Les tribulations d’un (ex) astronome

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Peurs et croyances

samedi 8 novembre 2014 par Guillaume Blanc

Il est tout de même des choses particulièrement incroyables au cœur de notre XXIe siècle. Comment des gens peuvent-ils avoir peur des ondes électromagnétiques, croire que la Lune fait pousser les champignons ou que l’on peut construire des machines qui produisent de l’énergie à partir de rien ?

Ce XXIe siècle pourtant complètement dominé par les applications technologiques des découvertes scientifiques des siècles précédents — enfin surtout DU siècle précédent —, semble être (est ?) la proie d’un mouvement de croyances irraisonnées aussi peu crédibles les unes que les autres. Peut-être doit-on voir là une réaction à la peur de la technologie ? Le « nucléaire » fait peur, les OGM font peur, les ondes électromagnétiques générées par les communications font peur, les nanotechnologies font peur. Bref, comme de tout temps, finalement, ce que le commun des mortels ne comprend pas fait peur.

Avant on expliquait l’inexplicable par la présence bienveillante d’un Être Suprême, qui tenait les ficelles de la nature. Dieu, en somme, ou quelque chose d’équivalent selon les sociétés et les peuples de part et d’autre de la planète. Quelques humains s’autoproclamaient comme autorité du Dieu en question et agissaient selon leur bon vouloir en son nom. Ainsi quelques hérétiques déclarés tel, car en dehors de la pensée unique du moment, sont passés sur le bûcher ou par la croix. Le pouvoir de ces humains s’est petit à petit réduit comme peau de chagrin au fur et à mesure des progrès de la science, réduisant ainsi les prérogatives des « dieux » : comme elle réussissait à expliquer les œuvres de la nature à partir d’un ensemble de lois relativement simples, la part du surnaturel se réduisit d’autant. Le Dieu explicatif n’avait plus lieu d’être. Certes, il existe toujours, sous une forme ou sous une autre, il reste rassurant, mais a priori il n’est plus là pour expliquer.

Si la science se contente de comprendre et d’expliquer la nature et le monde qui nous entoure, la technologie, en revanche n’est que l’apanage des hommes qui utilisent les lois découlant de leur compréhension du monde afin d’améliorer leur confort et leur qualité de vie. La technologie n’est finalement que ce que les hommes veulent bien en faire. Le bien ou le mal. À dessein ou pas. Parfois la frontière entre les deux n’est pas nécessairement très nette, il est vrai. On croit œuvrer pour le bien de tous, et finalement, on prend un méchant retour de bâton, comme un petit réchauffement climatique...

Par exemple, ce que l’on regroupe improprement et généralement sous le patronyme de « nucléaire » fait évidemment appel à la technologie issue de la science physique qui étudie l’intimité de la matière, le noyau des atomes. D’où l’adjectif nucléaire. Cette technologie au spectre vaste sert tout aussi bien à vaporiser son prochain avec des bombes machiavéliques, qu’à nous éclairer avec une énergie relativement abondante et bon marché, mais non sans revers, évidemment, ou bien qu’à guérir des cancers... On se rend compte que dans les hôpitaux où l’on utilise la technologie nucléaire pour sauver des vies, on est obligé de parler de la chose par périphrase, pour éviter de faire peur aux patients et visiteurs avec l’adjectif tabou « nucléaire. » Pourtant, du « nucléaire, » il y en a partout, nous sommes composés d’atomes et de noyaux atomiques, la radioactivité, ce truc invisible qui cristallise peut-être le plus la peur du nucléaire, elle est omniprésente, sur nous, en nous, dans la nature qui nous entoure, dans nos maisons, et pas seulement au sein des centrales nucléaires sur lesquelles on n’a de cesse de crier haro, mais aussi dans les centrales classiques à charbon. Tout est histoire de quantité [1].

Cette peur de la technologie, amalgamée comme une peur de la science, n’est finalement qu’un problème de manque de culture scientifique. On a peur que de ce que l’on ne connaît pas. Peur qui engendre des croyances en tout genre. On explique ce qui est inexplicable, au premier abord, par le surnaturel.

Dans un pays qui sélectionne ses élites par les mathématiques [2], finalement, la culture scientifique apparaît comme un parent pauvre. Elle ne fait pas le moins du monde partie de la sacro-sainte « culture générale. »

Et pourtant, si au Moyen-Âge, certains phénomènes naturels inexpliqués terrorisaient les populations (par exemple les comètes...), ce qui les terrorisent aujourd’hui n’est rien d’autre que des choses fabriquées par d’autres hommes. Donc des choses parfaitement comprises et expliquées... Ainsi la peur des uns alimente l’incompréhension des autres par rapport à cette « peur » irrationnelle. Mais peut-être que ce qui effraie, c’est l’abîme d’incompréhension qui sépare les premiers des seconds. La science est compliquée, la technologie qui en découle devient extrêmement pointue. Mais bizarrement, un bijou de technologie qu’est le « téléphone intelligent » ne fait visiblement pas peur le moins du monde (et personne ne s’inquiète de ne pas comprendre comment on peut bouger des trucs sur un écran avec son doigt, et si par hasard, ce faisant, on ne risquerait pas un cancer du doigt ?) ! Pourtant les antennes relais, si. Allez comprendre !

Plus besoin dans ce cas de « Dieu » pour expliquer l’expliqué [3] ; les croyances sont ailleurs... En revanche les « experts » scientifiques tenants de la connaissance sont diabolisés. Le Malin qui complote contre l’humain et veut le mener à sa perte en le baignant dans de dangereuses ondes, en lui faisant ingurgiter de dangereux aliments, en le réchauffant avec de l’électricité dangereuse, en le soignant avec de dangereux vaccins... Ces mêmes scientifiques dont les découvertes passées sont à l’origine d’internet, des écrans tactiles, de tout ce qui gravite autour des ordinateurs, du fait que nous vivons jusqu’à 80 ans et non 40, et ce dans un confort somme toute sympathique [4].

Comprendre c’est savoir, savoir, c’est apprendre. Il reste de la place dans les licences de physique à l’université, celle-ci est encore (presque) gratuite, alors où est le problème ? Il vient peut-être du fait qu’il y a des places vacantes : plus personne n’a envie d’apprendre [5], donc de comprendre, on préfère donc s’en remettre aux incantations et à l’obscurantisme. Ou à internet. Après tout, il sait tout, lui. Ce truc fabuleux que les scientifiques ont inventé n’est-il pas en train de se retourner contre eux ? Internet est un formidable moyen pour propager le savoir, mais aussi peurs et croyances, croyances et rumeurs. Il faut un solide guide du Routard pour s’y retrouver dans ce foisonnement pour dénouer le vrai du faux. Allez, venez donc faire un tour à la fac...


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