Les tribulations d’un (ex) astronome

Vajont

jeudi 13 mai 2010 par Guillaume Blanc

9 octobre 1963, 22h39. 260 millions de mètres cubes de montagne s´écroulent dans le lac artificiel retenu par un barrage construit sur le torrent Vajont (prononcer quelque chose comme « Ouaillonte » !), dans la région de Venise, en Italie, aux portes des Dolomites. Un glissement de terrain de deux kilomètres de long, sur un kilomètre de large et plus de cent mètres de hauteur tomba dans le lac à une vitesse de 70 à 90 km/h. Une vague de plus de 150 mètres de haut, contenant plus de la moitié de l’eau contenue dans la retenue, remonte sur la rive opposée avant de passer par-dessus le barrage et de déferler sur le pays qui se trouvait en aval. Un désastre qui auraient facilement pu être évité et qui causa la mort de 2000 personnes. De nombreux villages (dont Longarone qui se trouvait à l’aplomb de la vallée du Vajont) furent rayés de la carte, balayés par la vague gigantesque...

L’idée était de construire un barrage hydroélectrique pour alimenter en électricité la région de Venise, au niveau des gorges à l’entrée de la vallée du Vajont, juste sous le Monte Toc. Le Vajont est un torrent qui se jette dans le fleuve Piave au niveau de Longarone, deux kilomètres plus loin. Le barrage était le plus haut du monde : plus de 260 mètres de hauteur ! La construction commence en janvier 1957, sous la maîtrise d’œuvre de la SADE (Società Adriatica di Elettricità), sans autorisation, celle-ci viendra six mois plus tard. La mise en eau du barrage se fait en 1960...

22 mars 1959. Un glissement de terrain dans le lac du barrage de Pontesei cause la mort d’un ouvrier du barrage qui était également construit par la SADE. Un barrage qui se trouve dans la vallée du Maè, à quelques kilomètres du Vajont, dans une configuration géologique similaire... Les inquiétudes quant à la possibilité d’une telle catastrophe sur le Vajont s’immiscent dans les esprits. Peu avant la fin de cette même année le petit monde des constructions de retenues hydrauliques est ébranlé, par la rupture de la voûte du barrage du Fréjus à Malpasset, en France, le 2 décembre 1959, tandis que le barrage était rempli à ras bord. Une vague de 40 mètres jete 50 millions de mètres cubes d’eau sur tout ce qui se trouve en aval... On déplorera 453 morts. Mais les ingénieurs italiens sont sûr de leur fait, leur ouvrage est solide. Il ne peut céder. De fait, il est toujours debout...

En mars 1960, avec la première mise en eau du barrage du Vajont, une crevasse apparaît sur les flancs du Monte Toc, rive gauche du lac. Cette crevasse de deux kilomètres n’aura de cesse de grandir au fil des mois et des années suivantes. Une première mise en garde est envoyé par Dame Nature le 4 novembre 1960, quand 700 000 mètres cubes de roches se détachent et tombent dans le lac. Pas de dégâts, mais une grosse frayeur, frayeur qui ne cessera de s’amplifier, car des dizaines de million de mètres cubes de roches sont encore en équilibre instable sur la montagne...

Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour deviner qu’une catastrophe se préparait. Le village de Vajont, sur les flancs même du Monte Toc, se trouvait de plus en plus bringuebalé par les mouvements et les secousses induites par ce pan de montagne qui se détachait doucettement. Mais les responsables du barrage s’obstinait à ne rien vouloir voir. Le lac restait plein. Jusqu’au 9 actobre 1963 où la nature repris ses droits de manière brutale, vidant la moitié du lac de manière quelque peu expéditive. Une petite ville (Longarone) et plusieurs villages rayés de la carte. 2000 victimes. La plus grosse catastrophe en milieu montagnard. Une catastrophe qui aurait pu être évité. Un géologue avait rendu des conclusions très alarmistes après les premiers prémices. Mais à l’époque la géologie n’était pas une science aussi noble et « exacte » qu’elle peu l’être aujourd’hui. Il fut ignoré, on préférait ne pas voir l’évidence. Une journaliste, Tina Merlin s’était faite la voix des habitants des environs du barrage, qui étaient terrorisés par ce qui se passait sous leurs pieds... Elle fut attaqué en diffamation ! Bref, la folie des hommes, cette horrible prétention de vouloir absolument dompter la nature envers et contre tout, a causé ce désastre.

Un superbe film relate cette terrible histoire, réalisé par Renzo Martinelli et sorti sur les écrans en 2001. Il s’agit de « Vajont » pour la version italienne, et de «  la folie des hommes » pour la version française. Une coproduction franco-italienne, donc. Avec Michel Serrault et Daniel Auteuil dans les rôles des dirigeants de la SADE. Un film d’un réalisme surprenant mêlant fiction et documentaire. On s’y croirait. À voir pour que ça ne se reproduise pas...

Ce barrage sur le Vajont existe toujours. On le voit quand on se rend dans les Dolomites depuis Belluno. Au niveau de Longarone, en jetant un œil rapide sur ces gorges à droite, on voit furtivement cette imposante masse de béton qui barre le regard. Bien entendu, il ne retient plus d’eau. Disons, qu’il retient une colline. Quand on prend la petite route sinueuse qui passe dans des tunnels pour franchir les gorges étroites et verticales qui gardent l’entrée de la vallée, on débouche au niveau de l’immense voûte de béton qui gît là pour l’éternité, pour témoigner de la « folie des hommes ». Derrière, pas de lac, mais une monstrueuse colline. C’est impressionnant.

Quelques documents en ligne :


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