10 ans. Dix ans que je n’ai plus la télé chez moi. Et puis même avant, je ne l’ai jamais, finalement, beaucoup regardé. Quoiqu’il en soit les heures passées devant furent les pires de ma vie. Désormais, le câble d’antenne s’est retrouvé emplafonné chez nous pendant les travaux. Aucun risque de pouvoir la regarder à nouveau.
Je me suis déjà inquiété par ici de la forte propension de mes contemporains à rester scotché des heures et des heures durant devant la petite (qui devient d’ailleurs de plus en plus grande, tendant à remplacer des pans entiers de papier peint, au point qu’on peut désormais facilement regarder la chose depuis la rue) lucarne, mais c’était une inquiétude un peu floue, sans réel fondement. Une intuition.
Et puis alors que je furetais dans une librairie, comme à mon habitude, je suis tombé par hasard sur un bouquin qui ne payait pourtant pas de mine — couverture anti-attractive —, relégué sous l’étagère d’exposition malgré sa récente parution (2011), avec un titre qui ne casse pas des briques, « TV lobotomie : la vérité scientifique sur les effets de la télévision, » en revanche la quatrième de couverture m’a paru tout de suite intéressante, et le fait que l’ouvrage fut écrit par un neurologue, Michel Desmurget, directeur de recherche à l’INSERM de son état, était pour moi l’assurance que je n’allais pas trouver, en le lisant, de jugements à l’emporte-pièce dénués de fondements. J’ai donc lu ce livre.
Ce qu’on y trouve est absolument effrayant. C’est pourquoi je tiens à en parler, pour vous dire de le lire si toutefois le résumé que je vais faire ci-dessous ne vous satisfait pas, mais surtout, surtout, pour vous convaincre de balancer votre télé...
Énervé par la colèreUn beau soir après la guerreJ’ai balancé ma télé par la f’nêtrecomme j’suis un garçon primaireJe m’suis dit : un militaireAvec un peu d’bolS’la mange en pleine tête !Libérés, enfin mes yeuxOnt r’gardé l’scaphandrier d’l’aquariumQui cherche un trésor planquéSous les cailloux bariolésPauv’ bonhomme...[...]
Renaud
Le pire dans les 247 pages de l’essai, c’est qu’il n’y a aucun parti pris, chaque assertion de l’auteur est issue de références dont la plupart sont des publications scientifiques sur le sujet (67 pages de bibliographie pour approfondir, soit 1193 références). Le « pire » parce que les conclusions de la quasi-totalité des études scientifiques sur les effets de la télé sur nous autres humains sont sans appel : la télé nous rend con et nous tue à petit feu. Enfin, je dis nous, mais je ne me sens pas trop concerné en tant qu’individu (non, la télé ne m’aura pas !), mais plutôt en tant qu’espèce... Les scientifiques en sont convaincus, reste à convaincre le reste du monde. Michel Desmurget nous dit qu’on est avec la télé un peu comme dans la situation du tabac il y a quelque décennies, la communauté scientifique savait combien c’était nocif, mais nombre de « pipeaulogues » faisaient un véritable travail de sape pour prétendre le contraire. C’est exactement la même chose avec la télé, les pipeaulogues fonctionnent à plein régime pour vous dire que non, la télé n’est pas ce monstre cynique qu’on cherche à lui faire jouer, tout au plus un bouc émissaire. Et pourtant, si.
Le livre est découpé en quatre chapitres, que je vais tenter de résumer sous forme de citations factuelles ci-dessous.
Dans les pays développées 99 % des foyers ont au moins une télévision (p. 39). Le petit écran est partout en position centrale : la maison s’organise autour de la télé.
En 2009 la consommation mondiale moyenne atteignait des sommets : 3h12 par personne et par jour (p. 42). 60 % des adolescents français de 15 ans regardent la télé plus de 2h par jour (p. 42). Et contrairement à une idée reçue, les adolescents n’abandonnent pas la télé pour internet, leur consommation télévisuelle ne cesse de croître (ils surfent sur le net beaucoup moins que les adultes, 11h32m par mois contre 29h15) (p. 43).
