Pendant notre expédition au Népal, nous avons eu de nombreux moments où l’attente et le repos se faisaient rois. Patienter tout d’abord à l’aéroport, dans un sens ou dans l’autre, au milieu, lors de correspondances un peu longuettes. Patienter dans l’avion, où les heures s’étiolent inévitablement. Patienter à l’hôtel, en attente de bouger pour un ailleurs. Patienter dans la tente, enfin, se reposer, s’acclimater, attendre que le corps s’adapte lentement à l’altitude. Attendre que le mauvais temps passe pour pouvoir mettre le nez dehors. Bref, les occasions de lecture furent belles et multiples.
Nous avions chacun emporté dans notre besace un ou deux bouquins, qui a choisi un bon polar qui se lit facilement, qui a choisi des essais aux titres alambiqués... Les premiers se sont rapidement échangés, passant de main en main et de tente en tente, les seconds, ma foi, sont souvent restés dans le giron de leur propriétaire. Le fait est que j’avais plutôt envie de lire des choses disons « rigolottes. » Prenantes. Faciles. Les polars avaient la côte, en ce sens. Fred Vargas et Arnaldur Indridason. J’ai ainsi lu « l’homme du lac » du deuxième, et puis relu « l’homme à l’envers » de la première. Pas de bol, j’avais également lu il y a peu « un lieu incertain, » également disponible dans notre mallette de voyage commune.
C’est ainsi, que à court de lecture, je me suis retrouvé avec « l’usage du monde » de Nicolas Bouvier. Livre que je classais a priori dans la catégorie des trucs chiants. D’ailleurs l’idée de lire du Nicolas Bouvier spontanément, comme ça, dans le RER, entre maison et boulot (ou vice versa), ne m’a jamais effleurée : la littérature de voyage n’étant vraiment mon genre préféré. Mais il est des occasions, comme ça, où l’on peut essayer de nouvelles choses. C’est ainsi que j’ai tenté la lecture — sans grande conviction — de Nicolas Bouvier.
Une sorte de carnet de bord de son voyage en voiture au début des années cinquante, en compagnie du peintre Thierry Vernet. Mais un carnet de bord sans dates, avec des noms de lieux qui traversaient ma tête sans forcément s’y arrêter. Là n’est pas le plus important. Et de fait, aucune carte ne vient matérialiser la lecture. Comme sous ma tente je n’avais ni atlas mondial, ni google, et que mes connaissances géographiques sont ce qu’elles sont, les noms de lieux sont passés. Sans repasser. Ni rester, d’ailleurs. Mais finalement, ce qui m’a fait dépasser les premières pages, ce n’est pas le fil conducteur géographique, mais l’écriture elle-même. Les mots s’enchaînent avec un naturel désarmant, la lecture en est un plaisir véritable. C’est très très bien écrit. En fait, ce gars m’a rendu jaloux. Parce qu’entre deux tranches de lecture, je passais une bonne partie de mon temps à écrire mon propre journal de bord de mon propre voyage. Et franchement, me relisant, je trouvais ma prose de bien piètre qualité. On va donc pas en faire en faire un bouquin, je me demande même si je vais vous la montrer par ici...
Bref, donc ce récit de Nicolas Bouvier, superbe moment de littérature. On va dire tout de même qu’une petite carte glissée entre deux pages aurait pu aider à la rêverie, surtout pour ceux qui ont laissé leur atlas au vestiaire. Le titre est un peu pompeux — présomptueux ? —, je ne suis pas sûr d’en avoir saisi le sens... Et puis finalement, à la fin, on reste un peu sur notre faim. L’auteur nous plante sur un col, et continue son chemin sans nous. Et alors, on fait quoi, là, maintenant ?
Sinon, outre le fait que le gars écrit superbement bien, je me suis pris à comparer sa manière de voyager et la mienne. Certes, nous sommes quasiment à soixante ans de différence, mais tout de même on peut encore de nos jours se balader comme lui. En voiture, au petit bonheur la chance (mieux vaut connaître un brin de mécanique !), s’arrêter ici et là, travailler pour remplir la bourse, repartir. Mais surtout, surtout, ce qui transpire à travers son récit, ce sont ses rencontres. Il voyage pour voir du monde et surtout rencontrer des gens.
Et finalement, moi, je me rends compte que je voyage surtout pour voir des choses. Des paysages. Des fleurs. Des montagnes. Des cailloux. Éventuellement des monuments. S’il y a de belles rencontres à la clef, tant mieux, mais ce n’est pas ma motivation principale. Ceci étant, dans le voyage au Népal que nous venons de faire, tout un chacun l’a vécu de manière différente. Chaque membre de l’équipe pourrait vous faire son récit, vous y verriez probablement des voyages différents. En fait, un voyage, c’est quelque chose de complètement subjectif.
Oui, je compatis, c’est comme moi avec les ballades à la places des balades... Merci donc pour avoir pointé l’erreur ! Quand j’ai écrit cet article, je me suis dit inconsciemment que ce mot ne sonnait pas très bien. De fait. Ceci étant, en français, pour dire qu’on change de moyen de transport, ou d’avion dans un aéroport, on dit correspondance. La connexion, c’est de l’électricité (entre autre). De la connectique, en somme !
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