Les tribulations d’un (ex) astronome

Pakistan - Baltoro trek - Fin

vendredi 29 juillet 2005 par Guillaume Blanc

La dure réalité est que je suis présentement à Padoue et que mes amis sont présentement à Islamabad. Pas de trek pour moi, donc. À cause d’une ridicule petite formalité qui a foiré. Pas eu le visa à temps pour entrer au Pakistan...

Il y a quinze jours, l’ambassade, via l’agence qui s’occupe des visas, via notre agence de trek, me demande un certificat de résidence. Que je n’ai pas, car je ne suis pas résident en Italie (moi, les formalités administratives, tant qu’on ne me demande pas expressément de m’y atteler, je laisse couler...). J’avais quand même pris soin, avant d’envoyer mon passeport à l’ambassade du Pakistan à Rome de leur demander (toujours via mes deux intermédiaires) si c’était possible bien que je sois français. C’était fin mai. Réponse positive. Mi-juin j’envoie mon passeport à l’agence. Mi-juillet, je reçois cette demande de papier. Quelques jours plus tard, on m’annonce que les négociations ont porté leurs fruits : j’aurais mon visa sans devoir fournir de certificat de résidence. C’était lundi 18 juillet. Une petite semaine d’allégresse s’ensuit. Derniers préparatifs, etc, etc... Vendredi, la nouvelle tombe : mon passeport n’a pas été visé...

J’en pleure toute la journée : six mois de rêve qui s’effondrent d’un coup à cause d’un petit rien. Le soir, l’espoir renaît : seule solution, aller au consulat du Pakistan à Lyon lundi, en partant dimanche soir, et en espérant qu’ils pourront me faire ce visa. Je n’ai pas réussi à les joindre par téléphone. Samedi matin, je courre après mon passeport. Tous les passeports de l’équipe auraient dû arriver chez Francesco vendredi. Ils n’y sont pas. Lui est dans la nature, mais avec son portable. De coup de fil en coup de fil, je finis par découvrir que le paquet est au siège du transporteur qui était chargé de les acheminer. Je fonce les chercher : lundi, ce sera trop tard, et le bureau ferme à midi et demi le samedi. C’est ainsi que la première étape réussie ! L’après-midi, je fais mes derniers achats. Le soir je vais au ciné.

Dimanche, je prépare mes affaires. Sur le canapé, tout ce qui doit rentrer dans le bidon. Un amas de matos hétéroclite. Mais pas plus de vingt kilos en tout... Ça le fait presque. Dans l’après-midi, je rejoins Dani, on va grimper un peu à Rocca avec Lara et Andrea. Je ne reste pas longtemps. Encore un paquets de trucs à faire avant de prendre la route...

Je décolle vers 21h... Une caisse de bouffe sur le siège, deux bouteilles de coca. Le duvet dans le coffre. Et tous les papiers dont je pourrais avoir besoin : passeport, photos d’identité, justificatif de l’agence, billet d’avion... Je suis gonflé d’espoir. Je roule, je roule. 23h... Ralentissement autour de Milan. Y’a un de ces peuples à cette heure sur la route ! Puis Aoste, Courmayeur, tunnel du Mont Blanc. Confiant, je prends un aller-retour. En descendant du tunnel dans la vallée de Chamonix, je m’arrête dans un coin de station service. Il est 2h30. J’incline le siège. Je me glisse dans le duvet : le fond de l’air est frais. Je dors quelques heures. Cinq heures. Il faut repartir. Encore 225 kilomètres jusqu’à Lyon. Je suis bien. J’y crois. J’arrive à Lyon vers 7h30. Le temps de m’orienter dans cette ville que je ne connais pas, il est 8h. 8h30, j’arrive devant le consulat. Qui ouvre à 9h. Permanence seulement le lundi. Coup de pot (sic !). Je ne risquais pas de pouvoir appeler vendredi... Je vais faire un tour, le temps d’une petite demi-heure. Neuf heures. Je sonne. Une dame me répond. Le monsieur du consulat n’arrive pas avant dix heures. Qu’à cela ne tienne, je vais faire un autre tour. Dix heures. Je re-sonne. Un monsieur, pakistanais c’est évident, m’ouvre. Gentiment il m’invite à pénétrer dans son bureau. Je lui demande si c’est possible d’avoir un visa, lui racontant mon histoire. C’est gentiment qu’il me répond qu’il ne se fait pas de visa à Lyon, il faut aller à Paris. Tout s’effondre. Mon dernier espoir s’évanouit. Tout ça pour ça...

Aller à Paris... Pas envie du tout du tout... En tout cas, pas question d’y aller en voiture. Seule solution : le train. Lyon-Paris, deux heures, 130 euros. Et même pas la certitude d’avoir mon visa dans la journée. Sans compter, que de retour à Lyon, il me reste sept heures de voiture. J’ai appelé l’ambassade de Paris, un monsieur courroucé m’a répondu qu’il fallait au moins 24 heures... Ça ne le fait pas... Le monsieur de Lyon m’a expliqué que pour avoir un visa, les autorités de l’ambassade récupéraient les passeports, puis vérifiaient dans une liste que les personnes qui demandent leur entrée au Pakistan ne sont pas sur une liste « noire » d’interdits de séjour. J’ai passé la journée à peser le pour et le contre. Aller à Paris, ça veut dire un visa, si je l’obtiens, à plus de 350 euros... Ça veut dire un retour à Padoue dans la nuit qui précède le départ. Sachant que mon bidon n’est pas tout à fait prêt, qu’il faut absolument que je passe au boulot pour terminer un truc (la connexion avec l’ESO ne fonctionnait pas le week-end précédent : quand rien ne va, rien ne va !), et je partirais complétement crevé. Bon. Admettons. Moi qui voulait partir serein. Mais quand même, tout ce bordel, ces journées de déprime pour des vacances ! Faut quand même pas déconner ! La réponse de l’ambassade parisienne m’a décidé à tout laisser tomber. Prendre cette décision m’a finalement soulagé. Enfin... Car je veux bien jouer au saut d’obstacles, mais quand on me rajoute des pièges de plus en plus hauts sur ma route, ben, ça finit par ne plus le faire.

