J’avais vaguement vu les affiches qui ornent timidement certains panneaux parisiens. N’étant pas du tout du tout au fait de ce qui se fait en terme de compétition d’escalade, j’avais coincé l’information dans une zone (largement) périphérique de mon cerveau. Championnats d’Europe d’Escalade, du 15 au 18 octobre 2008. Et puis la possibilité de gagner des places offertes par la FFME sur camptocamp (c2c) a ravivé la chose : après tout, le Palais Omnisport de Paris-Bercy (POPB) est à cinq minutes en vélo de chez moi ; ce serait peut-être l’occasion d’aller voir à quoi ressemble une compétition d’escalade de haut-niveau... Je joue le jeu sur c2c... Et puis épluchant régulièrement les nouvelles verticales, je tombe sur un concours organisé sur PlanetGrimpe. Une question par jour, un tirage au sort pour gagner des places. Je joue le jeu. Les question sont simples surtout avec Google. J’apprends des trucs. Je m’imprègne. Mais le tirage au sort ne veut pas de moi. J’espère donc que camptocamp aura un ou deux places pour moi. Dans l’intervalle un groupe de gumistes se forme pour aller voir la finale samedi. Je m’y agrège. Finalement, peu de camptocampeurs répondront à l’appel, donc j’aurais droit à quatre entrées, deux pour le vendredi soir, finale bloc homme, finale difficulté femme et finale vitesse femme et deux pour le samedi soir, finale bloc femme, finale difficulté homme et finale vitesse homme.
Vendredi, à peine mon cours d’optique terminé, Claire me rejoint et on pédale jusqu’au POPB. Je récupère mes deux invitations, et c’est parti. Un peu en retard, la finale bloc homme est commencée. Le premier bloc entamé. On se laisse prendre au jeu, le suspense est parfois intense, les mains deviennent moites quand le bonhomme en chie, c’est la déception quand il tombe, le bonheur quand il « tope » le sommet du bloc. Ils auront quatre blocs à grimper. Ils passent chacun leur tour sur chacun des blocs. Ils ont quatre minutes pour le réussir. Le vainqueur est celui qui a réussi le plus de blocs, puis celui qui a fait le moins de tentatives... Un français, Jérôme Meyer, couronne la discipline.
Ça grimpe sur la musique à fond, avec un présentateur qui fait parfois ce qu’il peut pour meubler.
Tout cela est passé très vite. Petite demi-heure de pause, le temps d’aller se trouver un sandwich, aussi cher qu’il est vite avalé. POPB oblige. Impossible de sortir pour re-rentrer.
Et puis arrive l’épreuve reine, la finale femme de difficultés. Un mur de quinze mètres de haut, une voie d’une vingtaine de mètres de développé, un toit qui surplombe d’une dizaine de mètres. Là-dessus, des prises vissées marquent le chemin. Les finalistes n’ont droit qu’à un seul essai, elles grimpent en tête en mousquetonnant les dégaines au fur et à mesure de leur progression. Quand elles tombent, c’est terminé : celle qui va le plus haut a gagné. Elles ont huit minutes pour arriver le plus haut possible. Une petite autrichienne de 16 ans avec une bonne tête de moins que les autres sera la seule à sortir la voie... Johanna Ernst, une gamine qui n’était même pas née quand je passais mon bac !
Sans transition, ou presque, on enchaîne sur l’épreuve de vitesse. Un mur, deux voies strictement identiques en parallèles. Cette fois les grimpeurs grimpent en moulinette, assurés par le haut, le but du jeu est d’arriver en haut le plus vite possible. Le mur est homologué et trône dans les salles d’entraînement des européens de l’est, c’est pourquoi ils dominent la discipline. Seule une hollandaise viendra mettre un accent occidental dans une belle brochette orientale. La musique a changé, c’est désormais sur fond de techno que les araignées s’envolent...
Les grimpeuses volent littéralement de prise en prise sur le mur. Une douzaine de secondes pour atteindre le haut du mur, d’une difficulté de 6b/6c, donc dans lequel je ne serais même pas capable de décoller... C’est impressionnant le premier coup, mais en vérité ça devient vite lassant, car c’est finalement toujours la même chose. Le spectateur se lasse de la répétition. Sauf quand deux candidates arrivent au sommet exactement en même temps au centième de seconde près : un peu de piment dans la sauce !
Samedi, belle journée ensoleillée, cette fois c’est à mon tour d’aller grimper un peu, sur les blocs oranges et bleus du Potala dans la forêt des Trois Pignons. Mais je reviens de bonne heure pour rejoindre les copains du GUMS et retourner au POPB. Beaucoup plus de monde que la veille.
La soirée se déroule dans le même sens, seuls les genres sont inversés : les hommes ont cédé la place aux femmes, et les femmes aux hommes. Le mur pour l’épreuve de difficulté semble seulement avoir moins de prises. Hier on flirtait avec le 7c/8a, aujourd’hui on est dans le 8b+/8c. Un truc de fous. Et c’est beau, très beau. Des mouvements incroyables. Aucun ne sortira la voie, et le podium se jouera sur deux prises successives. Le vainqueur, l’espagnol Patxi Usobiaga, a touché la 44e prise, le deuxième a pris la 43e, tandis que le troisième l’a seulement effleurée... Et depuis sa victoire, Patxi Usobiaga s’est offert « Action Directe » un 9a mythique en Allemagne (il avait déjà épinglé « Biographie » à Céüse, autre 9a+ mythique, en 2004).
Je me demande comment font les ouvreurs dans ce genre de compétition de très haut niveau pour créer des voies qui permettent de discriminer les concurrents de manière objective, sans que tout le monde arrive en haut, et sans que tout le monde ne tombe sur la même prise. Des voies très difficiles que eux-mêmes — les ouvreurs — ne sont théoriquement pas capables de faire. Je suppose qu’il faut avoir une subtile connaissance des degrés de difficulté qui me laisse admiratif.
L’épreuve de vitesse allait encore plus vite : une poignée de secondes après avoir décollé du sol, ils touchaient déjà le sommet de la voie...
J’en ressors avec le sentiment d’avoir vu quelque chose d’authentiquement beau et léger : spectaculaire. À ce niveau-là, la gestuelle est belle, le grimpeur semble littéralement s’affranchir de la lourdeur de la pesanteur ! J’y suis allé par pure curiosité, je ne sais pas si j’aurais payé une entrée plein pot pour ça, toujours est-il que la proximité de la chose doublée d’une invitation firent s’envoler les diverses questions existentielles.
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