En septembre dernier, le cénacle qui s’intéresse à la protection de la nature en général et à celle de la montagne en particulier apprenait que la grande majorité des communes entourant le Parc National de la Vanoise, premier Parc National français créé en 1963, ne soutenait pas la Charte qui avait pourtant mis des années à éclore à force de consensus alloués. Charte dont le but est d’expliciter le développement durable et la protection de la zone du Cœur et de la zone d’Adhésion, ex-zone périphérique.
La loi originale sur les Parc Nationaux, datant de 1960, commençait à se faire vieille à l’aube des années 2000 et méritait un petit ravalement, notamment pour impliquer un peu plus les collectivités local en bordure du Parc (dans la zone Cœur) dans les bonnes œuvres de celui-ci. C’est ainsi que le député du Var Jean-Pierre Giran pris le problème à bras le corps, pour rédiger un rapport sur les Parcs, et accoucher d’une nouvelle loi en 2006, votée à l’unanimité.
Cette loi donne ainsi la part belle aux communes entourant le Parc, leur donnant en particulier une bonne part des sièges du conseil d’administration. Communes qui avaient été oubliées dans leurs interactions avec le Parc jusque-là.
L’intention était louable, les dérives possibles et mises en exergue par, entre autre, les associations de protection de la nature, dont Mountain Wilderness.
Et nous y voilà. Six ans plus tard, les acteurs politiques locaux prennent ainsi le pas sur une affaire nationale, quand ils devaient s’impliquer pour une meilleure synergie, c’est un blocus contre le Parc qu’ils mijotent.
Il est vrai, dans le cas spécifique de la Vanoise, que les communes alentours ont une activité économique exclusivement basée sur l’industrie du ski. Il suffit de regarder une carte ou d’avoir une petite envie d’aller se balader en ski de rando par là-bas, pour s’en rendre compte rapidement : le massif de la Vanoise est effectivement cerné au plus près de stations de ski. Les pylônes abondent, les câbles zèbrent l’air vif des sommets. La montagne est bien bien équipée, pas de doute là-dessus. Certes, il y a quelques décennies, ces stations de ski surgis de terre ont apporté un développement économique exponentiel sans précédent à la région. Certes. Mais désormais, il y a suffisamment de kilomètres de pistes, de pylônes et autres télésièges. Suffisamment de montagne rabotée pour une clientèle qui stagne en nombre, qui devient par la force des choses de plus en plus riche pour permettre un chiffre d’affaire basé sur l’or blanc en hausse chaque année. Pourtant, dans une soif de pognon dont on imagine aisément qu’elle n’a pas de limite, les stations de ski ne rêvent que de s’agrandir, d’équiper des pans de montagne vierge, pour annoncer sur leurs pubs scintillantes plus de kilomètres de pistes que la voisine, une altitude plus élevée qu’elle. De quoi récupérer les malheureux clients de la voisine en question. Quand on fonctionne à clientèle constante, pour augmenter son chiffre d’affaire, soit on fait appel à des personnes plus riches, soit on s’arrange pour avoir plus d’atouts marketing que la voisine pour lui piquer ses skieurs... Donc bétonner tant et plus des montagnes encore vierges, équiper des glaciers pour contrer l’œuvre malicieuse du changement climatique qui tend à faire remonter insidieusement les limites de l’enneigement pérenne.
Oui, mais non. Le commun des mortels a encore le droit d’avoir une nature à peu près immaculée pour sa part de rêve... 0.5 % du territoire métropolitain en zone de Cœur de Parc National, donc bénéficiant d’une protection forte, est-ce trop demander, pour préserver paysages et biodiversité pour que nos enfants puissent aussi en profiter ? 0.5 % de la surface de la France métropolitaine pour avoir droit au silence sans condition de la nature, pour pouvoir admirer des petites fleurs et des chamois, est-ce trop demander ?
Il faut croire que oui. Les petites fleurs et les chamois ne rapportent pas autant d’argent qu’une flopée de pylônes sur les-dites petites fleurs. Quant aux chamois, qu’ils se démerdent.
N’empêche que 15000 personnes ont déjà signé la pétition lancée en septembre par Yves Paccalet, membre du conseil d’administration du Parc de la Vanoise, tirant ainsi la sonnette d’alarme sur la situation.
Mountain Wilderness est ainsi montée à Paris pour l’occasion. L’association a effectivement décidé de convoquer une conférence de presse pour lever les boucliers. A Paris parce que les Parc sont Nationaux, et que Paris, c’est la France. Na.
Donc la première bataille fut pour trouver une salle. On a essayé des trucs prestigieux, l’UNESCO, le Muséum d’Histoire Naturelle, etc. Rien. Niet. Quedalle. Indisponible. Ou trop cher. On pensait déjà trouver une vulgaire salle de seconde zone. Et puis, à force d’envoyer des SOS dans la nature, quelqu’un a eu l’idée de demander au député des Hautes-Alpes, Joël Giraud, signataire de l’Appel pour nos Montagnes, s’il ne pourrait pas nous avoir une salle à l’Assemblée Nationale. Ainsi fut fait.
Cette partie matérielle de la chose effectuée, il restait à pondre le communiqué de presse, trouver les intervenants, etc. Un texte inter-associatif a ainsi été écrit, ça a pris un peu de temps, forcément, entre ceux qui voulait mettre une virgule ici, et les autres là, mais il a fini par sortir. Avec mon adresse courriel pour s’inscrire, car il faut montrer patte blanche pour entrer à l’Assemblée Nationale. Adresse qui est apparue erronée dans le communiqué suite à un malheureux copier-coller. Bref, quelques sueurs froides sur le remplissage de la salle qui traînait en lenteur, pour finalement atteindre un taux tout à fait correct le jour J.
