Zermatt
Zermatt. Mythique capitale suisse de la haute montagne, nichée dans les alpes valaisannes au pied du non moins mythique Matterhorn (Cervin). Le mythe s’est fait réalité il y a peu, quand je suis allé dans ce coin-là avec quelques amis gravir quelques montagnes. Zermatt, c’est en fait bien plus que le Cervin : pas moins d’une vingtaine de « quatre mille » encerclent cette petite cité de fond de vallée...
Zermatt. Si Padrig s’imaginait un petit village pastoral ravitaillé par les corbeaux, je me doutais que la réalité devait être assez éloignée de l’image. En fait, je n’ai même pas visité la ville. J’y suis passé deux fois, l’une en milieu de matinée, en montant à la Rothornhütte, l’autre assez tard en soirée, en descendant. Donc, comme à l’accoutumé, tout ce qui suit sera agrémenté d’un soupçon de subjectivité saupoudré d’une pincée de cynisme...
Zermatt, une ville sans voiture, lovée au fond d’une vallée alpine à 1600 mètres d’altitude. Du camping où nous crêchons, à Randa, deux cents mètres plus bas, et une dizaine de kilomètres en aval, il faut soit se taper deux heures de marche pas folichonnes, soit prendre la navette du camping pour six francs suisse (FS) l’aller, soit prendre le train à Täsch, pour la modique somme de 7,80 FS avec de surcroît deux kilomètres de marche pour atteindre la gare. Bref, ne va pas se balader à Zermatt qui veut ! À l’aller ce sera la navette, au retour le train. Mais une fois, pas deux !
Une ville sans voiture ! Certes, mais sillonnée en tous sens par de petites navettes électriques (quand même) aux couleurs des innombrables hôtels qui peuplent l’endroit. Le matin, tout au moins, il y en a partout. On marchait hallucinés avec nos grosses grôles et nos énormes sacs à dos au milieu de ce manège, ne sachant trop où poser les pieds, il y avait toujours un de ces petits engins pour se trouver sur notre chemin ou nous pour nous trouver au milieu du chemin de l’un d’entre eux. Se faire klaxonner dans une ville sans voiture, le comble. Ça grouille. Ils sont ridiculement moches, ces engins. Bardés de pubs pour l’hôtel qu’ils représentent. Ils sont là pour transporter leurs clients. Dans cette ville que je prenais pour l’une des capitales alpines de l’alpinisme, les touristes ne marchent même pas sur les quelques centaines de mètres qui sépare la gare de leurs hôtels : ils se font transporter ! Des fois qu’ils se choppent des ampoules. Tas de graisse (fric ?) ambulants. Ahurissant !
D’ailleurs à y regarder de plus près, rares sont les individus de notre espèce dans la faune locale. Des vieux, des jeunes, des hommes, des femmes, qui n’ont pas l’air particulièrement sportifs. Plutôt fringués à quatre épingles. Il en faut pour tous les goûts, me direz-vous. Certes. Mais je m’attendais à autre chose. Je ne sais pas ce que tous ces gens viennent faire à Zermatt ? Se pavaner sous l’œil du Cervin, qui veille, là-bas, là-haut, pour se vanter dans les salons d’avoir été faire un tour en haute montagne ? Je ne sais...
Le soir, la nuit, plus de petits taxis électrique. La ville est exclusivement piétonne. Enfin. Et grouille toujours d’une fébrile activité. J’ai l’impression de m’être trompé de décor : ne serais-je pas plutôt dans quelque bourgarde de la Côte d’Azur ? Le cadre aurait mieux collé... J’aurais enfin compris pourquoi l’on nous dévisageait ainsi, nous qui faisions tâche dans le tableau, de retour du Zinalrothorn, au milieu de ces tenues de soirée.
Les hôtes de la ville transpirent la richesse par chacun de leurs pores. Zermatt, c’est le rendez-vous des riches qui en ont peut-être marre de respirer l’air iodé de la Côte d’Azur. Ce n’est pas du tout le rendez-vous des montagnards. De toute façon, Zermatt n’est pas à la portée de la bourse du montagnard lambda.
Vite, s’éloigner de cette chose. S’élever. D’en haut, se dressent pas loin d’une dizaine de grues. Ça construit tout azimut. Zermatt s’agrandit pour accueillir encore plus de riches. Au détriment de la montagne, forcément. La montagne ne peut pas lutter contre l’argent. Contre ces gens qui viennent skier l’été sur les glaciers zébrés de remontées mécaniques. Ils viennent trouver ce qu’ils n’ont plus en ville : l’air pur. Mais ils leur faut néanmoins l’horizon bétonné et le bruit des machines, sinon ils se sentent perdus. Comme ils ont l’argent... D’ici qu’ils nous mettent un téléphérique pour aller au sommet du Zinalrothorn...
Cruelle désillusion. Bah, je n’en attendais pas moins de la part d’une ville, fut-elle en montagne. Heureusement que les paysages alentours ont surpassé mes rêves les plus fous : des glaciers à perte de vue d’où immergent de superbes montagnes ! Grandiose ! Là, j’en ai eu pour mon argent !
Guillaume Blanc
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