Chers voisins,
Je tenais à vous remercier. Je pense à vous dès que je m’en vais fureter dans les entrailles du bâtiment. Quelques marches cernées par la grisaille froide et crue du béton nu, et puis, ô joie, un amoncèlement hétéroclite d’objets bigarrés s’expose d’un coup à mes papilles sensitives. Telle une avalanche, un glissement de terrain saisi par l’instant, dévalant d’un recoin obscur pour offrir à la vue un tableau digne d’un Picasso en pleine inspiration. Sculpture contemporaine, s’il en est, qui serait forcément digne de figurer en première ligne d’un MOMA. Quelle chance avons-nous, pauvres résidents insignifiants, de pouvoir profiter d’une telle œuvre, ici, à la maison. Charles Péguy en aurait fait un poème, assurément. D’autant qu’elle n’est pas figée, oh non. Chaque nouvelle balade spéléologique permet de mesurer, d’apprécier l’œuvre sous un angle nouveau . Ici ou là, un nouvel objet dont l’anodine apparence, voire même son aspect répugnant, donne un sens à l’ensemble, est apparu dans l’intervalle. Parfois, par hâte ou par gourmandise, il m’arrive d’aller voir tout exprès. Juste pour admirer, profiter, peut-être en primeur, de la nouveauté.
Tel un fluide particulièrement visqueux, organisme gluant, l’avalanche s’écoule dans la lenteur des jours, des semaines, des mois. Des années ? Gageons que le temps faisant son œuvre, à terme, elle obstruera le passage, petit à petit. C’est alors le passage qu’il faudra condamner : l’art est parfois intransigeant. Il est aussi transgressif. Braver l’interdit, quelle audace ! La quête de la liberté n’a, en effet, pas de prix.
Ne vous avisez surtout pas de tout bazarder sur un coup de tête, on le sait, l’artiste est parfois lunatique, ce serait dommage. Et que ces fêtes de fin d’année vous inspirent.
Encore merci.
Site réalisé avec SPIP + AHUNTSIC
Visiteurs connectés : 6