Mercredi 12 décembre 2012. RER C depuis mon boulot jusqu’à Invalides. De là, quelques minutes de marche jusqu’au 126 rue de l’université. Palais Bourbon. La bâtisse en impose. Pour y pénétrer, un scanner. Mon sempiternel couteau suisse ne passe pas. Il m’attendra là. Déjà du monde dans le hall. Soiz est là.
Peu après nous nous enfournons à la queue-leu-leu dans les entrailles du bâtiment. 1er étage. 6ème bureau. Au-delà d’une enfilade de couloirs labyrinthesques, nous y parvenons, en suivant les flèches. Une superbe salle de réunion, en forme d’un « E » qui auraient de grandes jambes, avec des sièges de tous les côtés et des micros à demeure au milieu des tables. Rien à voir avec nos salles de réunion à l’université ! Une petite surprise, M. Jean-Pierre Giran, auteur de la loi de 2006 est là !
La salle de 104 places est déjà bien pleine, d’autant que certaines personnes ont leurs entrées ici, et ne sont donc pas passées par la case « inscription. » Une demi-heure après le début de la conférence, les différents retardataires ayant eu le temps d’arriver, la salle est comble.
Après un inévitable quart d’heure de retard, ça commence. Frédi Meignan, président de Mountain Wilderness France et gardien du refuge du Promontoire joue le rôle de modérateur. C’est notre hôte, Joël Giraud, député des Hautes-Alpes qui ouvre la ronde. Ensuite Yves Paccalet, écrivain, administrateur du Parc de la Vanoise, enchaîne sur la problématique du Parc de la Vanoise, précisant que les problèmes sont identiques, peu ou prou, à ceux qui existaient lors de sa création, il y a 50 ans, pour laquelle il s’était déjà battu.
Etienne Farand, secrétaire national de la branche Espaces Protégés du SNE-FSU apporte la parole des salariés des Parcs. Et ce n’est pas rose : moins de moyens, moins de personnels, à qui on demande de faire plus. Il craint une banalisation de la zone protégée et que les Parcs Nationaux Français soient passés de mode d’ici 5 à 10 ans...
Georges Elzière, président de la Fédération Française des Clubs Alpin et de Montagne (FFCAM) vient porter la voix des pratiquants de la montagne, pour qui la qualité de l’expérience sportive est directement liée au non équipement (remonter sous les pylônes d’une station de ski à peux de phoque ne procure pas tout à fait les mêmes sensations que faire sa trace loins des-dits pylônes !).
Benoît Hartmann vient apporter la bonne parole de France Nature Environnement (FNE) replace le contexte des Parcs Nationaux Français dans leur diversité (chaque Charte a ainsi des objectifs différents, puisque les territoires sont très différents), rappelant qu’il s’agit de Parcs Nationaux dont les enjeux doivent par essence transcender les intérêts locaux. Or de nombreuses dérogations sont actuellement accordées par certains préfets dans les cœurs des Parcs. La brèche serait-elle ouverte ?
Bernard Cressens, directeur des programmes de WWF-France, ajoute que l’outil « Parc National » est un outil mondiale d’excellence pour la protection de la nature. Il faut au moins une quinzaine d’années pour créer un parc national, à savoir protéger environ 1000 km, quand on bétonne en France l’équivalent de la superficie d’un département (environ 6000 km) tous les 7 ans. La loi Giran de 2006 a permis la naissance de trois nouveaux parcs, celui de Guyane, celui de la Réunion et celui des Calanques. La Réunion a été littéralement porté par les élus locaux pour une véritable valorisation du territoire. La loi de 2006 prend ainsi tout son sens : l’outil Parc National devient non seulement un outil de protection mais aussi un outil de valorisation. Ce deuxième aspect semble avoir été oublié par les élus de Savoie.
Jean-Pierre Giran appelle l’état à prendre ses responsabilités : il doit mettre les élus devant leurs responsabilités, interdire les dérogations dans le cœur. Partout où les élus locaux se sont engagés, les Parcs fonctionnent correctement ; de surcroît, sans les élus locaux et la loi de 2006, le parc de la Réunion n’aurait pas vu le jour... Tout comme le parc de Guyane qui se singularise par sa grande superficie (20000 km), par le fait qu’il protège un territoire relativement inaccessible de forêt équatorial, et par le fait qu’il est aussi là pour tenter de protéger les populations indigènes, et en particulier pour lutter contre l’orpaillage illégal qui pollue la région privant de ressources fondamentales ces populations, comme le rappelle Frédéric Mortier, le directeur de ce Parc qui était également présent.
Frédi Meignan termine le tour de table avec ce besoin « humain » d’un lien avec la nature. Dans une société (française) urbanisée à 80 %, conserver de petites parcelles d’environnement préservé — mais accessible — est une nécessité. Pourtant ce lien s’étiole un peu plus à chaque génération. Que laisserons-nous à nos enfants ? Une nature complétement domptée, bétonnée et anthropisée ? Frédi lance un appel au gouvernement pour que l’état reprenne les rennes de la gestion des Parc Nationaux.
Il reste un peu de temps pour des interventions dans la salle, une poignée de questions de la part de journalistes — après tout, c’est avant tout une conférence de presse. Les discours ont ainsi tous été fort intéressants, chacun focalise sur un aspect du problème, et complémentaires dans leur ensemble.
Il faut libérer la salle à 20h. Les protagonistes se dispersent lentement...
Un autre compte-rendu avec quelques photos...
Sur le blog de Claude Comet, élue EELV en Rhône-Alpes : Vanoise : prenez la parole pour sauver le parc national !
Surtout, surtout, allez donner votre avis sur la charte dans le cadre de l’enquête publique.
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