Les tribulations d’un (ex) astronome

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Joyeux Anniversaire, SN 1987A !

dimanche 25 février 2007 par Guillaume Blanc
SN 1987A fait du hula-hoop !
Image prise par le Hubble Space Telescope en 1994, soit sept ans après la découverte de la supernova.
Crédit : Dr. Christopher Burrows, ESA/STScI and NASA.

Il y a vingt ans, — presque — exactement, le 24 février 1987, arrivée à bout de souffle, explosait Sanduleak -69°202, une étoile supergéante bleue de vingt fois la masse du Soleil, située dans le Grand Nuage de Magellan [1]. Rayée de la carte. Consécutivement, une nouvelle étoile, visible à l’œil nu, apparaissait pour quelques temps dans le même Grand Nuage de Magellan, petite galaxie voisine et satellite de notre grosse Voie Lactée, qui gravite à 160 000 années lumières [2]. C’était la première fois qu’une supernova était visible à l’œil nu depuis 383 ans, la dernière avait été la supernova de Kepler, apparue dans notre Galaxie, en 1604, quelques années avant que Galilée ne pointe pour la première fois sa lunette grossissante vers le ciel. La supernova de 1987 était donc une supernova très proche qui allait bénéficier de toute la batterie des télescopes dont les astronomes pouvaient bénéficier alors. De fait, c’est la supernova la mieux étudiée de l’histoire de l’astronomie. Son apparition a chamboulé le monde de l’astronomie, elle l’a révolutionné, même : pouvoir observer une étoile s’éteindre sur le pas de sa porte est le rêve de tout astronome. Malheureusement l’évènement ne m’a pas particulièrement touché, à l’époque : j’étais au collège en sixième, et n’avais pas la moindre idée de ce qu’était une supernova, même si les choses célestes me passionnaient déjà.

Les étoiles passent leur vie à fabriquer des atomes par fusion thermonucléaire. Tant que les atomes sont plus légers que le fer, cette réaction est exothermique, c’est-à-dire qu’elle dégage de l’énergie, c’est ce qui permet aux étoiles de vivre et de durer. Ainsi le Soleil passe son temps à fabriquer de l’hélium à partir de l’hydrogène. Une partie de l’énergie qu’il fabrique ainsi nous éclaire et nous réchauffe sur notre petite planète. Le Soleil, vers la fin de sa vie, ira jusqu’à fabriquer du carbone et de l’oxygène, fruit de la fusion de l’hélium, puis s’éteindra sans trop de fioritures [3].

Une étoile plus massive, au moins huit à dix fois plus massive, va pouvoir fabriquer tous les éléments dont la synthèse fournit de l’énergie, c’est-à-dire jusqu’au fer. Le fer étant l’élément le plus stable de la nature, au-delà la fusion consomme de l’énergie au lieu d’en fournir. Donc ces étoiles vivent jusqu’à fabriquer du fer. Après quoi, rattrapée par leur colossale gravité, leur cœur s’effondre sur lui-même pour donner une étoile à neutron ou un trou noir. Leurs couches externes, qui ne sont plus soutenues, vont alors tomber en chute libre. Quand elles atteignent la dure surface de l’astre compact moribond, elles rebondissent dessus, ce qui engendre une formidable explosion à l’origine du phénomène de supernova.

Étymologiquement, une supernova est une super étoile nouvelle. De fait, observationnellement, l’explosion d’une étoile est un évènement très lumineux, ainsi SN 1987A a brillé d’une intensité soixante millions de fois la puissance lumineuse du Soleil — de quoi faire griller quelques merguez ! Là où dans le ciel, aucune étoile n’apparaissait, d’un coup une étoile se met à briller intensément — ce qui ne signifie pas qu’aucune étoile n’existait à cet endroit-là, seulement qu’elle était trop faiblement lumineuse pour être visible [4]. D’où l’appellation nova. Sauf que l’étoile en question brilla peu de temps, quelques mois tout au plus avant de s’éteindre définitivement. Les astrophysiciens, ont compris au XXe siècle qu’en fait d’étoile nouvelle, une supernova était le reflet des derniers soubresauts d’une étoile agonisante...

