur la négation de la transmission aéroportée du covid par les autorités

samedi 5 mars 2022 par Guillaume Blanc

Cela fait quasiment 2 ans (en fait depuis juin 2020, soit 19 mois) que la communauté scientifique sait que le covid se transmet essentiellement de manière aéroportée, c’est-à-dire par l’intermédiaire de très fines gouttelettes émises par la respiration et la parole, les aérosols. Aérosols qui ont la particularité de rester en suspension dans l’air d’une pièce pendant très longtemps tout en diffusant dans les moindres recoins, tel un parfum ou la fumée de cigarette. Cela fait à peu près aussi longtemps (depuis septembre 2020) que la communauté scientifique sait comment se prémunir de ce type de transmissions, en ventilant les pièces où sont susceptibles de se trouver des personnes infectées, pour diminuer la charge virale en présence : en filtrant l’air (filtres Hepa), ou en augmentant les débits des ventilations, ou bien en provoquant une ventilation naturelle en ouvrant portes et fenêtres. La communauté scientifique sait même comment vérifier si une pièce est bien ventilée, donc avec très peu de risque de contamination, ou pas, donc avec de hauts risques de contamination : en mesurant le taux de CO2. C’est simple et pas cher (en tout cas moins que tous les autres efforts déployés inutilement, comme les hectolitres de gel hydro-alcoolique dont nous nous sommes badigeonnés pendant un bon moment).

Malgré cela, malgré des rapports exhaustifs et chiffrés, malgré des articles et des tribunes dans la presse grand public (Le Monde et cie), la ventilation reste une affaire d’initié (non, ouvrir 15 min la fenêtre toutes les heures, comme indiqué sur tous les protocoles encore récemment — y compris dans mon université en septembre 2021 ! —, n’est pas du tout suffisant !) et le capteur CO2 est toujours un objet ésotérique ou pour le moins incongru. Tout cela n’est pas du tout rentré dans les mœurs. Il faut encore user d’explications et de pédagogie pour sortir un tel capteur CO2 au milieu d’un dîner sans passer pour un doux-dingue. Il faut déployer des trésors de diplomatie pour ouvrir la fenêtre en plein mois de janvier, février ou mars, sans se faire traiter d’assassin au coup de froid.

Et puis parfois, de guerre lasse, on baisse les bras ou la garde. Et ça ne pardonne pas.

Vacances de février, j’organise un stage de ski de rando avec un copain. Quatre jours en gîte en montagne. Dans les parties communes, le masque est plus ou moins de rigueur, je garde mon FFP2 sur le nez (et la bouche). Dans la pièce où l’on discute, je vérifie le taux de CO2 avec mon capteur. J’ouvre la fenêtre de temps en temps. Par contre, dans le réfectoire, difficile, nous n’y sommes pas seuls, il y a d’autres groupes : fin février à 1600 m d’altitude en montagne, l’air extérieur est frisquet, une fenêtre ouverte se remarque tout de suite… Je n’ose même pas sortir le capteur CO2. Un des copains propose de regarder quand même. Je parie sur 2000 ppm. 2300 ppm ! Pas loin ! Une trentaine de personnes dans la pièce en train de manger et discuter avec véhémence, ça respire à fond. Je n’ose pas ouvrir la fenêtre… Deux jours plus tard, une petite toux se déclenche. Un sérieux doute m’assaille. Autotest négatif trois jours plus tard, en revenant chez mes parents. Ouf, simple rhume. Pas de symptômes sérieux, l’inquiétude s’évanouit. Six jours plus tard, quatre jours après les premiers symptômes, des amis viennent déjeuner. Toujours quelques symptômes. Ma femme m’enjoint de me tester, pour vérifier. Je suis confiant, et pourtant le test est positif. Merde. Des mois d’efforts en jonglant notamment avec l’école au protocole abscons et surtout inefficace (notre fille n’allait plus à la cantine depuis plusieurs mois et portait des masques FFP2 systématiquement en classe), en faisant très attention en permanence, viennent d’être réduits à néant. Je m’isole dans la chambre, ma femme m’apporte à manger sur un plateau. Le lendemain, nous partons nous confiner cinq jours en montagne, au grand air, seuls. Au retour, je suis négatif, elle est positive. À mon tour de lui porter des plateaux repas.

J’ai lutté avec ma famille pour éviter certaines bêtises à différentes étapes de l’épidémie, j’ai failli me fâcher avec certains pour éviter d’être contaminé et que mes parents soient contaminés (y compris avec eux, qui ont tendance à minimiser la gravité de la maladie), et finalement, j’ai apporté moi-même le covid sous leur toit.

Tout ça parce que la transmission aéroportée de ce virus n’est pas rentrée dans les mœurs, malgré les efforts incroyables déployés par la communauté scientifique depuis plus d’un an. Cette négation d’un fait scientifique avéré a induit des dizaines de milliers de morts (le décompte exact sera probablement effectué a posteriori), de malades en réanimation, de covids longs, etc. Qui auraient pu être simplement évités.

Le gouvernement du pays est responsable de cet épouvantable gâchis. La science n’est certes pas son fort, malgré les gesticulations de E. M. épidémiologiste 1er, mais l’humilité non plus. L’arrogance de croire tout savoir sur tout tue. Faire confiance aux docteurs Folamour médiatiques plutôt qu’aux faits, tue. Ne pas comprendre comment la connaissance scientifique se construit, tue.

Le gouvernement est responsable, mais personne ou presque ne le sait, puisque personne, ou presque, ne sait comment se prémunir de la transmission aéroportée du covid (en dehors du port du masque — et encore l’efficacité du masque FFP2 est niée malgré l’évidence des faits par le Haut Conseil de Santé Publique). De fait, Emmanuel Macron caracole en tête des sondages pour la présidentielle avec près d’un tiers des intentions de vote au moment où j’écris ces lignes.


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