La Palme d’Or au dernier (et soixantième) festival de Cannes, en mai 2007 : il me fallait voir ça, d’autant que j’ai lu à droite à gauche qu’elle avait fait l’unanimité du jury. Un film roumain, donc, comme il en arrive de plus en plus sur nos écrans. Il y a peu de temps, j’avais vu 12h08 à l’est de Bucarest, et là, c’est un film de Cristian Mungiu qui obtint la consécration.
Et ce n’est pas un film facile facile. Ça raconte l’avortement, forcément clandestin, d’une étudiante, Gabita, en Roumanie, sous le régime de Ceauçescu, avec l’aide de sa copine de chambrée, Ottila. Copine de chambrée au dynamisme meneur et débrouillard ; elle porte littéralement le film sur ses épaules. Débrouillard, il faut forcément l’être sous un tel régime. Le savon, les cloppes, et accessoirement les avortements, tout se négocie au marché noir. L’avorteur, recommandé par une-telle, s’avère être un salaud de première. Je m’attendais un peu à voir un bain de sang, une boucherie en somme, mais non, rien de tel ; la chose est évoquée comme une possibilité, mais tout se passe bien finalement. Enfin, à partir du moment ou cet avorteur, qui se posait en bienfaiteur de cette jeune fille en fleur qui n’avait pas forcément de pillules ou autres capotes en guise de contraceptifs à sa disposition au moment opportun, se décide à passer à l’action. Car qui dit avorter, dit risque de prison (si on se fait prendre) ; qui dit risque, dit monnaie. On a rien sans rien. La somme proposée par nos deux amies à l’avorteur ne lui convient pas. Il faut plus. La philantropie désintéressée n’existe pas sous une dictature. Elles n’ont pas plus. Si, elles ont plus. Ottila n’a plus que ça à donner à ce porc. Alors elle se donne, pour son amie, parce qu’il faut le faire, parce que la chambre d’hôtel est payée. Et, enfin, il le fait. C’est fait. Attendre, maintenant. Espérer. Et puis, finalement, il faut se débarrasser de l’objet du délit : le fœtus. À quatre mois, c’est déjà plus que « rien » ; quelque chose — quelqu’un ? — qu’il faut faire disparaître sans laisser de traces. Ottila erre dans la nuit, la peur au ventre, pour ça. C’est fini. Terminé, on n’en parle plus. Plus Jamais.
Un film fort, très fort, pendant lequel je suis littéralement resté scotché sur mon siège. Des images superbes, une actrice principale, Anamaria Marinca, qui joue le personnage de Ottila, superbe — superbe de beauté, de détermination, de débrouillardise, de fidélité. Chaque plan est essentiel. Le film montre, sans parti pris. L’avortement, quintessence de la liberté ? Enfin, liberté toute relative, parce que les risques sont énormes, risque de se faire prendre et de finir en prison, risque de crever sur place d’une hémorragie, risque d’infections, bref, avorter dans ces conditions n’est pas une partie de plaisir.
Ottila en parle avec son petit ami — et si c’était elle qui tombait enceinte ? —, pour finir par lui dire qu’il ne peut comprendre. Que si ça devait lui arriver à elle, ce n’est pas lui qui lui viendrait en aide, mais elle, son amie, Gabrita. Enfin, on l’espère, elle aussi l’espère, parce que Gabrita est un peu lunatique, tout de même ! Comment un garçon peut-il comprendre tout ça ? D’ailleurs elle le laisse en plan pour retourner auprès de son amie...
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