Résultat, je suis revenu à Padoue après un petit détour par mes Hautes-Alpes. Sur la route entre Lyon et Gap, j’ai eu l’idée de m’offrir un stage de montagne, histoire de remplir un peu ces vacances désormais toutes vides. Et j’ai trouvé. La semaine prochaine je vais à la Bérarde au cœur de l’Oisans, faire un stage d’alpinisme avec le CAF.

Rebondir. Ne pas s’arrêter. Bouffer la vie avant qu’elle ne me bouffe [1]. Chercher quelqu’un pour faire le Mont Blanc. Et les quatre autres « 4000 » qui l’entourent... Si l’Himalaya ne veut pas de moi, je vais aller crapahuter sur les Alpes. Pas besoin de visa pour ça.

Quand même, quand même, maintenant que la tension est retombée, je m’interroge. Pourquoi n’ai-je pas obtenu ce visa ? Pourquoi on m’a dit dix jours avant le départ que c’était bon, alors que ça ne l’était pas ? Pourquoi ne m’a-t-on pas dit qu’il fallait un certificat de résidence dès le départ ? Pourquoi l’ambassade a-t-elle gardé mon passeport plus d’un mois pour finalement refuser le visa ? J’aurais eu largement le temps de l’envoyer à Paris. Si j’avais su. Mais je faisait confiance... Je faisais confiance aux gens que je payais pour s’occuper de ça à ma place.

À moins que je ne sois sur leur fameuse liste noire ? Peut-être que ce visa pour les États-Unis figurant sur mon passeport (je suis allé à Hawaï l’été 2003 pour le boulot), n’est-il pas étranger à tout ça. Ça me paraît un peu gros. Mais tout me paraît un peu gros dans cette histoire. Pourquoi vouloir que je sois résidant en Italie pour me donner ce visa ? En France ou en Italie, quelle différence pour eux ? De fait, l’agence de trek, qui a déjà eu des clients étrangers, n’avait jamais vu une telle requête de la part de l’ambassade. Bref, ce refus a étonné tout le monde... Pas de pot ?

Va falloir désormais que je me batte pour être remboursé de l’acompte que j’avais versé. La bagatelle de 800 euros... Ce n’est pas encore terminé !!

Je lisais dans Courrier International no 769 de cette semaine un article tiré d’un quotidien pakistanais qui vaut son pesant de cacahuètes : 2006, « l’année du tourisme » à Islamabad ! Je le reproduis in extenso ci-dessous :

Shaukat Aziz [le Premier ministre] a annoncé dernièrement que 2006 serait « l’année du tourisme au Pakistan ». Cette déclaration va sans aucun doute provoquer une pénurie de formulaires de demande de visa dans nos ambassades, qui seront certainement assaillies par des nuées de touristes prêts à débarquer dans notre pays par avions entiers. Notre Premier ministre a continué en informant les visiteurs potentiels que notre pays regorgeait de lieux « d’intérêt historique, naturel et religieux ». Mais de quelle planète vient donc cet homme-là ? Il est vrai que le tourisme religieux à destination du Pakistan est florissant depuis de nombreuses années, plus précisément depuis un séjour effectué par Oussama Ben Laden et ses amis. Ben Laden a d’ailleurs tellement aimé notre pays qu’il n’a pas voulu en repartir. Plus récemment, notre pays a été visité par trois Britanniques qui se sont fait sauter à Londres, et avec eux de nombreux autres citoyens de la capitale de la Grande-Bretagne. Au fil des années, plusieurs milliers de « touristes religieux » (ou faut-il dire « terroristes » ?) ont séjourné au Pakistan pour apprendre comment et qui tuer de façon efficace.

Hélas, les touristes religieux ont plutôt tendance à loger dans des camps où ils sont endoctrinés et où on leur apprend à fabriquer et à poser des bombes, et ils ne sont généralement pas du genre à jouer les grands seigneurs. Ce n’est pas que les occasions de dépenser de l’argent abondent au Pakistan, à moins qu’on ne veuille acheter un kilo ou deux d’héroïne, qui est l’autre raison pour laquelle les étrangers choisissent notre pays comme destination de vacances. Ainsi, si vous rêvez de voyager avec une valise spécialement conçue pour transporter discrètement de la drogue, vous devez absolument venir au Pakistan.

Il est indéniable que notre pays possède maintes merveilles historiques et naturelles ; mais ces attractions ne suffisent généralement pas à faire venir les voyageurs, refroidis par l’image dont jouit le Pakistan en dehors de ses frontières ? celle d’une nation célèbre pour son armée et ses mollahs. Et s’il y a une chose que les gens n’ont pas envie de faire lorsqu’ils sont en vacances dans un autre pays, c’est passer leur temps à se demander si le prochain barbu bizarre ne va pas lancer sa voiture bourrée d’explosifs contre leur bus climatisé. D’ailleurs, même nos dirigeants préfèrent passer la plupart de leur temps ailleurs que chez eux. Ce qui n’est pas vraiment la meilleure publicité pour « l’année du tourisme au Pakistan ».

Irfan Husain Daily Times

[1Cet adage n’est pas de moi, je l’ai trouvé sur un blog, mais pas moyen de retrouver lequel, que son auteur me pardonne...


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