Les tribulations d’un (ex) astronome

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Isidore

dimanche 7 juin 2009 par Guillaume Blanc

Il avait toujours le sourire, il était toujours là, attentif, amoureux de la vie et des autres, au sens large. Un être rare. Qui n’est plus. Il était arrivé dans l’Embrunais à peu près en même temps que mes parents, et a toujours été un ami de la famille. Mais qui ne pourrait pas être ami avec Isidore ? Un cœur assurément grand comme ça. Un artiste, un poète, un musicien, un sculpteur, un instrumentiste, un historien... un pourvoyeur de beauté, qu’elle soit intérieure ou extérieure. Quel plaisir c’était de l’entendre raconter son abbaye de Boscodon. De l’entendre révéler par quels artifices les bâtisseurs du XIIe siècle avait réussi le tour de force d’ériger un tel édifice au milieu de nulle part ; tant de beauté et d’esthétisme architectural force l’admiration encore aujourd’hui... De l’entendre jouer de la flûte de pan, autodidacte en la matière, puis de voir ses magnifiques instruments taillés de ses mains sortis de son atelier...

De l’entendre parler de son orgue en bois avec les yeux qui pétillent ! Cet orgue qui trône désormais en bonne place dans l’abbatiale de Boscodon. De toute façon, Isidore avait toujours les yeux qui pétillaient : il adorait la vie et répandait ce bonheur naturellement autour de lui.

Je l’ai toujours connu. Il était frère Isidore, mais pour nous, il était Isidore, tout simplement. Quand, gamins, on allait passer des après-midi à sculpter la pierre avec lui à Boscodon ; quand il a travaillé avec mon père sur un montage audiovisuel relatant l’histoire de l’abbaye ; puis plus tard, quand j’ai donné une conférence sur l’astronomie à Boscodon, ou encore quand j’ai participé au stage de flûte de pan qu’il organisait chaque année. Malheureusement, je fus un bien piètre élève, tant en musique qu’en sculpture. Ainsi qu’en humanisme... Puisse-t-il me pardonner... Il lui a fallu deux années d’école pour devenir l’être exceptionnel qu’il était, moi j’en ai dix fois plus à mon actif. Le résultat n’est pas à la hauteur !

Il s’est éteint en février dernier, au terme d’une vie foisonnante. Quand je pense à lui, je ne peux pas être triste : Isidore semblait ne pas connaître ce sentiment. Je suis tellement heureux d’avoir eu la chance de le connaître ! Son sourire malicieux et son éternel bonnet vissé sur le haut du crâne, avec ce doux accent chantant, hérité de ses racines transalpines...

Dans l’agenda de ma vie
Il y a seulement deux pages
L’une
Programmée à long terme
L’autre
Toute blanche pour l’imprévu

Isidore Dalla Nora

La beauté était belle
Parce que je la regardais
Sans la prendre
Elle m’a sculpté ses secrets
Par l’intérieur

Isidore Dalla Nora

Pierre
Avec le temps
Avec mon sang
Avec la patience de mes mains
Et l’usure de l’outil
Pierre
Je t’ai apprivoisée
 
Par notre rencontre
Tu es devenue
Stèle, voûte, angle, visage
 
Je t’ai taillé une place
Pour la suite des temps
Tu recevras les regards
Et la caresse
Des mains qui t’aiment
Tu leur diras mon souvenir
Quand je serai parti
Parce que tu es pierre
Et moi de chair
 
Mais là où je serai
Je te regarderai
Reposé

Isidore Dalla Nora

Ce poème a bercé mon enfance, dit par une voix puissance et caverneuse, puisqu’il figure en bonne place dans le montage audiovisuel que mon père fit sur l’Abbaye dans les années quatre-vingt...


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