Les tribulations d’un (ex) astronome

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Faut que j’vous dise...

dimanche 5 juin 2005 par Guillaume Blanc

Voilà. J’ai gagné à la grande loterie des concours de maître de conférence. Un nom pompeux pour dire prof à la fac. Enfin, enseignant-chercheur, plutôt. Ça fait presque un mois que je le sais. J’attendais une confirmation écrite pour divulguer la chose. Je l’ai reçu. Je suis bel et bien classé premier. Donc si j’accepte le poste et si je ne me goure pas de case en cochant (cliquant) mon choix sur internet, je vais être fonctionnaire et prof. Et chercheur, accessoirement.

J’attendais aussi de digérer la nouvelle pour vous le dire. Sur le plan professionnel, c’est royal : un poste permanent, c’est le rêve ! Je vais pouvoir faire ce que j’aime — l’astro — toute ma vie. C’est pas beau ça ? Chercher, enseigner.

Sur le plan personnel, c’est un peu moins rose : déjà quitter Padoue où je me sens si bien depuis seulement quelques mois, quitter mes amis italiens si peu de temps (moins d’un an) après les avoir connu. Aller vivre à Paris, cette ville, si grande, si citadine, si peu verte et si loin des montagnes... Si ville. Et moi si peu citadin. C’est tout le problème de ma passion pour l’astronomie, ça ne date pas d’aujourd’hui. Sauf que j’avais finalement trouvé une ville — Padoue — où je pouvais rallier mes deux passions, mon travail d’une part, et un irrépressible besoin d’oxygène sommital d’autre part.

Ceci étant, j’ai toujours réussi à m’adapter où que je sois. Il en sera forcément de même de cet ultime changement géographique. D’autant que ce devrait être l’ultime. On va pouvoir, enfin, construire des choses. J’espère. Et puis, avec un minimum d’organisation on peut faire de la montagne tout en habitant Paris, on peu grimper tout en habitant Paris (à moi Fontainebleau...), on peut voir un peu de chlorophylle tout en habitant Paris. Enfin, quand je dis « Paris », c’est Paris au sens large. Parce que habiter Paris même, non, pourrais pas. Faudra que ce soit dans une banlieue un peu verte (j’ai déjà une idée bien précise sur la question !!). Et puis on pourra se faire des amis avec les mêmes passions (des amies ?). Etc, etc... Bref, tout n’est pas perdu.

Quid de la belle italienne dont je m’imaginais — naïvement — tomber amoureux ? Ben, là, le calendrier est un peu serré, car il faut encore que je la rencontre !! Alors... Bah, y’a sûrement des belles parisiennes aussi. Forcément, ça sera moins pratique pour améliorer mon italien. Mais pour ça, j’ai déjà décidé d’investir dans une série de cours particuliers. Pour fortifier la chose avant de quitter définitivement le pays. Je commence la semaine prochaine. J’aurais pu commencer cette semaine si je leur avais donné mon numéro de téléphone au bureau, au lieu de leur donner le numéro de fax croyant leur donner le numéro de téléphone. Vous me suivez ? Tout ça parce que j’ai des principes à la con : je dois être l’unique abruti vivant en Italie sans téléphone portable. Et a fortiori le dernier spécimen n’ayant jamais envoyé de sms de sa vie. Autant dire que je suis injoignable. Dès que je débarque à Paris, je m’offre un portable et je me mets au sms. Na.

Et puis et surtout je cours m’inscrire au CAF. Club Alpin Français. Là, je trouverais des gens pour faire de la montagne. Et puis, ben, le soir, au lieu d’aller courir dans les collines euganéennes, ben j’irais profiter des nocturnes du Louvre. À moi la culture ! Et faire les kilomètres de couloirs au pas de course, vous y avez pensé, vous ? Et grimper sur la pyramide ? Ou encore escalader la Tour Eiffel ? Pfff, il y a rien compris, celui-là...

Je vais pouvoir retourner au ciné de manière sérieuse, et non en dilettante comme en ce moment. Voir les films français en VO. Et y comprendre quelque chose. Enfin. Je vais relire Première, me tenir au courant des sorties, éviter de me rendre compte qu’il y a eu un festival de Cannes trois jours après la remise des prix... Peut-être me mettrais-je à aller au théâtre et à l’opéra, comme tout parisien qui se respecte ? Faut voir... J’sais pas... Je crois qu’y’a encore du boulot de ce côté-là... En tout cas, je pourrais écumer les librairies plus facilement. Y compris les marchands de BD. Surtout. Et puis je pourrais à nouveau écouter France Inter. Et puis je me sentirais mon con quand au cœur d’une conservation tout le monde se met à rire, sauf moi (quoique, même en français, des fois je ne comprends pas tout...). Je souris, quand même, pour participer un peu.

J’irais courir le long du canal de l’Ourcq, ça me rappellera peut-être le canal de Padoue, ça ne sera pas pire en tout cas. Qui viendra avec moi courir sous la neige et sous la pluie... ? Dani, mon irréductible amie de tous les délires de ce genre, ne sera plus là. Enfin, elle sera toujours ici, justement. Donc je vais me retrouver tout seul là-bas, pour faire le zouave.

Je râle, je râle. Pourtant, j’ai quand même perdu une bonne raison de râler, justement. Je ne peux plus maudire ma passion qui me trimbale d’un côté sur l’autre de la planète, qui ne me permets même pas d’avoir un métier décent. Ben non. Je ne peux plus maudire cette recherche à la française qui ne donne pas de poste à ses expatriés. Ben non, peux plus. Je suis devenu un contre-exemple. Je me dois donc de reporter mon « râlage » vers d’autres horizons. Mais pas de panique : je n’en manque pas...

Je voulais faire court, histoire de vous épargner quelque fatigue, cher lecteur/lectrice. Mais je m’aperçois que ça a lamentablement foiré. Tant pis. Je poursuis mon exutoire...


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