Il y a là un marché juteux : « le spectateur n’est pas le client, il est au sens propre une marchandise que les chaînes revendent aux annonceurs » (p. 53) Elles vendent ainsi du temps « cerveau humain disponible. » Et cela commence très tôt. Les parents sont incités à coller leurs mouflets devant la petit lanterne pour avoir plus de temps pour faire autre chose : une fois devant l’écran, les jeunes enfants deviennent sages comme « des bovins apathiques. » Plus besoin de s’en occuper constamment (p. 47). Or « le volume de télévision absorbé durant la petite enfance annonce globalement la consommation adolescente, qui augure elle-même de l’exposition adulte » (p. 46).
Le pouvoir éducatif de la télé ? Dès 4-5 ans les enfants passent le plus clair de leur temps devant de programmes « tous publics » ; l’offre à destination des enfants est constitué à plus de 90 % de fictions. Alors le pouvoir didactique de la télé... (p. 55).
La télé facteur de socialisation des enfants dans la cours de l’école ? « Non seulement aucune donnée ne vient soutenir ce genre d’affirmation joliment péremptoire, mais tous les éléments disponibles tendent clairement à infirmer la pertinence du propos » (p. 55). Au contraire « nombre d’observations casuelles soulignent l’excellente intégration sociale des enfants élevés loin de la télévision » (p. 56).
Les affirmations dans les sondages sont minimisées et travestissent la réalité : les parents tendent à minimiser le temps passé devant la télé de leur progéniture de 50 à 60 % (p. 56). En France, la chaîne Arte est placée loin devant TF1 en terme de satisfaction, pourtant, curieusement, TF1 devance largement Arte en terme d’audience (26 % contre 1,7 % en 2009)... Sur les 50 meilleures audiences en 2009, toutes réalisées par TF1, aucun documentaire... (p. 57)
Le mythe de la qualité : « il y a sans doute quelques perles d’exceptionnelle qualité sur le petit écran, mais celles-ci ne peuvent que passer inaperçues, noyées qu’elles sont dans un océan d’inanité » (p. 60). Il est en effet impossible de réaliser suffisamment de programme de qualité (qui coûtent nécessairement du temps et de l’argent) pour remplir les millions d’heures de programmes qui défilent sur les différentes chaînes ! De surcroit, la large diversité de l’auditoire incite à proposer des programmes en terme de « plus petit commun cerveau. » (p. 61) Le nivellement par le bas est à la mode dans notre société. À la télé il s’agit d’éviter d’égarer le chaland, de le contraindre ainsi à rester en évitant toute dérive langagière trop soutenue qui pourrait le perdre. Et le faire zapper. Surtout, restons simple, hein. Au cas où il faudrait réfléchir un peu !
Ainsi non seulement les discours politiques apparaissent avec un champ lexical de plus en plus restreint (et notre président actuel est un champion en la matière !), mais le monde télévisuel est « dichotomique fait de noir et de blanc, un monde sans gris ni complexité, un monde dans lequel les gentils sont totalement bons et les méchants unanimement malfaisants » (p. 62).
Des élèves de CM1 furent même amenés à prédire la suite des événements d’une série télé au-delà du premier épisode : ils furent 80 % à prédire plus de 70 % des événements futurs ! La même expérience avec un livre de jeunesse donne des taux de prédiction inférieurs à 35 % pour 85 % des élèves (p. 63).
De nombreuses études montrent que le niveau baisse.
En 2008, plus de 1000 élèves de seconde furent soumis aux épreuves de français du brevet des collèges de 1976 (dictée avec questions de vocabulaire et de grammaire). 86 % n’ont pas eu la moyenne à la dictée, 60 % eurent simplement zéro (p. 78). En 2007, un organisme a repris une enquête initialement réalisée en 1987 pour estimer les performances des élèves de CM2 en calcul, lecture et orthographe. Les résultats montrèrent « sur 20 ans, une baisse significative des performances des élèves dans les trois compétences. » Les résultats quantitatifs sont éloquents : la perte représente deux niveaux scolaires : en 2007, des collégiens de 5e avaient les mêmes résultats que des écoliers de CM2 en 1987 ! (p. 80-81).