Une étoile nouvelle fut ainsi observée dans la nuit du 24 février 1987 — première de l’année 1987, on lui donna l’original sobriquet de SN 1987A ! — à l’observatoire de Las Campanas au Chili, dans le Grand Nuage de Magellan, cette petite galaxie, qui pare superbement le ciel austral, comme un petit bout de Voie Lactée au beau milieu du firmament. J’ai eu la chance de pouvoir le contempler à loisir lors d’une mission d’observation à l’observatoire de la Silla au Chili, en octobre 1998, alors que je commençais tout juste ma thèse. Mais ceci est une autre histoire, revenons-en à notre supernova. Elle fut découverte par les astronomes qui travaillaient cette nuit-là, Oscar Duhalde et Ian Shelton. La découverte fit l’effet d’une bombe dans le petit monde des observateurs du ciel ! Les astronomes John Danziger et Patrice Bouchet qui travaillaient alors à l’observatoire de la Silla, à quelques encablures de celui de Las Campanas, dans le désert chilien, se souviennent : « Quand les astronomes à La Silla arrivèrent pour l’habituel thé de l’après-midi, à quatre heure, le 24 février 1987 après les observations de la nuit précédente, ils furent accueilli par la nouvelle qu’une supernova avait été détectée dans le Grand Nuage de Magellan la nuit précédente. Le rituel du thé, où des astronomes fatigués sirotaient leur breuvage en silence, en fut transformé, pour se voir succéder des projets d’observations qui fleurissaient frénétiquement. Personne ne doutait une seconde que le ciel serait clair et que l’excitation serait à son comble dans les jours et les nuits à venir. Ce fut effectivement le cas ! Un grand observatoire comme La Silla avec ses nombreux télescopes permit de faire face à l’évènement. Tous les astronomes furent encouragés à observer SN 1987A par tous les moyens à leur disposition. »

« Ironiquement la supernova était trop brillante pour les télescopes de 4 mètres qui étaient alors l’état-de-l’art dans le domaine, et certains d’entre durent être obstrué pour limiter leur pouvoir collecteur !  » ajoute Jason Spyromilio de l’Observatoire Européen Autral. Ainsi les petits télescopes, une fois n’est pas coutume, purent se retrouver sur le devant de scène en observant un évènement extraordinaire qui n était accessible que par eux ! Comme elle n’était visible que de l’hémisphère sud, tous les télescopes disponibles, de l’Australie au Chili en passant par l’Afrique du Sud furent mis à contribution.

Les astronomes n’ont pas attendu cet évènement pour observer des supernovæ, et avant 1987, des dizaines d’entre elles avaient été observées dans des galaxies lointaines, à l’aide de puissants télescopes. SN 1987A eu le mérite d’être très proche et donc très brillante, donc facilement observable et analysable. Les astronomes se sont ainsi aperçu qu’elle était une supernova très inhabituelle, relativement peu brillante par rapport à ce qu’ils avaient observé jusque là, avec une courbe de lumière (l’évolution de la quantité de lumière observé en fonction du temps) également peu commune. Quelques heures avant d’être visuellement détectée, une poignée de particules fantômes de haute énergie, des neutrinos, arrivaient dans des détecteurs au Japon et aux États-Unis, signant là une éclatante confirmation des modèles théoriques, qui prévoyaient que l’effondrement d’une étoile massive devait produire une intense bouffée de neutrinos. Les observations furent conforment aux prédictions !

SN 1987A est toujours observée avec attention et régularité. Les astronomes étudient désormais l’interaction de la matière éjectée, en expansion dans le milieu interstellaire, avec la matière qui l’entoure. Cette interaction produit des phénomènes lumineux, anneaux imbriqués ou collier de perles, du plus bel effet !

Collier de perles !
Observé par le HST, l’augmentation du nombre de points brillants sur l’anneau autour de SN 1987A, fut produit par l’arrivée de matière produite par l’explosion. L’onde de choc produite par cette explosion en atteignant l’anneau de matière le chauffe ce qui le fait briller. Cet anneau dont la taille fait environ une année-lumière de diamètre, a probablement été mis en place environ 20 000 ans avant que l’étoile n’explose.
Crédit : NASA, ESA, P. Challis and R. Kirshner (Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics).
Vue d’artiste de l’environnement de SN 1987A. Crédit : ESO/L. Calçada.

Désormais, nous attendons tous avec impatience la prochaine supernova galactique. L’arrivée d’une supernova est imprévisible, mais statistiquement on s’attend à en observer en moyenne une à deux par siècle. Cela fait quatre cents ans que c’est le calme plat... Patience !


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