Topos
Guide topographique. Topoguide. Un « topo » est un livre très utile pour qui aime à fréquenter la montagne dans sa dimension plus ou moins verticale : il indique la voie ! Comment la trouver, comment la suivre, et quelle en est la difficulté. Voilà pour la sémantique.
Je suis tombé sur un article d’un sociologue des sports de montagne et de l’escalade, Jean Corneloup, intitulé « Sociologie des topos d’escalade » (in Espaces — Modes d’emploi, Dossier de la revue de Géographie Alpine, 1999, n° 20, p. 31-40). Cela m’a donc inspiré, pour faire ici ma sociologie des topos, et pas seulement d’escalade. Mais n’étant pas sociologue, je ne vais pas pouvoir compter cet article dans ma liste de publications. Vocation ratée. Dommage.
Si Jean Corneloup trouve que le topo moderne manque cruellement d’une touche poétique (« Une poétique fait cruellement défaut »), moi, tout pragmatique que je suis, j’aurais plutôt tendance trouver que les topos pourraient être plus légers s’il y avait moins de poésie et de choses inutiles dedans : quand il faut le mettre dans le sac parce qu’on a pas de photocopieuse sous la main afin de n’emporter que la page utile, celle qui décrit la voie que l’on projette, la poésie, on s’en fou. Il y a des bouquins spécialisés dans la poésie (et ils ne font pas topo d’escalade, eux !). Il décrie la trop grande uniformité des descriptions des voies, d’un massif à l’autre, d’une montagne à l’autre : « D’une certaine manière, les lieux deviennent interchangeables. Selon cette logique le site importe peu ; seule la cotation compte. [...] le lieu apparaît sans histoire, sans culture, sans inscription dans une réalité culturelle et ethnique de quel ordre que ce soit... ». Là encore notre sociologue a dû se tromper de littérature ! Quant à moi je trouve qu’un standard normalisé ne serait peut-être pas plus mal, ne serait-ce que pour éviter les topos à trente euros les dix pages (je caricature à peine), avec des descriptions proprement indéchiffrables parce qu’au gré des élucubrations de son auteur... J’aurais dû être sociologue, visiblement, il suffit d’écrire quelques inepties avec des mots savants pour pouvoir ajouter une publication à son CV ! Mais là n’est pas mon propos...
Les topos d’escalade que l’on peut feuilleter ne manquent jamais de rappeler au grimpeur qu’il doit acheter les topos, que cela permet de financer l’équipement des voies, entretenir l’existant et créer de nouvelles lignes. Alors, mouton de Panurge sociétal dans le plus pur style capitaliste de base, j’achète les topos : ils remplissent désormais toute une étagère de ma bibliothèque ! Topos d’escalade sportive, topos d’alpinisme, topos de ski de randonnée... Je peux effectivement comprendre que l’équipement d’une voie représente un coût à la fois financier (matériel : perforatrices, goujons, plaquettes, cordes...) et humain : il faut bien passer du temps à les faire ces trous, pour placer ces goujons et visser ces plaquettes qui finiront par servir à mousquetonner les dégaines du grimpeur tout en le retenant par sa corde en cas de chute impromptue. L’achat des topos d’escalade permet ainsi au grimpeur-utilisateur de contribuer à tout cela (encore que je suis tout de même parfois curieux de savoir où va l’argent récolté sur la vente des topos, au final).
En revanche, pour le ski de montagne ou l’alpinisme, le topo ne sert pas vraiment à équiper la montagne, qui n’en a alors pas besoin, mais seulement à répertorier un ensemble d’itinéraires originaux ou pas. Ce n’est ainsi qu’un livre presque comme les autres qui ne sert qu’à engraisser (enfin vu le public par essence restreint, l’engraissement ne doit pas être folichon, il faut l’avouer !) son auteur (et puis l’éditeur et le libraire au passage), qui certes se sera parfois casser la tête pour trouver des itinéraires originaux en sus de l’existant. Mais alors pourquoi vouloir vendre cela ? Ce capitalisme de base en montagne, je trouve ça un peu dommage : vendre, vendre, vendre. Toujours. Ben oui, mon bon m’sieur, mais vous savez, faut bien vivre, que voulez-vous... D’autant que finalement, il y a des blaireaux pour les acheter ces topoguides aux tarifs exorbitants : j’ai quasiment toute la collection des toponeiges, topos de ski de randonnée, qui ne servent à rien d’autre qu’à me donner des idées de course. Certes, ils sont jolis, avec une belle couverture cartonnée et des photos (en couleur ou pas) sur papier glacé, et sans surplus poétique ! Et les idées y sont bonnes, alors... Mais le prix est carrément prohibitif.
Donc je suis complétement pour les sites collaboratifs, comme camptocamp, qui proposent des topos par tous et pour tous. C’est quand même plus sympa, le partage, en montagne, non ? Surtout que la plupart des auteurs de topos payants, font ça pour leur plaisir (enfin, j’espère !), ce n’est pas leur métier que de décrire des itinéraires et des courses en montagne. Pourquoi ne mettent-ils pas leurs trouvailles à disposition libre de la communauté ? Heureusement que certains le font. Tous les moyens sont bons pour gagner quelques deniers.
Parce que oui, les topos, c’est cher. D’autant que si on va grimper dans une région, même restreinte où seules deux falaises se battent en duel, plutôt qu’un seul topo regroupant l’ensemble, il faut acheter DEUX topos (genre « Tautavel » ET « Vingrau, » les deux sites étant à quelques kilomètres l’un de l’autre). Ben oui. Et dont le prix est loin d’être modique. Parfois, il faut deux topos, qui se recouvrent en partie, mais pas totalement, bien sûr (genre « Oisans est » ET « Haut-val Durance »). Bref, on achète des topos, et puis voilà... Même chose pour le ski, il faut toute une pile de bouquins pour couvrir une région somme toute restreinte. Sans parler de la redondance entre les différents auteurs et éditions ! Bref, un vrai foutoir !
De surcroît, ces guides devraient être idéalement sous forme de fiches détachables afin qu’on ne puisse prendre dans le sac que celles dont on a besoin pour la course envisagée. Ça serait plus pratique et moins lourd dans le sac. D’ailleurs, ça existe déjà, en catimini, puisque « La rando à skis selon Jean » est un ensemble de fiches au format d’une carte IGN (pliée !), imprimées sur du papier résistant, et pour un prix à peu près deux fois moindre que d’autres topos. Autres topos, dont les auteurs devraient en prendre de la graine...
Je râle, je râle, mais après tout, je ne suis pas obligé de les acheter et de les utiliser ces topos ! Enfin, si en ski on peut facilement s’en passer (une bonne carte est bien souvent largement suffisante), en escalade et en alpinisme, c’est tout de suite plus délicat, surtout avec un petit niveau comme le mien : le topo permet d’éviter de se fourvoyer dans des entreprises impossibles. Un certain garant de sécurité. Difficile de passer outre. Donc si on ne râle pas comment améliorer la chose ?
Guillaume Blanc
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