Des études éloquentes montrent une évidente corrélation entre cette baisse de niveau et la télévision. Par exemple, une équipe de chercheurs suivi de près l’arrivée de la télévision dans une ville de fond de vallée, qui en 1973 n’était toujours pas raccordée. Une batterie de tests fut menée au cours du temps, en même temps que dans deux autres villes témoins qui possédaient déjà la télévision (p. 93). Des écoliers de niveau CE1 furent testés dans le décodage de mots et de phrases tests représentatives d’un apprentissage de la lecture. Les enfants de la ville sans télé avant l’arrivée de celle-ci présentaient une large avance sur les autres. Différence toujours présente deux après l’arrivée de la télé (les enfants étaient alors en CM1). En revanche, deux ans après d’autres enfants de CE1 ne présentaient plus aucun avantage sur leurs camarades des deux autres villes témoins (p. 94). « Le temps passé par les enfants et adolescents américains à regarder la télévision est associé négativement avec leurs performances scolaires. »
Depuis 30 ans ces données ont été largement confirmées. Malgré les évidences et le consensus des scientifiques sur la question, la polémique fait rage. On objecta que les émissions éducatives n’étaient pas concernées, que c’est parce que les enfants étaient en échec scolaire qu’il regardaient la télévision, que les effets sont tellement faibles qu’ils peuvent être négligés.
Les émissions éducatives ont d’une part tendance à formater le niveau par le bas, toujours pour ratisser au plus large. De surcroît les enfants passent la majorité de leur temps devant des programmes récréatifs, n’allant regarder des programmes dits éducatifs que marginalement.
Quant au deuxième point, il a été montré que si les enfants réduisent leur consommation télévisuelle, les performances scolaires et cognitives des élèves reprennent de la hauteur. L’argument de causalité devient ainsi caduc. De plus, des recherches ont montré l’existence d’effets lointains : par exemple, « une forte consommation audiovisuelle en fin de maternelle prédit des difficultés en lectures à l’entrée en CM2. » ou bien que « l’amplitude de la consommation télévisuelle infantile (5-11 ans) était significativement associée à la probabilité d’obtention d’un titre universitaire à l’âge adulte. » (p. 97)
Quant à l’argument de la faiblesse, l’auteur y répond de la manière suivante : « peut-on dire qu’une influence est faible lorsque des enfants de 8 ans n’ayant pas de télévision dans leur chambre présentent par rapport à leurs congénères équipés des performances supérieures de 21 % en lecture, 26 % en compétence verbale et 34 % en mathématique ? Ce dernier chiffre signifie pour rester concret, que les moyennes sur 20 de deux enfants identiques en tous points s’établiront à 9 et 12 selon qu’une télévision sera ou non présente dans leur chambre. »
Le temps passé devant la télévision n’est plus consacré à la lecture ou à faire les devoirs. Les enseignants ne reçoivent-ils pas de plaintes de parents prétextant que leur progéniture n’a pas assez de temps pour faire les devoirs ?
La télé est toujours allumée dans 4 foyers sur 10, elle sert de bruit de fond. Les enfants soumis à cette omniprésence audiovisuelle ont 3 fois plus de chances de ne pas savoir lire à la sortie du cours préparatoire ! (p. 103)
Les enfants ne lisent plus. Ou beaucoup moins. Ce qui est dommage car « la lecture à l’âge adulte prend ses racines dans l’enfance. » (p. 106)
Par ailleurs la télévision véhicule des « valeurs complètement opposées à celles de l’école : promotion de la réussite spectaculaire sans efforts, promotion de l’exposition de l’intimité, fonctionnement dans l’instantané et la satisfaction immédiate. [...] Il ne faut que quelques instants au plus navrant crétin pour devenir une « star » et occuper la Une des magazines people. Un QI de blaireau suffit à comprendre, sans effort ni délai, 99,9 % des émissions du PAF [1]. »
Faible goût pour le savoir. La télévision détruit l’école à petit feu. Le goût de l’effort est altéré, travailler pour réussir est une notion qui devient obsolète. Certes la réussite par le petit écran est plus marginale et éphémère — et quelle réussite ! — que celle acquise par un savoir péniblement acquis au cours de la scolarité.
