Les tribulations d’un (ex) astronome

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Violons et climat

mardi 28 avril 2009 par Guillaume Blanc

En furetant sur l’internet pour écrire mon article sur le livre de Jean Diwo, je suis tombé sur quelques articles mentionnant la suprématie des violons fabriqués par Antonio Stradivari non seulement sur ceux qui avaient été fabriqué avant, mais également après le célèbre luthier crémonais. Même si certains tests en aveugle montrent que cette supériorité pourrait n’être que subjective, il n’en reste pas moins que les violons stradivarius ont une sonorité exceptionnelle.

De nombreuses hypothèses ont été émises pour expliquer ça. Jusqu’à récemment, la plus en vogue résidait dans le vernis. Il semblerait que la recette du vernis utilisé par Stradivari n’est pas encore été complètement élucidée, même si des chercheurs ont utilisé la microscopie électronique pour en percer les principaux secrets. Ingrédients qui finalement n’avaient rien de bien exotiques. De fait le rôle du vernis est surtout de protéger de la poussière et de la transpiration du musicien le bois de l’instrument, sans pour autant négliger la valeur esthétique qu’il donne à l’assemblage. Pas de preuve convaincante que le vernis entre en ligne de compte dans la sonorité de l’instrument. D’autant que le vernis original des instruments italiens de l’école de Crémone semble avoir disparu, usé par les siècles, ceux-ci ayant été revernis au XIXe siècle. Encore que l’article de revue « Review on the characterisation of ancient stringed musical instruments varnishes and implementation of an analytical strategy » (Jean-Philippe Echard and Bertrand Lavédrine, Journal of Cultural Heritage Volume 9, Issue 4, September-December 2008, Pages 420-429) ne mentionne pas cette hypothèse, mais étudie au contraire par des procédés microscopiques les différents composants des vernis centenaires.

Depuis quelques années une nouvelle hypothèse a vu le jour pour expliquer l’exceptionnelle sonorité des violons crémonais, stradivarius et guarneri. En 2003 Lloyd Burckle et Henri D. Grissino-Mayer publient un article dans le journal Dendrochronologia intitulé : « Stradivari, Violins, Tree Rings, and the Maunder Minimum : A Hypothesis » dans lequel ils proposent l’explication suivante. Les violons sortis des lutheries crémonaises au début du XVIIIe siècle, donc ceux que Stradivari fabriquera pendant la période que les historiens ont qualifié d’« âge d’or, » entre 1700 et 1720, proviennent de bois qui ont poussé pendant une période où le climat était particulièrement froid. Pendant cette période, les arbres ont fabriqué peu de bois, mais il s’en trouvait être plus dense, avec de meilleures qualités acoustiques.

Les arbres fabriquent effectivement plus de bois quand les conditions climatiques sont plus favorables (au printemps, la première partie de l’anneau de croissance annuel est large, la sève monte, l’arbre pousse vite, le bois est moins dense ; la deuxième partie de l’anneau de croissance est plus petite, l’arbre pousse moins vite, le bois est plus dense). Si les conditions restent froides et humides, l’arbre verra sa croissance ralentie, et ses anneaux plus rapprochés : le bois est plus dense.

Or il se trouve que l’Europe, et fort probablement le reste du monde a essuyé un petit âge glaciaire entre la fin du XVIe et le milieu du XIXe siècle. Cette époque fut caractérisée par des périodes vraiment froides (hivers rigoureux, été frisquets), dont l’une débuta vers 1650, à peu près autour de la naissance d’Antonio Stradivari, pour se terminer dans les premières décennies du XVIIIe siècle. Cette période de froid intense correspond à un minimum de l’activité solaire enregistré sous la forme de quasi-absence de tâches solaire. Donc à une irradiation solaire de la Terre moindre. D’où la fraîcheur ambiante. Cette période est appelée minimum de Maunder d’après l’astronome qui étudia la variation du nombre de tâches solaires à cette période.

L’hypothèse de Burckle et Grissino-Mayer repose sur le fait que les arbres utilisés par Stradivari pendant sa période dorée, début XVIIIe, et provenant des montagnes du nord de l’Italie, ont grandi pendant ce minimum de Maunder. Ainsi en résulta un bois plus dense, qui fit et qui fait encore la suprématie des violons de cette époque.

D’ailleurs d’autres chercheurs ont publié une étude sur la différence de densité du bois des violons crémonais et des violons modernes. Ils trouvent que l’homogénéité de la densité dans le bois des violons crémonais entre la croissance printanière et la croissance estivale est plus faible que dans les bois des violons modernes. Donc un bois pas forcément plus dense en moyenne mais plus homogène, ce qui pourrait favoriser l’hypothèse de Burckle et Grissino-Mayer.

Antonio Stradivari fut un des premiers luthiers à aller repérer sur place les arbres qu’il utiliserait plus tard, après une quinzaine d’années de séchage, pour faire ses violons. En particulier la table, pièce maîtresse dans l’acoustique de l’instrument. Il est possible qu’il allait choisir son bois, des épicéas rouges, dans la forêt de Paneveggio autour du massif des Pale di San Martino dans les Dolomites...


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