Colloque ETES 2023
J’ai déjà évoqué à diverses reprises les colloques « EPU » pour « Enseigner la Physique à l’Université » ou « EPUS » pour « Enseigner la Physique dans le Supérieur », ici, là, là (lala !), là, là ou encore là [1]. Le covid a eu raison de la belle dynamique, malgré deux petits colloques de ce genre à distance en 2020 et 2021 organisés par les collègues de l’université de Bordeaux ; elle devrait reprendre en 2024... Comme dans l’intervalle j’ai translaté mes centres d’intérêt vers l’enseignement des enjeux écologiques, je me suis dit que ça serait pas mal de transposer l’expérience.
Avec l’équipe enseignement de Labos1point5 nous avons ainsi décidé d’organiser un colloque national d’enseignement en juillet 2023. Le choix du lieu s’est porté sur Paris pour son évidente centralité pour un premier opus avec l’ambition de proposer un évènement en présence afin de permettre aux collègues de se rencontrer et de faire connaissance, relativement sobre d’un point de vue écologique et surtout organisationnel : pas d’hybride, pas d’enregistrements, pas de sessions parallèles (je n’aime pas ça, car en général j’ai envie d’assister à tout sans pour autant avec le don d’ubiquité), pas d’ateliers (le rapport temps passé à préparer sur nombre de personnes touchées n’est pas favorable à la sobriété) et finalement pas de souvenirs sous forme d’actes [2]. Seulement des sessions plénières. Pas de « goodies » (c’est ringard, n’est-ce pas ?), chacun·e apporte son gobelet pour le café, sa gourde pour boire, son porte-badge.
Évidemment, ce n’était pas un prérequis spécifié, mais les provinciaux éviteront d’y aller en avion et préfèreront le train… Nous avons réuni une belle équipe sur le campus Pierre et Marie Curie de Sorbonne Université — dont pas mal de collègues de l’Écopolien — pour trouver un amphi, un traiteur, de l’argent pour payer le tout, dont une collègue astrophysicienne qui m’avait précédé sur la thèse que j’ai fait il y a un certain temps maintenant : se retrouver à cette occasion a été vraiment chouette !
Un site web a été élaboré début 2023, puis les inscriptions furent ouvertes : nous n’avions aucun programme — très peu d’invité·es mais non mentionnés sur la page web — avec la volonté délibérée de laisser les futurs participant·es proposer des interventions pour le construire ensuite. Une première vague de pub a été faite au sein de l’équipe enseignement (plus de 100 inscrit·es) et avec la newsletter de Labos1point5 de mars 2023 ; le succès fut mitigé. Sachant que les multiples informations présentes dans une newsletter sont généralement diluées et donc absorbées en diagonale, nous avons renvoyé un message contenant uniquement l’annonce du colloque. Le réseau a fonctionné au-delà de nos espérances : le colloque s’est rempli rapidement. Trop, même.
Nous avons ainsi dû revoir nos ambitions à la hausse : trouver un autre amphi, plus grand, et une autre source de financement pour nourrir plus de monde. Sorbonne Université nous offrait l’amphi à titre exceptionnel [3], et finançait les pauses café. L’université Paris Cité a accepté de payer les déjeuners. Un traiteur local, éthique, bio et végétarien apporterait de quoi se sustenter. Lors des fortes chaleurs de juin, nous nous demandions si nous n’allions pas crever littéralement de chaud dans une salle avec des verrières plein sud sans climatisation : des solutions pour remplir des gourdes d’eau furent élaborées par l’équipe locale. Finalement, la météo a été clémente, presque fraiche pour la saison.
Nous croulions également sous les demandes d’interventions : nous ne pouvions raisonnablement pas faire parler tout le monde en deux jours tout en ménageant un minimum d’espaces de discussion. Nous avons alors décidé de faire des sessions poster, ce qui n’était pas prévu initialement. Il a fallu décider entre les interventions orales et celles sous forme de posters. Choix plus ou moins arbitraire. Pour les interventions orales, nous avions proposé des durées de 5, 10 ou 15 min, au choix. Finalement il n’y aura pas d’interventions de 15 min, seulement de 5 ou 10 min. Nombre d’intervenant·es ont probablement dû ravaler leur frustration de devoir faire un poster plutôt qu’un oral ou de devoir parler que 5 ou 10 min plutôt que 15 min. Personne n’a rien dit, poliment.
Nous n’avons pas refait de pub. Il y a eu des réveils tardifs que nous avons dû refuser. C’était complet.
Pour élaborer le programme, nous avions repris une idée des colloques EPU, à savoir faire parler 2 à 4 personnes d’affilée, sans questions, puis faire une session de questions communes à la suite avec les orateurs ensemble. Cela permet de faire tampon si l’écoulement du temps nous a échappé, et accessoirement de ne pas focaliser l’attention sur un·e unique orateur·ice. Cela a plutôt bien fonctionné : nous avions 15 min de retard sur le programme à la fin du premier jour et nous avons terminé à l’heure le second.