Un solide corpus expérimental montre que le petit écran accroît l’impulsivité comportementale et cognitive des enfants, tout en diminuant leur propension à la persévérance, leur appétence pour les tâches intellectuellement exigeantes et leur capacité de concentration (p. 109).
La télévisions disloque la pensée de l’enfant, qui délaisse de plus en plus d’autres activités intellectuellement structurantes comme la lecture, le jeu, les devoirs.
Depuis une dizaine d’années des études ont montré que les activités spontanées du jeune enfants était lourdement perturbées par la présence même d’une télévision allumée dans la pièce (changement de jeu plus fréquent, schèmes ludiques moins riches, plages de jeux raccourcies et moindre concentration pendant ces plages). Perturbations qui altèrent le QI à long terme (p. 113).
Depuis quelques années de nombreux programmes destinés aux tout-petits ont vu le jour, les vendeurs de cerveau ayant bien compris le résultat des études scientifiques qui montrent que des sujets de 2 ans et moins peuvent passer plus de 70 % du temps à fixer l’écran en présence de contenus ad hoc (p. 114), pour l’exploiter.
Depuis 20 ans, la proportion d’enfants de moins de 1 an exposés quotidiennement à la télévision a quasiment quadruplé pour atteindre aujourd’hui les 60 %. 40 % des nouveaux-nés de 3 moins regardent la télé ! La durée de consommation quotidienne avoisine alors 1 heure. [...] À 24 mois, la proportions de spectateurs s’élève à 90 % et le temps journalier de visionnage monte à 1h40. (p. 115)
Ces chiffres sont pour le moins effrayants ! Car comme nous l’explique Michel Desmurget, il faut savoir que la télévision n’enseigne rien, ne permet pas de câbler les neurones présents à la naissance mais inertes et ne sollicite aucune des compétences fondamentales que le cerveau en formation doit construire. L’encéphale ne s’organise pas en observant le réel, mais en agissant sur lui (p. 120).
Un « déficit vidéo » a effectivement été mis en évidence. Si l’enfant voit une action en vrai, il est capable ensuite d’agir, tandis que s’il voit la même action par l’intermédiaire d’un écran vidéo, il ne se passe rien, il ne tire aucun bénéfice des informations qui lui sont délivrées (p. 123). Une expérience étonnante est citée p. 124 impliquant des enfants de 2 ans. Un expérimentateur cache un objet dans une pièce voisine de celle où se trouve l’enfant, dans une des cachettes qui avaient été identifiées conjointement auparavant. Ensuite, l’expérimentateur soit revient en personne dans la pièce pour expliquer à l’enfant où il a caché l’objet, soit il explique à l’enfant où il se trouve via un écran vidéo. Dans le cas interface réelle, l’enfant retrouve ensuite l’objet plus de 3 fois sur 5. Dans le cas écran, l’enfant retrouve l’objet que dans 1 cas sur 5, ce qui est grosso modo le seuil du hasard.
Il en est de même de l’apprentissage du langage. Les programmes permettant soi-disant d’enrichir le vocabulaire de l’enfant ainsi que toute la panoplie de DVD éducatifs qui va avec sont au mieux inutile et ont au pire un effet délétère sur l’acquisition du vocabulaire, comme le montrent toutes les études académiques récentes (p. 125).
Au passage, même pour les adultes la télévision est très peu efficace pour apprendre les langues étrangères, malgré une tenace idée reçue en la matière. « Les spectateurs parviennent à apprendre quelques mots mais échouent lamentablement à acquérir la moindre compétence syntaxique. » (p. 128)
« Action castratrice de la télévision sur l’imaginaire enfantin trouve un large écho dans la littérature scientifique. » (p. 134)
« Moins de mots aux stades précoces du développement, cela signifie en bout de chaîne, pour l’enfant, moins de langage et moins d’intelligence. » (p. 131). Et ceci est vrai quand le poste est allumé, même si l’enfant ne le regarde pas directement.
