Refuge ou hôtel ?
D’après le Petit Robert, un refuge est un « (XIVe) lieu où l’on se retire pour échapper à un danger ou à un désagrément, pour se mettre en sûreté. […] (1877) Petite construction en haute montagne, où les alpinistes peuvent passer la nuit, s’abriter en cas de mauvais temps, etc. » ; tandis que le même Petit Robert définit un hôtel comme une « (XIIIe) maison meublée où on loge et où on trouve toutes les commodités du service. »
Petite virée dans le Mercantour dans la vallée de la Vésubie autour du refuge de la Madone de Fenestre. Je voulais réserver le refuge pour le groupe d’alpinistes du GUMS, soit 12 personnes. Impossible de le faire de vive voix, il faut absolument le faire par la « centrale de réservation » sur le web. Je tente la chose, qui au final me demande de débourser 20x13 = 260 euros d’arrhes… Arrrgh ?!? Du coup, je lance à la cantonade que la réservation, ce sera chacun pour soi. Quant à moi, encadrant du CAF ne payant pas les nuitées en refuge CAF, réservant seulement la-dite nuitée, je devais payer 0 € plus quelques taxes. Et l’engin me demande sans sourciller 20 € d’arrhes ?!? Bon gré mal gré, je sors ma carte bleu et paye.
Au moment de faire la facture à l’issue du séjour, le gardien, fort sympathique, mais visiblement dépassé par la technologie de la « centrale » mise en place par la fédération, commence à péter un plomb quand je m’amène pour payer. Pour me faire rembourser, en fait, plutôt. J’ai dû m’y reprendre à pas mal de fois pour récupérer mon dû.
Par ailleurs, ce qui aurait pu être utile pour le gardien, à savoir de connaître le nombre de repas, de petits-déjeuners, etc, réservés, afin de préparer la juste quantité, s’avéra d’une fiabilité douteuse ce week-end-là en tout cas. Je me demande néanmoins quelle est l’apport de cette technologie comme aide au gardien... Du temps des lignes téléphoniques, il avait également ces informations... ?!?
Bref, un système impersonnel, où l’on peut ne plus avoir de contact verbal avec le gardien du refuge, pour réserver sa place. Ainsi le gardien ne sait plus d’où on vient, comment, où on va, etc. Peut-être s’en moque-t-il, comme ce fut le cas là, mais bien souvent, ça ne l’est pas. Le lien humain est ainsi brisé. Certes, curieusement, le téléphone au refuge de la Madone était en panne, tandis que l’internet fonctionnait. Mais ce n’est pas habituel. Il faut néanmoins forcément réserver par internet.
Certes, il s’agit peut-être là d’un revers cynique de notre société qui s’individualise tant et plus : les gardiens de refuges sont bien souvent à la peine quand untel qui avait réservé de vive voix sans autre gage que sa bonne foi, ne se pointe pas et semble s’être évaporé. C’est d’autant plus préjudiciable quand il s’agit d’un groupe. Que faire, préparer le repas, réserver quand même une couchette, refuser du monde ? Places libres qui auraient pu être éventuellement occupées. Bref, on réserve, et puis on oubli qu’il y a un véritable engagement moral derrière cette réservation. Je peux comprendre que les gardiens souhaitent mettre en place un système d’arrhes devant cette dérive. Mais d’un autre côté, que se passe-t-il si on annule ? Va-t-il désormais falloir justifier une annulation (avec certificats médicaux, bulletins météo, ou que sais-je...) pour récupérer son dû ? Comme toujours, le comportement irrespectueux d’une poignée pénalise au final l’ensemble. Un des derniers systèmes basé uniquement sur la confiance et qui fonctionne (fonctionnait) plutôt pas mal se voit tendre vers une rupture de cette confiance — reste à savoir qui l’a initié ! — et donc apposer des garde-fous liberticides.
Le refuge d’antan se transformerait-il en hôtel ? Qui sait ? Les refuges deviennent de plus en plus confortables. Celui de la Madone, bien que vétuste par certains côtés, est par ailleurs équipé de douches (chaudes) ! Évidemment, elles furent prises d’assaut, les douches. Mais est-ce bien nécessaire ? D’autant qu’elles sont obligatoires les douches, comme à la piscine, puisqu’on les paye qu’on le veuille ou non. Taxe sanitaire. En plus de la taxe séjour. Enfin, obligatoires les douches, non, évidemment, mais la taxe, elle, oui !
Forcément, le confort a un prix. Donc si on veut plus de confort cela se traduit inévitablement par un tarif plus élevé. Le problème c’est que moi, si je veux le même confort qu’à l’hôtel, ben je vais à l’hôtel. Et je n’ai pas forcément envie de payer pour un confort identique (que je ne viens pas chercher) dans une bâtisse en pleine montagne. Dernier spécimen de mon espèce ?
Un peu plus tôt dans la saison, petit week-end de ski en Vanoise. Les refuges de la Vanoise sont certes réservables par internet, mais ils acceptent quand même encore qu’on les appelle pour ce faire. Par contre, pas de tarif Club Alpin et encore moins encadrant du Club Alpin. Ils sont gérés par le Parc National de la Vanoise. Par contre la nuitée avec demi-pension au refuge de l’Arpont à plus de 50 € m’est un peu restée en travers du porte-monnaie. Certes, le refuge est refait à neuf, il est chouette, on y mange comme des rois, mais bon, je préfèrerais manger des trucs moins sophistiqués et moins cher ! Déjà que je boycotte les refuges Suisses hors de prix (et en plus à l’accueil laissant à désirer et au dîner/petit déjeuner plus que léger pour celui du Wildhorn). Si les refuges français suivent la même pente, je vais réfléchir à deux fois avant de m’y pointer. On se croirait dans le massif du Mont Blanc, où plus exactement sur la voie normale du-dit Mont Blanc. J’en parle par ici, les refuges de Tête Rousse et du Goûter sont inabordables. Pourtant le premier n’est pas d’un confort particulier, probablement que seul l’attrait de la montagne a fait grimper les prix ; quant au deuxième, je n’y ai jamais mis les pieds, seulement entendu parlé, et passé à côté, mais cela semble être plus un hôtel d’altitude qu’un refuge au sens premier du terme. Moche en plus, et moche de loin.
Heureusement, tous n’en sont pas (encore ?) là, un certain nombre de cahutes, dans les Écrins, en particulier, dans d’autres massifs, aussi, ne soyons pas sectaires, pratiquent l’accueil chaleureux, la bonne bouffe copieuse et bon marché. C’est toujours un plaisir que d’aller les voir. Même si parfois les toilettes sont spartiates et les douches absentes.
Et puis quand les refuges seront devenus des hôtels, je (re)partirai avec la tente sous le bras. Na.
Bah, certains sont encore spartiates. Même si la dérive luxueuse est flagrante. J’aime bien aller dans certains refuges qui ont gardé l’âme qui va avec, mais c’est vrai que le bivouac, ça reste magique. J’apprécie le côté liberté, en particulier en raid. Le corolaire ce sont les sacs plus lourds...
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