La question du nombre de déjeuners a été soulevée : l’expérience montre généralement une différence de 10 à 20 % en moins (évaporation) entre le nombre d’inscrit·es et le nombre de présent·es, sachant que nous ne demandions aucuns frais d’inscription. Pour tenter de lutter contre un gaspillage anticipé, nous avons demandé (de manière insistante !) aux inscrit·es de nous prévenir en cas de désistement. Nous en avons eu très peu. Nous avions 120 demandes de déjeuners pour chacun des deux jours, que nous avons commandé auprès du traiteur. Entre une petite poignée de personnes qui n’est finalement pas venue (sans rien dire) et une poignée de personnes qui est venue sans s’être inscrite, il n’y a eu aucun gaspillage.
Et puis le jour J est arrivé. J’étais serein. Je me suis rendu à Jussieu en vélo, ce qui laisse le temps de penser, d’évacuer un hypothétique stress. Avait-on omis un détail ? Les tables étaient déjà là, les grilles pour accrocher les posters aussi, les collègues avaient œuvré la veille. Je me suis changé, j’ai accroché mon poster (au passage, j’avais apporté des petits aimants au néodyme très puissants qui ont fait merveille pour maintenir le poster sur les grilles — même si ce n’est pas forcément le système le plus low-tech !). Un problème sur le son de l’amphi est rapidement survenu — il n’avait pas servi depuis des mois, manifestement — : un bruit de saturation très fort et très désagréable apparaissait aléatoirement. Les appariteurs ont rebouté le système, attendu, et plus rien. Nous craignions que cela revienne alors qu’ils n’étaient pas là, comme le stipule la loi de l’emmerdement maximum. Il n’en fut rien, la journée fut paisible. Nous avions seulement deux micros pour tout l’amphi (orateur compris), mais l’acoustique était bonne, ça pouvait passer aussi sans micro.
J’avais prévu de dire quelques mots en introduction, avec une collègue de l’université hébergeante. J’avais beau avoir préparé les quelques trucs à dire, j’ai tout bafouillé, c’était pitoyable. Ce n’est pas mon truc. La collègue a évidemment fait mieux. Heureusement que là n’était pas le plus important et que la suite a effacé ce lamentable raté.
Les deux jours ont été intenses. Plein de belles initiatives ont été présentées. C’était aussi une volonté que de faire de ce colloque un lieu où les enseignants peuvent discuter librement de leurs cours, de leurs expériences, de ce qui fonctionne comme de ce qui ne fonctionne pas. Nous étions entre nous !
Des collègues venus de toute la France, issus de toutes les disciplines. Avec néanmoins un petit biais francilien et sciences dures, qui s’explique aisément par le lieu et la composition du comité d’organisation. Une chouette volonté de partager et d’échanger en transcendant les habituelles barrières disciplinaires. L’amphi était encore bien plein à 17 h, le deuxième jour, à la fin.
Ce fut également l’occasion de rencontrer plusieurs collègues « en vrai », après des dizaines d’heures, parfois, depuis des mois, passés à discuter à travers un écran d’ordinateur. Rien que pour ça...
Ma seule frustration est que j’étais organisateur de la chose : je n’avais pas toujours l’esprit complètement libre pour en profiter pleinement. D’autant plus que le premier jour j’avais une présentation et un poster plus une session à présider, ce qui consiste à appeler les orateur·ices selon le programme élaboré et à faire le gardien (sévère !) du temps ! D’ailleurs, je me suis également improvisé briseur de discussions aux pauses diverses pour battre le rappel. Habituellement je déteste ce genre de rôle, mais il a bien fallu : je sais pertinemment qu’il est très facile de perdre un temps précieux lors de pauses qui s’éternisent. Cette frustration s’est évaporée quand j’ai constaté que l’audience avait trouvé son compte. Moi aussi, quoiqu’il en soit. On a pu sentir une énergie débordante, des rires, une envie d’avancer malgré les contraintes inhérentes à l’enseignement supérieur et l’aspect anxiogène de la situation écologique.
Comme l’un des objectifs de ce colloque était de constituer un réseau d’enseignants, d’enseignants-chercheurs sur supérieur autour des enseignements des enjeux écologiques, une discussion adossée à un sondage sur les suites à donner à ce colloque a clôturé la conférence : l’envie de poursuivre la dynamique esquissée est là. Dans l’immédiat nous allons mettre en place quelques outils simples pour garder le contact, tandis que l’idée d’un colloque ETES 2024, loin des JO, germe…
[2] Mais la possibilité pour, celleux qui le souhaitent, de soumettre un article à la nouvelle revue JEESES, pour Journal Enseigner les Enjeux Socio-Écologiques dans le Supérieur.
[3] Amphi qui est facturé 5000 €/jour sinon, ce qui est assez surréaliste quand il s’agit d’évènements universitaires : il n’y a décidément pas de petits profits !
Guillaume Blanc
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