« La télévision capture l’imagination mais ne l’affranchit pas. Un bon livre stimule et libère immédiatement l’esprit. » (p. 135)
Pour vous convaincre en image :
En conclusion, « la petite lucarne ne rend pas les enfants patemment débiles ou visiblement crétins, mais elle empêche assurément le déploiement optimal des fonctions cérébrales. Tous les champs sont touchés, de l’intelligence à l’imagination, en passant par le langage, la lecture, l’attention et la motricité. » (p. 136)
« Si on prend aujourd’hui, collectivement, des mesures pour diviser par deux la consommation audiovisuelle des écoliers du primaire (légèrement supérieure à 2h par jour), ce n’est plus 65 % (niveau actuel) mais 74 % d’une classe d’âge qui obtiendra le bac dans 10 ans. Une hausse miraculeuse qui interviendra « naturellement », sans qu’il soit nécessaire de bidouiller les épreuves, de soudoyer les jurys d’admission, de recruter des milliers d’enseignants ou de dépenser des sommes pharaoniques chez Acadomia ! » (p. 137)
Jusque là, j’aurais pu me limiter à intituler cet article « Regarder la télé rend crétin, » mais c’était sans compter les risques sur la santé du petit écran. Or la télé tue parce qu’elle « accroit considérablement la prévalence de l’obésité, du tabagisme, de l’alcoolisme, des troubles du sommeil, des actes suicidaires, des conduites sexuelles à risques et des désordres du comportement alimentaire (boulimie/anorexie). » (p. 141) Regarder la télévision « plus de 4 heures par jour multiplie presque par 2 ses chances de mourir d’une maladie cardio-vasculaire, en comparaison d’un congénère dont l’exposition reste inférieure à 2 heures quotidiennes ! »
Qui regarde la télé bouge moins (moins de temps consacré au sport, par exemple, p. 148), mange plus (manger en regardant la télé retarde le sentiment de satiété (p. 148) et de manière beaucoup moins équilibrée (p. 150). La publicité a une large part de responsabilité, mais elle n’est pas seule. Les films populaires sont également d’incidieuses incitations à consommer les marques qui sont montrées (la « magie des placements de produits ») (p. 155).
D’où l’épidémie d’obésité constatée aujourd’hui...
La télé incite à fumer... Et « plus les enfants sont jeunes quand ils fument pour la première fois, plus ils risquent de fumer régulièrement par la suite et moins ils ont de chances d’arrêter. » (p. 163) « Plus un adolescent voit d’acteurs fumer à l’écran et plus il a de chances de devenir un client stable de nos amis cigarettiers. » (p. 164) Pour ce qui est de la télévision, une étude montre que « 17 % des fumeurs recensés à 26 ans l’étaient devenus par excès de télévision entre 5 et 15 ans. Le seuil d’excès fut alors arbitrairement fixé à 120 minutes par jour. » (p. 171)
L’alcool... Boire plus et plus tôt. Bien qu’absent de la publicité, l’alcool est omniprésent à la télévision, à travers « les programmes de prime time, les clips musicaux et les productions cinématographiques. [...] Plus un jeune spectateur voit d’acteurs jouer de la bouteille et plus il a de chances de boire précocement, en larges quantités. » (p. 179)
La télé accroit le déclin cognitif des seniors : la probabilité de contracter la maladie d’Alzheimer s’accroit de 30 % pour chaque heure de télévision consommée entre 40 et 60 ans (p. 25). Maladie qui a d’autant moins de chance de se déclarer que nos fonctions cognitives sont activement sollicitées.
La télé diminue l’âge du premier rapport sexuel, et colporte de dangereux stéréotypes sur la sexualité. Ce qui entraîne de graves conséquences sanitaires : grossesses précoces, carence contraceptives, relations multiples, contaminations infectieuses (p. 191). Elle perturbe également nombre de jalons de notre sexualité, dont l’estime de soi et l’image du corps (p. 192)
La télé altère le sommeil : plus un individu la regarde, moins il dort, et moins il a un sommeil de qualité (p. 197-199). Or le manque chronique de sommeil induit sur notre organisme des effets dévastateurs (obésité, diabète, hypertension, dépression, perturbations du développement cérébral, émergence de comportements suicidaires, affaissement des défenses immunitaires, augmentation de certains cancers, etc (p. 195).
