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La pianiste
Je n’ai pas vu le film. Je devais être aux États-Unis à l’époque de sa sortie sur les écrans. Ce que j’en avais lu à l’époque était resté dans un coin de ma mémoire. Je suis tombé sur le livre, au détour des étals d’un libraire. En couverture l’affiche du film, osée, provocatrice. Le synopsis prometteur. Bref, j’ai essayé. Mais j’ai échoué. Première tentative avorté. La littérature des prix Nobel n’est pas d’accès aisé. Même quand elle est censé parler de cul. Le bouquin reposa quelques temps — années — sur une planche de ma bibliothèque. Et puis j’y suis revenu. Nouvelle tentative. Succès. Ce ne fut pas immédiat, la chose a fait beaucoup de résistance, mais j’ai tenu bon. Page après page, RER après RER, j’en suis finalement venu à bout. J’ai failli laissé tombé vingt fois. Mais le désir de savoir ce qu’il advenait des deux protagonistes, Erika Kohut, professeure de piano de son état, grande concertiste ratée, et Walter Klemmer, étudiant, et accessoirement élève d’Erika, fut le plus fort. Le désir de savoir aussi ce qu’il advenait du couple infernal formé par Erika, quarante et quelques années, et sa mère, vivant sous le même toit et dormant (encore) sous les mêmes draps, fut également tenace.
C’est superbement bien écrit. Forcément, puisque l’auteure, Elfriede Jelinek a reçu le prix Nobel de littérature en 2004. Ils ne donnent quand même pas le prix Nobel à n’importe qui ! C’est un roman exponentiel. Ça démarre lentement. Les relations du couple mère-fille. Affreux. Comment voulez-vous ne pas être névrosée avec une telle mère et une telle éducation ? De fait, en arrivant à la moitié, à peu près, l’exponentielle décolle. D’abord doucement. Erika se balade dans les jardins de Vienne, la nuit tombante, à la recherche de couples en pleine action dans les fourrés, sexualité refoulée par une mère envahissante. Voyeurisme. Unique activité sexuelle d’une grande fille de quarante ans. Et puis elle finit par succomber aux avances de son élève, Walter. Mais là, divergence. Divergence de la façon d’aborder l’amour. Erika, après plus de vingt années de frustration ne se l’imagine qu’avec cordes, chaînes et courroie. Dominée. Enchaînée. Attachée. Masochisme. Walter, dans la fleur de l’âge, ne voyait que le romantisme de sa prof, décuplé par les diverses sonates qu’elle lui faisait travailler au piano. Douche froide. Réaction brutale. Tout part en vrille. « Les deux sexes veulent toujours quelque chose de fondamentalement opposé. »
Malgré que la lecture ne fut pas une sinécure, j’ai adoré ce roman, les thèmes abordés sont insolites, pour autant que je sache, surtout dans la cours des grands (prix Nobel et cie), même si, en fin de compte, je la connais que très peu, cette cours littéraire-là, la jugeant a priori inabordable par mes modestes neurones. Par contre, la lecture du livre ne m’a pas du tout donné envie de voir le film de Michael Haneke. Lire des atrocités est une chose, les voir sur un écran en est un autre. Surtout en connaissance de cause !
Guillaume Blanc
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