Les tribulations d’un (ex) astronome

Championnats du monde des biochimistes

mercredi 21 juin 2006 par Guillaume Blanc

Avec l’argent d’un côté et le dopage de l’autre, le monde du sport professionnel n’est pas particulièrement reluisant. Le deuxième n’étant qu’une conséquence du premier. Dieu Pognon. Que de sacrifices en son nom ! En cette période où (presque) tout un chacun se retrouve vissé derrière son téléviseur, les pieds sur la table et la bière à la main, en train de suer pour trois pelés et un tondu qui s’agitent frénétiquement sur un rectangle d’herbe verte de synthèse, je m’interroge. Je m’interroge sur tout ce barouf. Avons-nous réussi à faire ce que les Romains n’avaient osé imaginer, un jeu de cirque à l’échelle planétaire ? L’avantage c’est que pendant ce temps, temps d’une trêve, les combats guerriers s’arrêtent (quoique), les peuples se réconcilient (quoique), et vive le fric !

Pourquoi pas. Après tout, (presque) personne ne fait de mal à personne. Alors...

Mais, d’une manière plus globale, cet appel du pognon, ce mercantilisme sportif, a quand même un effet pervers : celui de la course inéluctable vers la performance. Car le citoyen lambda ne s’intéresse aux exploits sportifs, que quand il s’agit d’exploits, justement ; de records délirants, de chronos impossibles... Or comment faire pour améliorer encore et encore de quelques pouillèmes de secondes, de quelques centimètres ? Après avoir innover le matériel technique, s’il en est, la seule chose à faire c’est améliorer l’humain qui en est le moteur. Humain-objet. D’où le dopage. Le dopage, dans la physique des semi-conducteurs c’est : l’« addition contrôlée d’une faible quantité d’impureté à un corps pur pour lui conférer des propriétés particulières ». Même chose pour le corps humain. On fabrique des sur-hommes (avec des qualités particulières, donc) par adjonction de substances diverses et variées (sauf que je ne sais pas si c’est vraiment bien contrôlé, dans ce cas-là) : des types capables de gagner le tour de France six ou sept fois d’affilée en s’enfilant des cols à une allure digne de Superman, de courir le 100 mètres en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, genre Steve Austin, de lancer des poids par-delà les limites à la Obélix... Pour augmenter les performances physiques, l’imagination humaine est sans limite dans le machiavélisme. Enfin, ce sont plutôt certains humains qui pondent des trucs pas possibles pour que d’autres humains gagnent et que les premiers se remplissent les poches. Au détriment de la vie des deuxièmes. Esclavagisme. On ne joue pas avec le feu sans se brûler.

La société capitaliste étant gouvernante en ce bas monde, plus rien ne peut enrayer ce type de pratique, les sportifs seront de plus en plus dopés, et les dopants seront de plus en plus indétectables, les contrôles ne seront jamais parfaits. Personne n’a, semble-t-il, vraiment envie qu’il en soit autrement. Le dopage génère des sur-performances, qui font le plaisir des spectateurs et des téléspectateurs, qui en retour payent un bon prix pour se rassasier les mirettes de toute cette débauche musculaire. Les seuls à en pâtir, finalement, ce sont les sportifs eux-mêmes, dopés pris dans leur propre jeu, cobayes d’une société qui les dépasse et nous avec. Personne ne se soucie de leur sort : une fois la performance établie, ils tombent dans les oubliettes des livres de records.

Pourquoi ne pas légaliser la pratique du dopage, dans ce cas ? Dans un Grand Prix de Formule 1, la performance n’est pas uniquement celle du pilote. Mettez un bon pilote sur une machine mal réglée, il n’en tirera rien et se fera griller. Non, un champion de Formule 1, c’est un couple pilote-voiture. D’ailleurs, le constructeur de voiture gagnant monte sur le podium, n’y a-t-il pas un championnat du monde des constructeurs, tout comme il y a un championnat du monde des pilotes ? Il n’y a qu’à faire de même dans le sport en général (cyclisme, tennis, foot, athlétisme, etc, tout ce qui est susceptible de faire la part belle au dopage), en louant les capacités de tel ou tel produit dopant, en créant un classement des meilleurs « biochimistes », ou quelque soit l’appellation de ceux qui créent ces substances... Pour le coup, la recherche et la créativité s’en trouverait dopées, ce qui pourrait avoir des retombées bénéfiques, tout comme la recherche pour améliorer les bolides que sont les Formules 1 a des retombées sur la voiture de tous les jours de monsieur Toulemonde (enfin, je l’espère en tout cas, afin que tout ce barouf ne soit pas complètement vain !). Évidemment, il y aura toujours des dommages collatéraux, ces ex-pseudo-champions qui meurent prématurément imbibés qu’ils étaient de produits divers et variés (mais certainement pas diététiques). Mais, pour poursuivre le parallèle, le dommage collatéral existe aussi en Formule 1, puisque certains pilotes se retrouvent dans le mur. La mécanique, ça peut défaillir. Et ça ne pardonne pas... Imaginez cependant les prochains jeux olympiques : deux podiums, l’un pour les athlètes, l’autre pour les chimistes. Ça, ce serait rigolo !

Pour ce qui est de l’argent, la substance à l’origine de tout, je n’ai pas de solution pour que le sport retrouve son innocence primitive... Repartir de zéro, sur de nouvelles bases... Bannir le professionnalisme serait peut-être une première étape ? Une crise économique planétaire qui mettrait l’humanité par terre, peut-être ? Les bases seraient-elle seulement nouvelles ? Ceci est une autre histoire...


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