Michael Moore nous l’avait déjà démontré à travers son superbe documentaire « Bowling for Columbine, » la télé est clairement vecteur de peurs et induit en retour encore plus de violences.
« Les évidences sont maintenant claires et convaincantes : la violence dans les médias est l’un des facteurs causaux des agressions et de la violence réelle. » (p. 206)
« L’augmentation des programmes à la télévision susceptibles de choquer les enfants est substantielle et alarmante [...] Il est important que les parents arrêtent de croire que leurs enfants sont en sécurité devant la télévision. » (p. 214) Et ce même si la chose est connue depuis des décennies.
Il faut noter là, que « plusieurs recherches récentes ont montré que les contenus agressifs et brutaux étaient, à travers le stress qu’ils imposent au cerveau, une véritable bénédiction pour les annonceurs. » (p. 215)
De surcroît le visionnage de scènes violentes induit un comportement violent. C’est en particulier vrai chez les enfants (p. 219). Et si les comportements violents diminuent lorsque la consommation audiovisuelle baisse (p. 221), en revanche le pouvoir de celle-ci s’étend largement au-delà de la période de visionnage (p. 222) (« chaque heure de télévision consommée à la maternelle augmente de près de 10 % la probabilité de voir l’enfant se comporter de manière oppressive avec ses pairs à l’école primaire », p. 223) Ce genre de situation peut même se propager entre l’enfance et l’âge adulte !
La télé cultive la peur d’être agressé. Celle-ci « augmente effectivement en proportion du temps passé à regarder les journaux d’information locales. Ce sentiment est parfaitement irrationnel, c’est-à-dire indépendant du niveau effectif de délinquance locale » (p. 231).
Je vous invite à lire le livre de Michel Desmurget, éloquent dans sa démonstration, terrifiant par ses conclusions.
Suite à cette lecture, j’ai l’impression d’avoir un certain nombre de réponses quant à diverses questions qui me turlupinent. Désaffection des jeunes pour les études scientifiques, chose que je tentais d’expliquer naïvement par l’intrusion d’internet. Mais la télé semble être une explication plus naturelle. Même chose pour ce sentiment de voir à l’université des étudiants moins persévérants, moins passionnés par leurs études que je n’ai pu l’être. La télé, coupable ?
Toujours est-il que cette épée de Damoclès qui pèse au-dessus de nos têtes, il ne tient qu’à nous de nous en débarrasser : la chose est infiniment plus simple que de vouloir s’affranchir du réchauffement climatique : il suffit de simplement balancer la télé à la benne... Un geste simple, en somme. Économique. Écologique (enfin, pour ça vaut mieux éviter d’en acheter une !) Et source du bonheur retrouvé au sein du noyau familial. Assurément.
Nous sommes dans une époque qui bénit le principe de précaution dans notre société : peur du nucléaire, peur des OGM, peur des ondes électromagnétiques, etc. Et bien moi, j’ai peur de ce que la télé est en train de nous faire à nous autres humains (enfin, vous faire). Alors dans le doute, si j’ai un peu de mal à me débarrasser du nucléaire parce qu’il me sert à m’éclairer, en revanche, la télé ne me sert à rien. Ne sert à rien. Que du négatif dans cette boîte maléfique. Donc pourquoi attendre ? Pour voir, si... ? Que le niveau baisse encore ? Que les cerveaux de nos enfants ressemblent à des éponges déconnectées ? Que l’on ressemble aux humains déshumanisés de Wall-e ?
Quelques éléments de réponse sur les effets d’internet et des nouvelles technologies (ajout du 27 février 2012), par Michel Desmurget :
Pauvre Poucette, avec le lien vers le texte de Michel Serres auquel il est fait référence : Petite Poucette.
Liens :
Ce serait le cas si on pouvait « choisir » le contenu à un instant donné, ce qui n’est pas le cas. De plus, les quelques retours vers la médiocrité télévisuelle qu je peux faire me confortent dans l’idée que le « choix » prétendu du téléspectateur devant la pléthore de chaîne n’en ai en fait pas un... la recherche de l’audimat fait concourir les chaînes dans un jeu idiot où sont recherchés les plus mauvais penchants des téléspectateurs...
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