Trahison !
Vous voyez ce que je vois ? Mais quelle est donc cette grande perche qui dépasse d’entre mes cuisses ? À ce bout-ci de la tige, c’est bel et bien moi ! De l’autre côté du miroir. Moi !?! M’enfin ! Voyez-vous ça : moi-même en chair et os les fesses sur un téléski ! Diantre ! Mais qu’est-ce-qui-se-passe-donc ? Aurais-je perdu la raison ? Ou bien mes peaux ?
Si vous saviez ce que j’ai dû endurer dimanche dernier sous prétexte de me former ! Une montée en téléphérique, déjà. Près d’une heure dans une boîte de conserve serré comme une sardine en boîte, à peu aussi à l’aise qu’une sardine en boîte. Puis comme si le supplice n’était pas entier, il a fallu aller plus haut en téléski. Deux d’affilée ! Ça faisait tellement longtemps que je n’avais posé mon auguste derrière sur ces machin-là que j’ai cru que je n’arriverais pas à chopper la perche. Finalement si. Curieusement. En fait c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Curieusement.
Dôme de la Lauze, zéro mètres de dénivelés à muscles pour y arriver ; plus de deux mille par intervention de cyniques mécanismes. Mais le pire était encore à venir. Parce que sur ce superbe glacier de la Girose, certes défiguré par ces infâmes pylônes — le guide certifiait qu’ils faisaient manger les gens de La Grave, ces infâmes pylônes, mine de rien —, c’est encordés trois par trois qu’ils nous ont fait descendre. Dans la belle poudreuse en chasse-neige, corde tendue. Ô sacrilège ! Ô supplice de la formation ! Penseriez-vous que la neige aurait été pourrie ? Que nenni ! Une belle couche de poudre sous les spatules, qu’il y avait... J’avais l’air malin avec mes supers planches machin-chose toutes neuves ! D’autant que pendant que nous faisions ainsi les clowns, les free-riders s’en donnaient à cœur-joie, à déflorer les pentes, à les parer d’éphémères zébrures, élégantes courbures. Ils filaient tout autour de nous, nous frôlant dans des feulements d’air, comme pour nous narguer, nous autres pauvres ouailles prisonniers de nos cordes...
Stage CAF « sécurité sur glacier ». Bon, aller, ce n’était pas si dramatique, finalement, j’ai appris à remonter tout seul d’une crevasse (ça c’était rigolo : se jeter d’une corniche, encordé, se retrouver dans un vide, certes tout relatif, mais le vide quand même, attacher le sac et les skis en bout de corde, préparer ses engins pour remonter, et... remonter, avec un épique passage de corniche !), je me suis surtout rendu compte en le faisant ainsi pour de vrai, que sans poignée jumar ou autre artifice mécanique, c’était quasiment impossible de s’en sortir ; exit le mythe du machard pour sortir d’une crevasse ! Et puis outre l’incontournable mouflage, j’ai quand même appris divers petits trucs qui peuvent être utiles, comment faire un corps mort éjectable avec ses skis pour passer un mur délicat en rappel (et accessoirement récupérer son matos une fois l’obstacle franchi), comment mouliner rapidement un groupe dans une pente raide, comment skier encordé corde tendue, bien sûr, à la descente (grrrr) et la montée (ça, ce fut plus rigolo !), comment s’encorder avec un milieu de cordée en téléphérique, etc. Bref, ce fut plutôt intéressant, mais quelque peu frustrant : se payer un week-end en montagne pour se cailler à plus de 3000 mètres à faire des exercices de cordes, ben, faut être motivé ! Enfin, comme ça, c’est fait !
Guillaume Blanc
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