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En charrette, mademoiselle !
La période « montagne » des vacances aoûtiennes étant finalement révolue, le projet de partir en vélo sur les routes de France, et plus spécifiquement celles de Bretagne mûrit. Un peu de platitude pour tester le concept de randonnée sur plusieurs jours avec la charrette et Sarah, 8 mois, dedans. Le « plusieurs jours » fut finalement réduit à sa portion congrue : deux jours. À peine. Point trop n’en faut pour commencer, hein.
En étudiant la carte des « voies vertes de Bretagne » nous posâmes notre dévolu sur une petite traversée de Rennes à St Malo [1] par le canal d’Ille-et-Rance. Le camp de base avancé fut établi à Laval chez les beaux-parents.
Après discussion, nous avions décidé de garer la voiture à Rennes dans un parking souterrain, payant, à proximité de la gare, car le retour de St Malo s’effectuera en train. Vendredi matin, nous sommes arrivés à Rennes vers 10h30. Sur la route vers un parking, nous trouvâmes miraculeusement une place. Pas d’indication comme quoi la chose était payante, cela devait donc signifier que c’était gratuit. Ainsi fut-il.
Nous débarquâmes notre barda sur le trottoir, au grand dam de quelques passants qui durent enjamber nos monticules en passant. Mais bientôt tout fut en ordre de départ, qui dans la charrette, tirée par Anne-Soisig, pour les duvets et quelques autres petites choses, qui dans des sacoches sur mon porte-bagage pour le reste. Porte-bagage arrière qui induisit un décalage significatif du centre de gravité de mon vélo à vide : il ne fallait pas grand-chose pour le cabrer !
Et le convoi exceptionnel se mit en branle : Anne-Soisig devant avec la charrette, moi qui fermait la marche. Sarah dans son hamac tout suspendu au milieu. Traversée toujours un peu scabreuse de la ville avant de rejoindre le bord du canal.
L’avantage de suivre un canal, c’est que c’est globalement plat (une centaine de mètres de dénivelés positifs, néanmoins, sur les 65 km de la première journée — les dizaines d’écluses servent à quelque chose), ce qui est un avantage non négligeable quand on tire 25 à 30 kg de charrette ; que c’est roulant, d’autant que les berges ont été réaménagées pour qu’il en soit ainsi : après tout, au départ, était le halage des bateaux qui nécessitait des berges adéquates. Le cyclo-tourisme en bénéficie aujourd’hui !
L’inconvénient de suivre un canal, c’est que sur 85 km, c’est un paysage un tantinet monotone, même s’il y a toujours des passages plus jolis que d’autres, ou des écluses plus fleuries que les autres ; que le passage des écluses est toujours un moment sympa, même si au bout de quarante-huit, on devient légèrement blasé ; que le canal, par définition, évite tous les obstacles, dont les différents patelins à proximité : pour les visites culturelles des villages de « caractère », il faut faire des détours. Nous avons opté pour la ligne droite. Seule quelques villes nous firent l’honneur d’être traversées, et parmi celles-ci Léhon, en banlieue de Dinan, est notre grand coup de cœur.
Donc, nous pédalâmes. Avec des poses rythmées par les jambes de Sarah qui avaient de temps à autre besoin de se dégourdir (contrairement aux nôtres), par les différents repas de la miss (et accessoirement des nôtres). Nous roulions à 15-20 km/h de moyenne, et l’un dans l’autre, le premier jour nous avons parcouru 65 km entre 11h et 18h30. Nous avons tergiversé pour savoir si nous allions monter notre tente dans un camping ou pas. Le hic étant que quand nous fûmes décidés à nous arrêter, il n’y avait, a priori, pas de camping à proximité. Mais comme nous avions réussi à faire le plein d’eau, nous étions libre. Nous avons donc choisi de profiter de cette liberté et de poser notre camp d’une nuit dans un champ verdoyant à côté du canal au beau milieu de l’herbe grasse. Pour épargner d’éventuels voisins si Sarah avait quelques cris nocturnes... Mouais, l’excuse en vaut une autre.
