Sur la route
Tandis que nous descendons du refuge sous un ciel bleu écarlate, la Lune en profite pour se lever, timide croissant diaphane qui émerge doucement, calé entre les Petites Jorasses à gauche et leurs grandes sœurs à droite.
Ainsi se terminent tranquillement nos vacances, sur ce sentier caillouteux, qui, après quelques échelles métalliques posées là pour franchir d’immenses dalles de granit polies jusqu’à la moelle par un glacier qui a désormais perdu de sa superbe, nous dépose comme une feuille d’automne sur le fleuve de glace. La Lune flirte avec notre coin de l’œil, pour finalement disparaître de notre champ de vision. Nous finissons par lui tourner le dos. Notre voyage dans les cimes s’achève ; la Lune débute sa journée décalée.
Nos vacances s’écoulent ainsi vers le fond de la vallée tout comme la Mer de Glace dont nous suivons le cours, entre deux sections d’échelles scellées à demeure. Descendre d’un côté pour mieux remonter de l’autre. La fraîcheur aérée de l’altitude laissait déjà place à la chaleur étouffée de la vallée. Des hordes de touristes bariolés ont remplacé la solitude de là-haut. Un petit train rouge acheva la descente à notre place. Nous nous retrouvons bientôt sur l’asphalte gluant d’un parking bondé. La voiture est là. Nous creusons une petite niche au sein du capharnaüm qui règne dans l’habitacle pour y poser nos sacs. Ça sent (bon ?) la montagne. Four solaire impeccable, nous y pénétrons pour nous y dessécher doucement, mais sûrement.
Pendant ce temps, le mince croissant de Lune poursuivait son ascension journalière, montant à l’assaut de l’azur dans l’indifférence générale.
Nous prenons la route, dévalant le ruban de bitume luisant, tournant le dos aux hauts sommets tout de blanc vêtus. Vision miroir rafraîchissante.
La cuisson fait son œuvre.
Mais ne peut durer.
Le Soleil déjà sur la pente descendante n’avait de cesse de perdre lui aussi de l’altitude. Son pouvoir réchauffant se calmait tandis que, peu rancuniers, nous gravissons lentement les degrés de latitude à sa rencontre, là-bas, plus loin, vers le nord-ouest.
Rendez-vous inévitable qui se produisit en début de soirée quelque part sur l’autoroute. Non content de nous avoir déshydraté pendant des heures, il vint nous éblouir dans un dernier clin d’œil, disque orange posé au loin sur la route, avant de sombrer par-delà l’horizon. Un ultime coup d’éclat, en somme.
Il laissait ainsi le champ libre à la Lune. Pas pour longtemps : elle aussi se trouvait alors sur la pente descendante. Immaculé croissant qui vient décorer magnifiquement un fond de ciel empourpré de somptueuses couleurs aux dégradés crépusculaires.
Nous sommes arrivés à bon port tandis qu’elle rosissait délicatement dans l’encre nocturne, lévitant juste au-dessus de l’horizon, dans un ultime effet d’optique pour tenter de paraître plus grosse.
Le ballet des astres solaire et lunaire s’achevait, tout comme notre voyage. Celui des étoiles débutait, mais il s’agit là d’une autre histoire.
Guillaume Blanc
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