L’inconnue de la balade était de savoir comment allait réagir Sarah à dormir dans le « même lit que nous, » — une grande tente quatre places — elle qui est habituée depuis toujours à dormir dans « sa chambre. » Quand nous nous couchâmes, la demoiselle se réveilla, toute contente de nous voir à proximité. Excitée comme une puce, à jouer de l’hélicoptère avec son doudou, j’ai vu venir une nuit houleuse. J’ai tenté de l’apaiser pour l’endormir, mais sa mère fut finalement plus patiente et finie par obtenir le résultat escompté, même s’il paraît que je me suis endormi avant elle ! Le reste de la nuit fut calme et serein.
Au petit matin, la rosée avait fait son œuvre, le ciel était bâché, contrairement à la veille qui nous avait copieusement arrosée de soleil. La Bretagne retrouvait ainsi son vrai visage, et pour nous le prouver nous envoya un peu de son inimitable (et rafraîchissant) crachin au visage. Rouler ainsi était presque plus agréable, même si faire des photos ainsi l’était moins, grisaille oblige.
Dinan marqua à peu près la fin du canal, il a fallu commencé à regarder la carte pour rejoindre un autre bout de piste cyclable qui nous emmena à Dinard, avant de trouver un moyen de rejoindre St Malo, c’est-à-dire de traverser le bassin de la Rance. D’après la carte, un pont routier au niveau de l’usine marémotrice permettait de ce faire. Le GR passait par là. Sauf que, sauf que... Nous débouchâmes sur une quatre voies. Devant l’absence de solution alternative — le sentier ne permettait pas à la charrette de passer —, nous serrâmes les dents et les fesses, et vaille que vaille, nous arrivâmes entiers de l’autre côté. Pas fiers, mais entiers.
Une fois dans St Malo, nous rejoignîmes la gare facilement. Un train pour Rennes partait une demi-heure plus tard. L’accès au TER fut épique. Il était bien bien plein, et malgré un wagon où les vélos étaient théoriquement acceptés, avec une kyrielle de voyageurs qui s’étaient entassés juste devant l’entrée sans aller coloniser les espaces libres plus avant, ce fut rude de charger vélos et charrette, qui même repliée tient tout de même sa place. Ça râlait un peu ici et là, à mots couverts contre les vélos, contre la SNCF, contre la société en général — tout fout l’camp ! — bref, les joyeux retours de vacances. Le contrôleur menaçaient de nous mettre dehors si nous ne rangions pas mieux nos bécanes. Finalement, les gens durent avoir pitié de Sarah qui trônait, frétillante, dans les bras de sa mère, et dédaignèrent qui se pousser un chouïa, qui nous donner un coup de main. Et le voyage se termina dans la joie et la bonne humeur. Arrivés à Rennes, nous translatâmes notre bazar d’abord vers le bas le long d’un escalier, puis vers le haut le long d’un autre escalier. Puis nous roulâmes doucement jusqu’à la voiture, toujours là.
Le concept de randonnée à vélo avec Sarah est donc validé, nous sommes enchantés de l’expérience. À nous la France ! Bon, je ne sais pas si je ferais une semaine de chemins de halage, mais globalement, c’est fort sympathique. En moins de deux jours (partis à 11h de Rennes, arrivés à 14h à St Malo le lendemain), nous avons parcouru 115 km, une étape de 7h30 le premier jour et une autre de 5h le lendemain. Évidemment, c’était plat. Pour un budget (hors nourriture) de 21,40 € (billets de train retour, tarif découverte enfant [2]). Le principal inconvénient, c’est que p’tain, le mal au cul !
[1] L’idée originelle était d’aller faire un tour sur Belle Île, mais après consultation des tarifs proprement prohibitifs pour rejoindre l’île par bateau, nous avons décidé d’aller voir ailleurs.
[2] Pour une fois que j’ai une bonne surprise avec les tarifs de la SNCF...
Guillaume Blanc
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